En constante augmentation, les maladies chroniques sont aujourd’hui devenues un enjeu majeur de santé au travail. Alors que la part de la population active atteinte d’une maladie chronique était estimée en 2019 à 15 %, elle devrait atteindre 25 % dès 2025, selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. La maladie chronique peut être définie, selon l’Organisation mondiale de la santé, comme une affection de longue durée, souvent associée à une invalidité ou à la menace de complications graves, qui évolue lentement et nécessite une prise en charge pendant plusieurs années. Elle regroupe différents types de maladies comme le diabète, les cancers, le VIH, la dépression chronique, l’endométriose ou encore les maladies cardio-vasculaires.
Les malades chroniques trop souvent stigmatisés et discriminés au travail :
L’enquête montre qu’environ une personne sur six atteintes de maladie chronique (13 %) a été confrontée dans le cadre de l’emploi à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap, contre 3 % pour le reste de la population active. Les personnes ayant une maladie visible ont trois fois plus de risques d’avoir été confrontées à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire. De plus, 55 % des personnes malades déclarent avoir vécu une situation de harcèlement moral dans l’emploi.
La maladie chronique reconnue comme un handicap :
En France, depuis la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la maladie chronique est reconnue comme un handicap. Ainsi, les personnes atteintes d’une maladie chronique peuvent bénéficier de la protection juridique offerte aux personnes en situation de handicap contre toutes formes de discrimination. Or, seule une minorité de personnes font les démarches pour obtenir une reconnaissance administrative de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).
Les obligations des employeurs :
Tous les employeurs, privés comme publics, sont tenus à une obligation « d’aménagement raisonnable » à l’égard des travailleurs en situation de handicap, et donc des travailleurs atteints de maladie chronique. Cela signifie que tout employeur doit prendre les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs concernés d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification. La CIDPH précise que le refus d’aménagement raisonnable peut être considéré comme une discrimination à l’encontre d’un travailleur malade chronique ou handicapé. Or, d’après l’enquête, 29% des salariés atteints d’une maladie chronique ne bénéficie pas d’un aménagement alors qu’ils en auraient besoin, et dans près d’un tiers des cas, l’employeur ne suit pas les préconisations de la médecine du travail.
Les discriminations dans l’emploi arrivent rarement seules et s’accompagnent souvent de situations de dévalorisation : remarques ou « blagues » déplacées, sous-occupation, attribution de travail inutile ou sans lien avec les compétences de la personne, dévalorisation injuste du travail, remise en cause de la maladie ou du handicap… Pour mener à bien sa démarche de prévention, l’employeur doit s’appuyer sur un ensemble d’acteurs parmi lesquels la médecine du travail, qui se trouve au centre du dialogue entre l’organisation et le salarié malade. Cependant, l’enquête montre que 47 % des personnes actives malades ont déclaré hésiter à livrer des informations à leur médecin du travail, car ils ne le connaissent pas et ne l’ont pas choisi. Malgré les craintes, les préconisations de la médecine du travail sont généralement bien accueillies par les salariés concernés : 78 % d’entre eux approuvent les recommandations formulées par le médecin.
Les résultats de l’étude appellent donc les acteurs du secteur à se mobiliser. La Défenseure des droits recommande aux pouvoirs publics d’encourager les employeurs, privés comme publics, à mener régulièrement des campagnes internes de sensibilisation et de formation. Elle recommande également de renforcer les dispositions légales en matière de lutte contre les discriminations, et notamment à modifier la définition de la discrimination fondée sur le handicap afin d’y inscrire l’obligation d’aménagement raisonnable dans tous les domaines et secteurs concernés.
Communiqué Défenseur des droits du 14 décembre 2023.