« Golden Hello » : la Cour de cassation valide une clause de remboursement

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Il arrive parfois qu’une entreprise attribue un bonus de bienvenue (ou Golden Hello) à un nouveau salarié recruté. La Cour de cassation aborde la licéité d’une éventuelle clause de remboursement en cas de départ rapide du salarié.

« Golden Hello » : la Cour de cassation valide une clause de remboursement
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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé en qualité d'opérateur sur les marchés financiers, à compter du 1er janvier 2016. 

A l’occasion de son recrutement, l’entreprise lui attribue un bonus de bienvenue. 

Plus précisément, l’article 7.3 du contrat de travail prévoit :

  • Le versement dans les 30 jours de l'entrée en fonction du salarié d'une prime initiale d'un montant de 150.000 € ;
  • Ainsi qu’une clause de remboursement selon laquelle le salarié s’engageait à rembourser ladite prime partiellement en cas de démission dans les 36 mois de sa prise de fonction.

En d’autres termes, le salarié était en mesure de conserver :

  • 1/36ème de la prime versée pour chaque mois de présence. 

Mais le salarié donne sa démission le 16 mars 2017, soit un peu plus d’un an après son arrivée dans l’entreprise.

L'employeur saisit la juridiction prud'homale le 12 septembre 2017 de diverses demandes de nature salariale et indemnitaire, réclamant notamment le paiement d’une partie du « Golden Hello » en raison du départ du salarié avant les 36 mois de présence visés par l’article 7.3 du contrat de travail. 

Il réclame précisément le remboursement de 79.166,67 € à titre de remboursement de prime d'arrivée au prorata, ce que le salarié refuse de payer. 

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 9 septembre 2021, déboute l’employeur de sa demande, retenant le fait que :

  • L’article 7.3 du contrat de travail prévoyait le versement dans les 30 jours de l'entrée en fonction du salarié d'une prime initiale d'un montant de 150.000 €, et que ce dernier devrait rembourser ladite prime partiellement en cas de démission dans les trente-six mois de sa prise de fonction. 

Elle estime présentement que :

  • L’employeur ne pouvait valablement subordonner l'octroi définitif de la prime initiale versée au salarié en janvier 2016 à la condition que ce dernier ne démissionne pas, et ce, à une date postérieure à son versement ;
  • Dès lors que cette condition, qui avait pour effet de fixer un coût à la démission, portait ce faisant atteinte à la liberté de travailler du salarié. 

Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation. 

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d'appel de Paris, dont elle casse et annule l’arrêt. 

Elle rappelle tout d’abord qu’en application des dispositions légales prévues aux articles L 1121-1 et L 1221-1 du code du travail, et article 1104 du code civil :

  • Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
  • Que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et doit être exécuté de bonne foi

Selon la Cour de cassation, en application de ces textes, il en résulte :

  • Qu’une clause convenue entre les parties, dont l'objet est de fidéliser le salarié dont l'employeur souhaite s'assurer la collaboration dans la durée ;
  • Peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l'acquisition de l'intégralité d'une prime d'arrivée, indépendante de la rémunération de l'activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l'entreprise pendant une certaine durée après son versement ;
  • Et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n'aura pas passé dans l'entreprise avant l'échéance prévue.

En d’autres termes, la Cour de cassation confirme ici le caractère licite d’une clause de remboursement dans le cadre d’un « Golden Hello » ou bonus de bienvenue selon l’appellation que l’on souhaitera retenir… 

Extrait de l'arrêt:

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail, et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Aux termes du premier de ces textes, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
6. Selon le deuxième, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.
7. Selon le troisième, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
8. Il résulte de ces textes qu'une clause convenue entre les parties, dont l'objet est de fidéliser le salarié dont l'employeur souhaite s'assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l'acquisition de l'intégralité d'une prime d'arrivée, indépendante de la rémunération de l'activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l'entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n'aura pas passé dans l'entreprise avant l'échéance prévue.
9. Pour débouter l'employeur de l'intégralité de ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé que l'article 7.3 du contrat de travail prévoyait le versement dans les trente jours de l'entrée en fonction du salarié d'une prime initiale d'un montant de 150 000 euros et que ce dernier devrait rembourser ladite prime partiellement en cas de démission dans les trente-six mois de sa prise de fonction, retient que l'employeur ne pouvait valablement subordonner l'octroi définitif de la prime initiale versée au salarié en janvier 2016 à la condition que ce dernier ne démissionne pas, et ce, à une date postérieure à son versement, dès lors que cette condition, qui avait pour effet de fixer un coût à la démission, portait ce faisant atteinte à la liberté de travailler du salarié.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquence de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt infirmant le jugement ayant condamné le salarié aux dépens de première instance, ordonnant la remise à ce dernier d'un solde de tout compte et condamnant l'employeur aux dépens d'appel.
12. Tel que suggéré par l'employeur, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la
Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement ayant condamné M. [W] à verser à la société (…) , aux droits de laquelle se trouve la société (…), la somme de 79 166,67 euros à titre de remboursement de prime d'arrivée au prorata, ainsi qu'aux dépens de première instance, en ce qu'il ordonne la remise au salarié d'un solde de tout compte et en ce qu'il condamne la société (…) aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Références

Arrêt Cour de cassation du 11 mai 2023 Pourvoi n° 21-25.136

Chambre sociale - Formation de section PUBLIÉ AU BULLETIN ECLI:FR:CCASS:2023:SO00529