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Présentation de l’affaire
La présente affaire est assez complexe, raison pour laquelle il convient de présenter le contexte de façon détaillée :
Le contexte
Point 1 : mise à disposition véhicules via une association
Certains salariés de la société visée par le redressement URSSAF, adhérents d’une association d'utilisateurs de véhicules :
- Bénéficient d'une mise à disposition permanente d'un véhicule dont ils font un usage tant privé que professionnel ;
- Versent une cotisation à l’association, déterminée en fonction d'un barème tenant compte de la catégorie du véhicule, qui vise à couvrir les factures de location, d’entretien et de réparation des véhicules, l’association centralisant les questions d’assurance ;
- Et bénéficient aussi d’une carte de carburant mise à disposition par l’entreprise via l’association.
Point 2 : paiement à l’association d’une indemnité par l’entreprise
En outre, l’entreprise verse à l’association précitée :
- Une indemnité qui vise à ne prendre en charge que la part de frais correspondant à une utilisation professionnelle des véhicules.
Le redressement URSSAF
A la suite d’un contrôle URSSAF, portant sur les années 2012 à 2014, l’entreprise reçoit une lettre d'observations pour l'ensemble de ses 64 établissements.
61 mises en demeure lui sont notifiées les 25, 26, 27, 30 novembre, 1er et 2 décembre 2015.
L’URSSAF considérant dans l’affaire présente que :
- L’entreprise prenait, présentement, en charge et par l’intermédiaire de l’association des dépenses incombant personnellement aux salariés.
De sorte que l’URSSAF :
- Qualifie cette mise à disposition permanente de véhicule d'avantage en nature octroyé par l'employeur ;
- Devant donner lieu à cotisations sociales après déduction de la cotisation versée par les salariés à l'association.
Saisine du tribunal judiciaire
Contestant le redressement, la société saisit le tribunal judiciaire aux fins d’obtenir l’annulation du redressement notifié par les services de l’URSSAF.
Jugement du tribunal judiciaire
Le tribunal judiciaire de Bordeaux, par décision du 16 septembre 2021, déboute la société de sa demande.
Pour cela il indique que :
Vu les articles L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales :
- Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens du premier de ces textes, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge ;
- En application du second de ces textes, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.
Dans l’affaire présente, pour dire que les salariés bénéficiaient de l'avantage en nature résultant de la mise à disposition à titre permanent d'un véhicule :
- Les jugements relèvent essentiellement que la cotisation, versée par le salarié de la société à l'association dont il est adhérent, laquelle centralise les questions d'assurance et l'entretien du véhicule et met à sa disposition une carte de carburant, est déterminée en fonction d'un barème tenant compte de la catégorie du véhicule ;
- Ils énoncent que les documents produits par la société mentionnent uniquement le nombre de kilomètres parcourus par les salariés à titre personnel et à titre professionnel et qu'ils ne permettent pas de vérifier que l'indemnité versée par l'employeur couvre exclusivement les frais associés aux kilomètres parcourus à des fins professionnelles.
Mécontente de cette décision, la société décide de se pourvoir en cassation.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse et annule la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux, et renvoie les parties devant le tribunal judiciaire d'Angoulême, afin que l’affaire puisse être à nouveau jugée.
Pour cela elle indique que les motifs retenus par le tribunal judiciaire de Bordeaux, pour décider que les salariés bénéficiaient présentement d’un réel avantage en nature pour mise à disposition de véhicules sont insuffisants à caractériser, dans son principe et dans son montant, l'avantage en nature litigieux.
Les motifs retenus étant les suivants :
- La cotisation versée par les salariés à l'association, en tant qu’adhérents, est déterminée uniquement en fonction d'un barème tenant compte de la catégorie du véhicule ;
- L’association centralise à la fois les questions d’assurance et l’entretien du véhicule, et met à la disposition du salarié une carte de carburant via la société rappelons-le ;
- Les documents produits par la société mentionnent uniquement le nombre de kilomètres parcourus par les salariés à titre personnel et à titre professionnel, et ne permettent pas de vérifier que l'indemnité versée par l'employeur couvre exclusivement les frais associés aux kilomètres parcourus à des fins professionnelles ;
- Et enfin que la seule cotisation annuelle versée par les salariés ne permet pas de couvrir les frais liés à l'utilisation privée.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales :
4. Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens du premier de ces textes, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge.
5. En application du second de ces textes, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.
6. Pour dire que les salariés bénéficiaient de l'avantage en nature résultant de la mise à disposition à titre permanent d'un véhicule, les jugements relèvent essentiellement que la cotisation, versée par le salarié de la société à l'association dont il est adhérent, laquelle centralise les questions d'assurance et l'entretien du véhicule et met à sa disposition une carte de carburant, est déterminée en fonction d'un barème tenant compte de la catégorie du véhicule. Ils énoncent que les documents produits par la société mentionnent uniquement le nombre de kilomètres parcourus par les salariés à titre personnel et à titre professionnel et qu'ils ne permettent pas de vérifier que l'indemnité versée par l'employeur couvre exclusivement les frais associés aux kilomètres parcourus à des fins professionnelles.
7. Ils retiennent que la seule cotisation annuelle versée par les salariés ne permet pas de couvrir les frais liés à l'utilisation privée et que cette mise à disposition permanente d'un véhicule leur permet de réaliser une économie. Ils ajoutent que l'URSSAF n'a pas procédé à une taxation forfaitaire mais à une évaluation forfaitaire de l'avantage en nature, réalisée sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût du véhicule minoré du montant de la cotisation versée à l'association, les éléments communiqués ne permettant pas une évaluation aux frais réels.
8. En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, dans son principe et dans son montant, l'avantage en nature litigieux, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent la société (…) de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur l'avantage en nature véhicule : « principe et évaluation - véhicules mis à disposition par l'association centrale des utilisateurs de véhicules AUV », valident les mises en demeure, déclarent acquises les sommes réglées au titre des redressements et condamnent la société (…) à payer à l'URSSAF d'Aquitaine les sommes restant dues au titre des mises en demeure, les jugements rendus le 16 septembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Angoulême ;
Références
Cour de cassation - Chambre civile 2
N° de pourvoi : 21-24.242, 21-24.244, 21-24.245, 21-24.246, 21-24.247, 21-24.248, 21-24.249, 21-24.250, 21-24.251, 21-24.252, 21-24.253, 21-24.254, 21-24.255, 21-24.256, 21-24.257, 21-24.258, 21-24.259, 21-24.427
ECLI:FR:CCASS:2023:C200440
Non publié au bulletin Solution : Cassation partielle Audience publique du jeudi 11 mai 2023
Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Bordeaux, du 16 septembre 2021