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Présentation de l’affaire
L’affaire concerne une société ayant mis en place un dispositif de « départ anticipé fin de carrière », par le biais d’un accord collectif.
Dans le cadre des dispositions prévues par l’accord collectif, les salariés :
- Qui optaient pour un départ en préretraite ;
- Bénéficiaient de la prise en charge par leur employeur de leurs cotisations au régime de retraite de prévoyance complémentaire et de de retraite supplémentaire.
Dans ces circonstances, l’employeur avait décidé de :
- Ne pas intégrer cette prise en charge des cotisations salariales de protection sociale complémentaire des préretraités dans l’assiette de la contribution patronale de 50 % due sur les allocations de préretraite d’entreprise ;
- Et n’avait pas assujetti cette participation au précompte maladie à charge du préretraite dû sur les avantages de préretraite, pas plus qu’aux contributions CSG et CRDS.
A la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF notifie à la société une lettre d'observations envisageant plusieurs chefs de redressement, suivie, le 13 décembre 2013, d'une mise en demeure.
Elle considère en effet que la prise en charge des cotisations salariales par l’entreprise s’assimile au versement à un avantage de préretraite soumis à la contribution patronale de 50 %, prévue par l’article L 137-10 du code de la sécurité sociale.
Article L137-10
Modifié par Ordonnance n°2018-474 du 12 juin 2018 - art. 4
I.-Il est institué, à la charge des employeurs et au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés directement par l'employeur, ou pour son compte, par l'intermédiaire d'un tiers, en vertu d'une convention, d'un accord collectif, de toute autre stipulation contractuelle ou d'une décision unilatérale de l'employeur.
II.-Le taux de cette contribution est fixé à 50 %.
III. (Abrogé)
IV.-Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux contributions des employeurs mentionnées à l'article L. 5123-5 du code du travail, ni aux allocations et contributions des employeurs mentionnées aux articles L. 5122-4 et L. 5123-6 du même code.
NOTA :
Conformément aux dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, les dispositions de la présente ordonnance s'appliquent aux cotisations et contributions dues pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2018.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 4 mars 2021, confirme le redressement URSSAF, estimant que la prise en charge des cotisations salariales par l’entreprise s’assimile au versement à un avantage de préretraite soumis à la contribution patronale de 50 %, prévue par l’article L 137-10 du code de la sécurité sociale.
En revanche, la cour d’appel estime que doivent annuler les « redressements litigieux » concernant l’absence de soumission aux contributions CSG et CRDS, retenant pour cela le fait que :
- Les versements effectués par l'entreprise afin d'éviter que la mise en préretraite et la rupture anticipée du contrat de travail n'entraînent pour les salariés un préjudice après la rupture du contrat de travail ;
- Ont une nature indemnitaire et ne sont pas soumis aux cotisations sociales.
Arrêt de la Cour de cassation
Concernant la soumission à la contribution patronale spécifique, au taux de 50% tel que fixé par l’article L 137-10 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successives issues de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicables au litige, il est institué, à la charge des employeurs et au profit de la [4], une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés directement par l'employeur ou pour son compte, par l'intermédiaire d'un tiers, en vertu d'une convention, d'un accord collectif, de toute autre stipulation contractuelle ou d'une décision unilatérale de l'employeur.
7. Il en résulte que les cotisations salariales aux régimes de retraite ou de prévoyance que l'employeur prend en charge à la place des anciens salariés constituent des avantages entrant dans l'assiette de cette contribution.
8. Ayant constaté que les cotisations de retraite complémentaire, de prévoyance, de mutuelles et d'assurance vieillesse volontaire ont été prises en charge par la société à la place des anciens salariés, en application du dispositif de départ anticipé de fin de carrière, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si ces avantages avaient ou non un caractère indemnitaire, a exactement déduit qu'ils entraient dans l'assiette de la contribution spécifique.
En revanche, la Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel concernant les contributions CSG et CRDS, cassant et annulant l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Toulouse.
Elle confirme à cette occasion que :
- La prise en charge par l'employeur, à la place des anciens salariés en situation de préretraite, des cotisations de prévoyance et de mutuelle, dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière ;
- Constitue un avantage de retraite entrant dans l'assiette de la cotisation prévue à l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale et dans celle de la CSG et de la CRDS.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 131-2, alinéa 2, L. 136-1, L. 136-2 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, et l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée :
27. Selon le premier de ces textes, une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès est prélevée sur les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation d'activité en application de l'article L. 322-4 du code du travail, de l'ordonnance n° 82-108 du 30 janvier 1982 ainsi que des ordonnances n° 82-297 et n° 82-298 du 31 mai 1982 ou de dispositions réglementaires ou conventionnelles.
28. Il résulte de la combinaison du deuxième et du dernier qu'une contribution sociale généralisée et une contribution au remboursement de la dette sociale sont instituées sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement perçus par les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie.
29. Pour annuler les redressements litigieux, l'arrêt retient que les versements effectués par l'entreprise afin d'éviter que la mise en préretraite et la rupture anticipée du contrat de travail n'entraînent pour les salariés un préjudice après la rupture du contrat de travail ont une nature indemnitaire et ne sont pas soumis aux cotisations sociales.
30. En statuant ainsi, alors que la prise en charge par l'employeur, à la place des anciens salariés en situation de préretraite, des cotisations de prévoyance et de mutuelle, dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière, constituait un avantage de retraite entrant dans l'assiette de la cotisation prévue à l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale et dans celle de la CSG et de la CRDS, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le redressement relatif aux cotisations ouvrières d'assurance maladie ainsi qu'à la CSG et à la CRDS sur les avantages préretraite mutuelle servis par l'employeur, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Références
Cour de cassation - Chambre civile 2 N° de pourvoi : 21-15.803, 21-16.070 ECLI:FR:CCASS:2023:C200666 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du jeudi 22 juin 2023 Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 04 mars 2021