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Depuis 2010, le Rapport annuel de la Cour de Cassation suggère une modification des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dès lors que celles-ci, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel, ne permettent pas une indemnisation intégrale des victimes d’accidents du travail dus à la faute inexcusable de leur employeur.
La Cour de cassation maintient cette année sa proposition au moyen d’une formulation qu’elle souhaite dénuée de toute ambiguïté sur le caractère intégral de la réparation et propose la modification suivante de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
« Article unique
I. – Les dispositions du premier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale sont abrogées et remplacées par les dispositions suivantes : “Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation de l’ensemble des préjudices qui ne sont pas indemnisés pour l’intégralité de leur montant par les prestations, majorations et indemnités prévues par le présent livre.”
II. – La branche accidents du travail du régime général et celle du régime des salariés agricoles supportent définitivement, chacune en ce qui la concerne, la charge imputable à la modification de l’étendue de la réparation, résultant du I du présent article, des accidents du travail survenus et des maladies professionnelles constatées antérieurement à la publication de la présente loi. »
La Cour précise que la direction de la sécurité sociale a adopté une position défavorable à l’égard d’une telle évolution de la réparation des victimes d’une faute inexcusable de l’employeur, sur la base des éléments suivants :
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, a admis le caractère forfaitaire de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, rappelant toutefois que, en cas de faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient faire obstacle à ce que les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou leurs ayants droit puissent, devant les juridictions, demander à l’employeur réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par cet article, mais aussi de l’ensemble des autres dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
La Cour de cassation a précisé dans ce cadre que les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale prévoyant l’avance par les caisses primaires d’assurance maladie des indemnités afférentes à ces préjudices s’appliquaient identiquement pour les deux types de préjudice, ce qui préserve la victime de tout risque d’insolvabilité de l’employeur.
Dans un arrêt du 12 janvier 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a, quant à elle, jugé conforme aux stipulations de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales le régime de réparation forfaitaire du préjudice du salarié à raison de la faute inexcusable de l’employeur en considérant que cette réparation vient en complément de dédommagements automatiquement perçus par le salarié, ce qui singularise sa situation par rapport à la situation de droit commun.
Elle en déduit qu’il existe une différence de situation ne permettant pas l’application de l’article 14 de la Convention précitée relatif à la prohibition des discriminations.
La direction de la sécurité sociale a considéré que l’articulation de ces jurisprudences permet de préserver le caractère forfaitaire de droit commun de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles avec la nécessité de la réparation des préjudices non indemnisés par ailleurs en cas de faute inexcusable. En conséquence, l’état actuel de la jurisprudence offre, à ses yeux, aux victimes de sinistres d’origine professionnelle un niveau élevé de réparation de leurs préjudices en cas de faute inexcusable de l’employeur.
La direction de la sécurité sociale a, en outre, estimé que la proposition de la Cour de cassation en faveur d’une réparation intégrale des préjudices, qu’ils soient ou non déjà partiellement indemnisés au sein du livre IV du code de la sécurité sociale, va au-delà de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui mentionne uniquement les dommages non couverts par la législation au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle aurait pour caractéristique de supprimer la distinction en vigueur entre la réparation de la faute inexcusable et celle de la faute intentionnelle prévue par l’article L. 452-5 du même code. Elle élargirait les cas dans lesquels la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles avance, sans assurance de récupération, des sommes pour le compte des employeurs, à des situations dans lesquelles elle assure déjà, sous les règles prévues par le code de la sécurité sociale, la réparation des sinistres. Enfin, elle a émis l’avis qu’une telle proposition comporterait ainsi des risques financiers importants pour l’équilibre de la branche, qui est au cœur de son fonctionnement.
Il n’en apparaît pas moins que cette importante suggestion de réforme, dont les motifs exposés conservent toute leur pertinence, présente un caractère essentiel au regard de ses enjeux et de ses conséquences et en considération de l’équilibre qu’elle recherche quant à l’étendue de la réparation assurée aux victimes. Elle ne peut qu’être maintenue.
Rapport annuel de la Cour de Cassation 2022, p. 50 à 52.