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Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée par une importante société de grande distribution, en qualité d'assistante (adjointe au directeur), suivant contrat soumis à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Du 1er avril au 4 juin 2014, elle assure le remplacement d'un directeur momentanément absent au sein d’un magasin.
Dans ce cadre, la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 indique que (article 4.4.3 à l’époque des faits) :
- Les salariés qui se voient confier pendant au moins 4 semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci.
Extrait de la CCN :
4.5.2. Remplacements provisoires
La nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci.
En dehors des cas relevant de l'article 4.5.1 ci-dessus, les salariés qui se voient confier pendant au moins 4 semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci.
Cette situation ne peut excéder 6 mois ; à l'issue de ce délai, l'employeur et le salarié remplaçant acteront, au regard du motif du remplacement, longue maladie par exemple, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail.
La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 27 mars 2015 de diverses demandes au titre de ses droits résultant dudit remplacement.
Elle constate en effet que :
- La majoration de salaire ne lui avait été attribuée qu’à partir de la 5ème semaine de remplacement ;
- Alors que selon elle, la rémunération majorée devait lui être attribuée dès lors qu’elle effectuait le remplacement d’un salarié au niveau hiérarchique supérieur (directeur du magasin dans le cas présent).
L’employeur de son côté considérait que le délai de « 4 semaines » indiquée au sein de la convention collective devait être interprétée comme une sorte de « délai de carence » au-delà duquel la salariée était en droit de bénéficier d’une rémunération majorée au titre du remplacement d’un supérieur hiérarchique.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Douai, par arrêt du 29 mai 2020, donne raison à la salariée, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que :
En application des dispositions de l'article 4.4.3 (NDLR : numérotation à l’époque des faits), intitulé « Remplacements provisoires », de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018 :
- La nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci ;
- En dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples prévus aux articles 4.4.1 et 4.4.2, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci.
- Cette situation ne peut excéder six mois ; à l'issue de ce délai, l'employeur et le salarié remplaçant acteront, au regard du motif du remplacement, longue maladie par exemple, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail.
Il en résulte que le salarié qui, en dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples, remplace occasionnellement un supérieur hiérarchique pendant une durée d'au moins quatre semaines consécutives n'excédant pas la limite de six mois, bénéficie du salaire minimum garanti à celui-ci pendant toute la période que dure ce remplacement.
- Ayant constaté que, pendant 4 semaines, la salariée n'avait perçu que son propre salaire et que, pour le temps de remplacement restant, elle avait perçu, proportionnellement à son temps de travail, sa rémunération augmentée d'une fraction du salaire minimum conventionnel garanti au collègue remplacé, puis retenu que le délai de carence invoqué par l'employeur, contraire à la volonté des partenaires sociaux d'assurer au remplaçant une rémunération conforme aux fonctions provisoirement exercées, ne figurait pas dans la convention collective ;
- Il s’en déduisait que le délai de quatre semaines y figurant portait sur le point de départ de l'obligation pour l'employeur d'assurer la contrepartie et que, si la convention collective ne l'obligeait pas, avant quatre semaines de remplacement, à majorer la rémunération du remplaçant, elle l'obligeait, au-delà de ce délai, à verser la contrepartie précitée sans aucun délai de carence au titre des quatre premières semaines.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
5. Ayant retenu à bon droit que la convention collective prévoyait le versement d'un différentiel fonction du salaire minimum conventionnel applicable au salarié remplacé et non du salaire effectivement versé à celui-ci, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, en déduisant des versements effectués, de la rémunération conventionnelle garantie au salarié remplacé et de ses périodes de présence que la salariée avait droit à un rappel de salaire de 539,96 euros majoré de l'indemnité de congés payés, légalement justifié sa décision. (…)Réponse de la Cour
7. Selon l'article 4.4.3, intitulé « Remplacements provisoires », de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018, la nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci. En dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples prévus aux articles 4.4.1 et 4.4.2, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci. Cette situation ne peut excéder six mois ; à l'issue de ce délai, l'employeur et le salarié remplaçant acteront, au regard du motif du remplacement, longue maladie par exemple, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail.
8. Il en résulte que le salarié qui, en dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples, remplace occasionnellement un supérieur hiérarchique pendant une durée d'au moins quatre semaines consécutives n'excédant pas la limite de six mois, bénéficie du salaire minimum garanti à celui-ci pendant toute la période que dure ce remplacement.
9. Ayant constaté que, pendant quatre semaines, la salariée n'avait perçu que son propre salaire et que, pour le temps de remplacement restant, elle avait perçu, proportionnellement à son temps de travail, sa rémunération augmentée d'une fraction du salaire minimum conventionnel garanti au collègue remplacé, puis retenu que le délai de carence invoqué par l'employeur, contraire à la volonté des partenaires sociaux d'assurer au remplaçant une rémunération conforme aux fonctions provisoirement exercées, ne figurait pas dans la convention collective, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de quatre semaines y figurant portait sur le point de départ de l'obligation pour l'employeur d'assurer la contrepartie et que, si la convention collective ne l'obligeait pas, avant quatre semaines de remplacement, à majorer la rémunération du remplaçant, elle l'obligeait, au-delà de ce délai, à verser la contrepartie précitée sans aucun délai de carence au titre des quatre premières semaines.
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-12.552 ECLI:FR:CCASS:2022:SO01410 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle sans renvoi Audience publique du mercredi 14 décembre 2022 Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 29 mai 2020