Cet article a été publié il y a 11 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Un récent arrêt de la Cour d’appel de Nancy confirme que le licenciement d’un salarié, pour envoi de SMS tout en conduisant, pour faute grave était licite.
L’affaire concernée
Le licenciement du salarié
L’entreprise licencie pour faute grave un salarié chauffeur de camion, au motif :
- Qu’il adressait un nombre important de SMS, dont 20% alors qu’il était en train de conduire ;
- Que ce comportement faisait courir des risques aux autres usagers de la voie publique, ripeurs et au salarié lui-même et se trouvait en totale contradiction avec les règles élémentaires de sécurité à respecter en qualité de chauffeur ;
- Ce qui constituait une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Définition du terme « ripeur » : ouvrier dont la fonction est de décharger les marchandises d’un camion ou d’un wagon.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu’en l’espèce, la lettre de licenciement du 18 novembre 2010 comporte les motifs suivants :
Nous avons constaté que vous utilisiez le téléphone fourni par la société afin d’envoyer un nombre important de SMS.
De plus lors de votre entretien, vous avez reconnu qu’il vous arrivait d’écrire certains de ces messages (20 % selon vos dires) alors que vous étiez en train de conduire.
Ce comportement est en totale contradiction avec les règles élémentaires de sécurité que vous devez respecter en votre qualité de chauffeur. Vous faites courir des risques aux autres usagers de la voie publique ainsi qu’aux ripeurs et à vous même.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise.
L’argument du salarié
Le salarié indique que son véhicule était équipé d’une boîte de vitesse automatique, lui laissant une main libre pour conduire.
Il conteste également avoir reconnu lors de l’entretien individuel l’envoi de SMS tout en conduisant, mais indique que les SMS étaient envoyés alors qu’il se trouvait à l’arrêt.
Extrait de l'arrêt:
Attendu que Monsieur X….. conteste l’existence d’une faute grave et soutient que son licenciement, qui n’a pas été précédé d’un avertissement, est intervenu sans cause réelle et sérieuse au motif que, s’il admet l’envoi de SMS pendant le temps de travail au moyen du téléphone mis à disposition par l’employeur, il conteste en revanche avoir fait courir un quelconque danger à ses collègues de travail et aux autres usagers de la route, d’autant que le camion qu’il conduisait était équipé de nombreux systèmes de sécurité ; qu’il affirme à cet égard n’avoir jamais envoyé de SMS en conduisant mais seulement lorsque le camion était à l’arrêt, pendant que ses deux collègues ripeurs procédaient au chargement des déchets, et qu’il était capable de taper ses messages sans regarder le clavier, de sorte qu’il ne quittait pas des yeux l’écran de contrôle ; que contrairement à ce qui est précisé dans la lettre de licenciement, il conteste avoir reconnu lors de l’entretien préalable l’envoi de SMS alors qu’il était en train de conduire ;
L’arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel ne retient pas l’argumentation du salarié et indique que les faits reprochés au salarié étaient suffisamment importants pour permettre le licenciement pour faute grave.
Dans leur argumentation, les juges de la cour d’appel relèvent en effet les faits suivants :
- L’usage important du téléphone portable (3697 messages en octobre 2010, dont 199 messages pour la seule journée du 22 octobre 2010, les envois étant parfois séparés de moins d’une minute et le plus souvent de quelques minutes ;
- Qu’il n’est pas contesté que la très grande majorité des messages envoyés étaient a usage personnel ;
- Que le salarié ne pouvait contester non plus l’interdiction de téléphoner en conduisant (livret d’accueil et sécurité remis par l’entreprise aux chauffeurs) ;
- Enfin qu’il résulte de l’entretien individuel que le salarié indiquait , en réponse à l’observation de l’employeur selon laquelle il ne pouvait rester concentré sur sa conduite en passant un SMS toutes les 3 minutes, que le camion a une boîte automatique et qu’il a de ce fait toujours une main libre et qu’il passe la majorité des messages lors des arrêts ; qu’il en résulte a contrario que ce n’est pas la totalité des messages qui a été passée à l’arrêt mais seulement une majorité.
Le comportement dangereux du salarié rendait impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis et que la société était fondée à prononcer son licenciement pour faute grave.
Extrait de l’arrêt :
– Sur l’existence d’une faute grave :
Attendu que la faute grave, dont l’employeur doit rapporter la preuve, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;
Attendu qu’il résulte des factures détaillées de l’opérateur … produites aux débats que Monsieur X…. a fait un usage particulièrement important du téléphone portable qui avait été mis à sa disposition par l’employeur afin d’envoyer des messages destinés en grande majorité à un numéro se terminant par les chiffres 66 ; qu’il a ainsi envoyé 3697 messages en octobre 2010, dont 199 messages pour la seule journée du 22 octobre 2010, en très grande majorité vers le numéro se terminant par 66, les envois étant parfois séparés de moins d’une minute et le plus souvent de quelques minutes ;
Attendu qu’il n’est pas conteste que la très grande majorité des messages envoyés étaient a usage personnel, Monsieur X…. en ayant lui même recensé 663 sur un total de 764, selon son propre décompte portant sur une partie de la période considérée ;
Attendu que l’interdiction de téléphoner en conduisant, telle qu’elle résulte des consignes de sécurité remises à chaque salarié (livret d’accueil et livret de sécurité) et que Monsieur X….. ne conteste pas avoir reçues, s’entend comme devant s’appliquer lorsque le camion se trouve sur la voie publique, avec le moteur en fonctionnement, peu importe qu’il soit ou non en train de rouler ;
Attendu qu’en outre, il résulte du compte rendu d entretien préalable au licenciement rédigé par Monsieur Y… conseiller du salarié, qu’en réponse à l’observation de l’employeur selon laquelle il ne pouvait rester concentré sur sa conduite en passant un SMS toutes les 3 minutes, Monsieur X…. a répondu que le camion a une boîte automatique et qu’il a de ce fait toujours une main libre et qu’il passe la majorité des messages lors des arrêts ; qu’il en résulte a contrario que ce n’est pas la totalité des messages qui a été passée à l’arrêt mais seulement une majorité ;
Attendu que la circonstance selon laquelle le camion était équipé de dispositifs de sécurité n’est pas de nature à écarter la faute du salarié dont l’attention était nécessairement détournée de la tâche qu’il avait à accomplir, compte tenu du nombre très important des messages qu’il envoyait, sans compter les réponses dont il devait aussi prendre connaissance ; Attendu que ce comportement de Monsieur X…. qui n’avait rien d’isolé mais était au contraire devenu général et systématique, constituait un manquement caractérisé aux règles élémentaires de sécurité et était de nature à créer un danger pour les autres usagers de la route ainsi que pour ses collègues de travail, peu importe le fait que ces derniers n’aient pas eu conscience du danger, ainsi que cela ressort des attestations qu’ils ont établies et qui sont produites au soutien de l’argumentation de l’appelant ; qu’il faut également relever que le fait d’utiliser un téléphone portable au volant d’un véhicule contrevient au code de la route ;
Attendu que l’argument selon lequel Monsieur X…. aurait lui même été victime en 2006 d’un accident du travail résultant d un manquement aux règles de sécurité imputable a l’employeur est sans lien avec les faits invoqués par celui ci pour motiver le licenciement, d’autant que cet accident du travail a donné lieu à une indemnisation ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le comportement dangereux de Monsieur X…. rendait impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis et que la société L… était fondée à prononcer son licenciement pour faute grave ;
Quand téléphoner au volant ne justifie pas un licenciement… pour faute grave !
Il convient toutefois de ne pas tirer de conclusions trop hâtives.
Pour mémoire, l’affaire concerne un ambulancier licencié pour faute grave, pour ne pas avoir utilisé le kit « mains libres » du véhicule professionnel.
La cour d’appel, tout comme la Cour de cassation, donnent raison au salarié :
- Considérant que l’usage du téléphone au volant n’était qu’occasionnel ;
- Que l’employeur n’avait à ce sujet adressé aucun avertissement.
Nous avons rédigé une actualité à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Lire aussi : Quand téléphoner au volant ne justifie pas un licenciement… pour faute grave ! Jurisprudence
Un salarié est engagé le 1/04/2004 en qualité d’ambulancier. Il est licencié pour faute grave par lettre du 15/03/2007. L’employeur reproche à son salarié d’utiliser le téléphone au ...
Références
Arrêt Cour d’appel de Nancy 14/11/2012 n° 12/00388