Cet article a été publié il y a un an, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
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Mise à pied : rappels
Avant d’aborder l’affaire présente, nous vous rappelons quelques principes concernant la mise à pied.
2 catégories et une même conséquence
Un salarié peut se voir prononcer 2 sortes de mise à pied.
- La mise à pied conservatoire ;
- La mise à pied disciplinaire.
Quelle soit la catégorie, les conséquences sont légalement identiques à savoir :
- Absence de rémunération ;
- Non-prise en compte de cette période pour l’acquisition de congés payés.
La mise à pied conservatoire
Elle est prononcée dans l’attente d’une sanction (fréquemment un licenciement pour faute grave ou lourde).
Cette période de suspension du contrat de travail n’est pas rémunérée, sauf bien entendu si aucune sanction n’est prononcée au terme de la mise à pied.
Il est important d’avoir à l’esprit que la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction disciplinaire.
Article L1332-3
Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée
Article L1332-2
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48
Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé
La mise à pied disciplinaire
Il s’agit d’une sanction, ce qui sous-entend que l’employeur ne pourra alors prononcer aucune sanction supplémentaire pour le même fait.
En effet, il est de jurisprudence constante de considérer qu’un même fait ne peut être sanctionné 2 fois.
Non bis in idem
Non bis in idem qui est une locution latine qui signifie « pas deux fois pour la même chose », signifiant en l’espèce qu’une mise à pied disciplinaire ne peut être suivie, pour le même fait, d’une nouvelle sanction comme un licenciement.
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé le 7 août 2007.
Le 6 juillet 2015, il est convoqué à un entretien préalable qui se tient le 16 juillet suivant.
En application des dispositions conventionnelle, après la réunion de la commission mixte paritaire en date du 28 août 2015, son employeur lui notifie le même jour, une mise à pied à titre provisoire.
Son licenciement pour faute grave lui est notifié le 7 septembre 2015.
Contestant son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale, aux fins que son licenciement soit reconnu « sans cause réelle et sérieuse ».
Il considère en effet, qu’en application des dispositions conventionnelles applicables au sein de l’entreprise, la mise à pied conservatoire prononcée après l’avis de la commission disciplinaire avait le caractère d’une « mise à pied disciplinaire », de sorte qu’il ne pouvait ensuite être licencié pour les mêmes faits (NDLR : application du principe du « non bis in idem » rappelé plus haut).
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 26 février 2021, déboute le salarié de sa demande, retenant pour cela le fait que :
- Le salarié avait été mis à pied à titre conservatoire dans l'attente de son licenciement ;
- Mais après convocation à entretien préalable, au jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ;
- De sorte que cette mise à pied n’avait pas été prononcée tardivement et ne revêtait aucun caractère disciplinaire.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt renvoyant les parties devant la cour d’appel de Lyon.
Elle donne raison au salarié, retenant que :
- La procédure disciplinaire avait été engagée le 6 juillet 2015 par la convocation du salarié à un entretien préalable fixé le 16 juillet 2015 ;
- Et qu'il n'avait été mis à pied que le 28 août 2015, après la réunion de la commission consultative paritaire, sans que l'employeur n'invoquât la survenance de faits nouveaux postérieurs à l'engagement de la procédure disciplinaire ;
- De sorte que la mise à pied prononcée avait un caractère disciplinaire ;
- Permettant en conséquence de considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, ayant été prononcé en violation du principe « non bis in idem » que rappelle en préambule la Cour de cassation dans le présent arrêt.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu le principe non bis in idem et l'article L. 1331-1 du code du travail :
6. En application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait.
7. Selon l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
8. Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt relève que, selon l'article l'article 74 de la convention (…) , l'employeur engage une procédure disciplinaire par convocation du salarié à un entretien préalable, lui indiquant qu'il peut se faire assister, et, s'il estime maintenir la proposition de sanction, il saisit la commission consultative paritaire qui rend un avis motivé. Il ajoute que le délégataire de pouvoir peut ensuite prononcer une sanction.
9. Il retient ensuite que, si le salarié se prévaut d'un document PX10 qui est un mémento de l'entreprise, ce « mémento des règles de gestion RH » ne constitue en aucun cas une norme conventionnelle, réglementaire ou une annexe au règlement intérieur susceptible de créer des droits pour les salariés. Il ajoute que la mise à pied à titre conservatoire est une mesure facultative qui ne prive pas le salarié de sa rémunération, prise dans l'attente d'une sanction et qui n'est soumise à aucun formalisme.
10. Il retient encore qu'en l'espèce, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire dans l'attente de son licenciement mais après convocation à entretien préalable, au jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il conclut qu'elle n'a donc pas été prononcée tardivement et ne revêtait aucun caractère disciplinaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la procédure disciplinaire avait été engagée le 6 juillet 2015 par la convocation du salarié à un entretien préalable fixé le 16 juillet 2015 et qu'il n'avait été mis à pied que le 28 août 2015, après la réunion de la commission consultative paritaire, sans que l'employeur n'invoquât la survenance de faits nouveaux postérieurs à l'engagement de la procédure disciplinaire de sorte que la mise à pied prononcée avait un caractère disciplinaire, la cour d'appel a violé le principe et le texte sus-visés.
Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche (…)PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-15.648 ECLI:FR:CCASS:2023:SO00261 Non publié au bulletin
Solution : Cassation Audience publique du mercredi 22 mars 2023 Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 26 février 2021