Cet article a été publié il y a un an, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé, en qualité de réalisateur, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à compter du 28 mai 2006.
Le 14 mars 2016, le salarié saisit une juridiction prud'homale d'une demande en requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverse sommes.
A la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, cette situation contentieuse semble toutefois s’être réglée, les 2 parties ayant trouvé un accord permettant la poursuite de la relation contractuelle…
Mais par la suite, et plus précisément par lettre du 20 février 2020, l'employeur informe le salarié de la fin de la relation de travail, à la suite d'incidents d'antenne survenus les 25 et 27 janvier 2019.
Suite à cela, l’employeur saisit une fois encore la juridiction prud'homale, d'une nouvelle demande en requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverse sommes.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel de Paris, par arrêt du 22 octobre 2020, donne raison au salarié, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, et apporte des précisions importantes à cette occasion.
Point 1 : requalification en CDI et primes
La Cour de cassation considère que, c’est à bon droit que la cour d’appel avait considéré (après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle, énonçant à cette occasion que le salarié devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté dès l'origine dans le cadre d'un contrat CDI), que :
- Le salarié pouvait prétendre à des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion ;
- Sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base.
Point 2 : requalification en CDI et précarité
Autre précision importante qu’apporte le présent arrêt de la Cour de cassation :
- La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ;
- Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent » destinées à compenser la situation (NDLR : une situation de précarité) dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.
Point 3 : requalification en CDI et indemnité de licenciement
Le 3ème point abordé par la Cour de cassation concerne le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
La Cour de cassation considérant ici que :
- La cour d’appel avait justement retenu, pour déterminer le salaire de base permettant le calcul à la fois des indemnités conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut « d'intermittent » (NDLR : à savoir un salaire plus favorable que celui qui lui aurait été attribué en CDI) qui lui étaient définitivement acquises.
Point 4 : requalification en CDI et indemnité compensatrice de préavis
Voici le dernier point abordé par la Cour de cassation, pour lequel d’ailleurs elle ne suit pas la cour d’appel dans son raisonnement.
- Alors que la cour d’appel basait son calcul de l’indemnité compensatrice de préavis sur les salaires perçus dans le cadre du travail précaire ;
- La Cour de cassation considère, elle, que par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, l'indemnité de préavis devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
5. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent », destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.
6. Après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle et exactement énoncé que le salarié devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté dès l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il pouvait prétendre à des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base. (…)Réponse de la Cour
10. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent » destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.
11. Selon l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise (…) du 28 décembre 2012 la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des douze derniers mois ou celle des trois derniers mois.
12. Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1397 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et si l'une des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans les tableaux prévus par ce texte.
13. La cour d'appel, qui, pour déterminer le montant des indemnités conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut « d'intermittent » qui lui étaient définitivement acquises, a fait l'exacte application des deux textes susvisés.
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Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et I/8.6 de l'accord d'entreprise (…) du 28 décembre 2012. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 16. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est contraire à la position défendue devant les juges du fond par l'employeur qui soutenait que les indemnités de rupture devaient être calculées sur la base des sommes perçues par le salarié et non sur la base du salaire résultant de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée. 17. Cependant, la position défendue par l'employeur en cause d'appel selon laquelle l'indemnité de préavis ne pouvait pas être supérieure à 15 302,28 euros n'est ni contraire ni incompatible avec le moyen de cassation. 18. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail : 19. Selon ces textes, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis. 20. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. 21. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le salaire moyen perçu dans le cadre des contrats à durée déterminée est de 5 637 euros et qu'au vu des pièces versées aux débats et en application de l'accord d'entreprise (…) cette indemnité doit être fixée à 16 911 euros à laquelle s'ajoute 1 691 euros de congés payés. 22. En statuant ainsi, au regard des salaires perçus pendant l'exécution des contrats à durée déterminée, alors que, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, l'indemnité de préavis devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement de certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à M. [F] les sommes de 16 911 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 691 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-17.971 ECLI:FR:CCASS:2023:SO00131 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 08 février 2023 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 31 mars 2021