Conclure une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédente

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Paie Rupture conventionnelle

Un récent arrêt de la Cour de cassation a retenu toute notre attention, il y est question d’une rupture conventionnelle conclue après un licenciement verbal dont prétendait être victime un salarié…

Conclure une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédente
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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé en qualité d'employé polyvalent le 7 juillet 2016.


A l'issue de deux entretiens des 17 et 24 mars 2017, les parties concluent une convention de rupture du contrat de travail, avec une date d'effet prévisible au 20 avril 2017.

La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a accusé réception de la demande d'homologation le 13 avril 2017.

Mais le salarié, estimant avoir fait l'objet antérieurement d'un licenciement verbal, saisit le 20 juin 2018, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 15 avril 2021, donne raison au salarié estimant à cette occasion que :

  1. Le salarié avait établi l'existence d'un licenciement verbal ;
  2. Et de ce fait, la rupture conventionnelle intervenue postérieurement était sans objet puisque le contrat était d'ores et déjà rompu. 

Extrait de l’arrêt :

  1. Pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, l'arrêt retient que la prescription abrégée d'un an prévue par l'article L. 1237-14 du code du travail ne porte que sur la contestation d'une rupture conventionnelle et ne s'applique pas à l'action en reconnaissance d'un licenciement verbal soumise à un délai de deux ans et en l'espèce non prescrite, que le salarié établit l'existence d'un licenciement verbal et que la rupture conventionnelle intervenue postérieurement est sans objet, le contrat étant d'ores et déjà rompu.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée. 

Elle indique à cette occasion que :

  • Lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale ;
  • La signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue. 

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour
Recevabilité du deuxième moyen
7. Le salarié conteste la recevabilité du moyen qui serait contraire à l'argumentation présentée devant les juges du fond par l'employeur, qui n'a pas soutenu que la rupture conventionnelle, signée le 24 mars 2017, valait renonciation commune des parties à la rupture précédemment intervenue.
8. Cependant, l'employeur a relevé la volonté du salarié de rompre le contrat de travail par la convention de rupture et soutenu que celle-ci n'avait pas été dénoncée.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé des moyens
Vu l'article L. 1471-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et les articles L. 1237-11 et L. 1237-14, alinéa 4, du code du travail :
10. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, mais ne fait pas obstacle aux délais de prescription plus courts, notamment celui prévu à l'article L. 1237-14.
11. Aux termes du deuxième, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
12. Selon le troisième, tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif et ce recours doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.
13. Il s'ensuit que lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue.
14. Pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, l'arrêt retient que la prescription abrégée d'un an prévue par l'article L. 1237-14 du code du travail ne porte que sur la contestation d'une rupture conventionnelle et ne s'applique pas à l'action en reconnaissance d'un licenciement verbal soumise à un délai de deux ans et en l'espèce non prescrite, que le salarié établit l'existence d'un licenciement verbal et que la rupture conventionnelle intervenue postérieurement est sans objet, le contrat étant d'ores et déjà rompu.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les parties avaient conclu le 24 mars 2017 une convention de rupture qui n'avait pas été remise en cause, ce dont il résultait qu'en signant une rupture conventionnelle, les parties avaient d'un commun accord renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié et que le délai de prescription prévu à l'article L. 1237-14 du code du travail était applicable aux demandes relatives à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation
prononcée sur les premier et deuxième moyens réunis entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
17. La cassation prononcée n'emporte pas, par ailleurs, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [L] a fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017 constitutif d'une rupture abusive du contrat de travail, en ce qu'il condamne la société (…)  à payer à l'intéressé les sommes de 1 238,25 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 123,82 euros au titre des congés payés afférents, de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail et de 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement vexatoire, et en ce qu'il condamne la société (…) à remettre à M. [L] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Et si la rupture conventionnelle est conclue après l’entretien préalable ?

Nous profitons du présent arrêt de la Cour de cassation pour rappeler un précédent arrêt du 19 novembre 2014, où était abordé le contexte suivant :

  • Après la notification de 2 avertissements, une salariée avait été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 18 mars 2010 ;
  • Le 19 mars 2010, soit le lendemain, les 2 parties avaient conclu une convention de rupture du contrat de travail homologuée par l'autorité administrative. 

La salariée avait décidé de saisir la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes.  

Alors que la cour d’appel avait donné raison à la salariée, la Cour de cassation avait au contraire considéré que :

  • D’une part, qu’un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture.
  • D’autre part, qu’il n’existe légalement aucun délai entre l’entretien pendant lequel les parties concluent une convention de rupture et la signature de ladite convention.  

Cour de cassation du 19 novembre 20214, pourvoi n° 13-21979 

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-18.117 ECLI:FR:CCASS:2023:SO00507 Publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du jeudi 11 mai 2023 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 15 avril 2021