Quand un salarié fait valoir ses droits à retraite durant une procédure disciplinaire

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C’est une affaire bien particulière que vient récemment d’aborder la Cour de cassation : celle d’un salarié qui en pleine procédure disciplinaire décide de faire valoir ses droits à la retraite. Notre article vous décrit l’affaire et l’arrêt rendu.

Quand un salarié fait valoir ses droits à retraite durant une procédure disciplinaire
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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé à compter du 1er janvier 2012 en qualité de directeur consultant par la société selon contrat à durée indéterminée.

Par avenant du 13 novembre 2014, il est nommé directeur général adjoint à compter du 1er janvier 2014.

Par décision du conseil d'administration du 31 octobre 2014, le mandat social de directeur général lui est confié à compter du 1er janvier 2015, mandat qui a été révoqué le 29 avril 2015 par décision du conseil d'administration.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 mai 2015 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, le salarié est convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave, entretien fixé au 10 juin 2015.

Mais, par lettre du 30 mai 2015, il notifie à la société son départ à la retraite à effet du 1er juin 2015.

En outre, par lettre du 13 juillet 2015, il sollicite auprès de la société le bénéfice du régime de retraite à prestations définies souscrit au profit des cadres dirigeants.

Précisons que dans cette entreprise, avait été mis en place :

  • Un régime de retraite supplémentaire au bénéfice de ses cadres dirigeants ;
  • Régime qui nécessitait la présence du bénéficiaire au sein de l’entreprise au moment de la liquidation des droits à pension dans le régime de base. 

Finalement, le 20 avril 2016, le salarié saisit la juridiction prud'homale en demandant notamment de « ordonner la remise des documents cités à l'article 6 à l'assurance afin qu'il puisse bénéficier du régime de retraite à prestations définies » et sollicite également le paiement de diverses sommes. 

De son côté, la société forme une demande reconventionnelle en demandant à titre principal le paiement de dommages-intérêts correspondant au préavis que le salarié s'est fautivement abstenu d'accomplir, à titre subsidiaire la condamnation du salarié à la garantir « de toutes les conséquences financières afférentes à la mise en œuvre et à l'exécution du dispositif de retraite obtenues dans des conditions manifestement fautives, déloyales et abusives ».

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 30 juin 2022, donne raison au salarié. 

Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant à cette occasion le pourvoi formé par l’employeur. 

Elle indique à cette occasion que :

  • Selon l'article L. 1237-2 du code du travail, la rupture d'un contrat à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages-intérêts pour l'employeur.

Article L1237-2

La rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages et intérêts pour l'employeur.

En cas de litige, le juge se prononce conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article.

Dans l’affaire présente, il était constaté :

  1. D’une part que le salarié avait notifié à l'employeur son départ à la retraite par lettre datée du 30 mai 2015 en indiquant avoir sollicité la liquidation de ses droits à retraite pour le 1er juin 2015 et cesser ses fonctions le 31 mai 2015 ;
  2. Et d'autre part relevé que le contrat de travail ne prévoyait un préavis de six mois qu'en cas de démission ou de licenciement mais non en cas de départ à la retraite

Il s’en déduisait alors :

  • Que, l’employeur ne rapportait pas la preuve d'un abus de droit de la part du salarié, libre de faire valoir ses droits à la retraite dès lors que ceux-ci lui sont ouverts, nonobstant l'engagement d'une procédure de licenciement disciplinaire ;
  • De sorte que, la condition de présence du salarié dans les effectifs de l'entreprise lors de la liquidation de ses droits à retraite prévue par le régime de retraite supplémentaire mis en place dans l'entreprise étant remplie, et qu’il devait être répondu favorablement à la demande du salarié tendant à ordonner à l'employeur de remettre à l'assureur les documents nécessaires au bénéfice du dit régime de retraite.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour
9. Selon l'article L. 1237-2 du code du travail, la rupture d'un contrat à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages-intérêts pour l'employeur.
10. Ayant d'une part constaté que le salarié avait notifié à l'employeur son départ à la retraite par lettre datée du 30 mai 2015 en indiquant avoir sollicité la liquidation de ses droits à retraite pour le 1er juin 2015 et cesser ses fonctions le 31 mai 2015 et d'autre part relevé que le contrat de travail ne prévoyait un préavis de six mois qu'en cas de démission ou de licenciement mais non en cas de départ à la retraite, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et opérant la recherche prétendument omise, a estimé que l'employeur ne rapportait pas la preuve d'un abus de droit de la part du salarié, libre de faire valoir ses droits à la retraite dès lors que ceux-ci lui sont ouverts, nonobstant l'engagement d'une procédure de licenciement disciplinaire, de sorte que, la condition de présence du salarié dans les effectifs de l'entreprise lors de la liquidation de ses droits à retraite prévue par le régime de retraite supplémentaire mis en place dans l'entreprise étant remplie, elle a fait droit à la demande du salarié tendant à ordonner à l'employeur de remettre à l'assureur les documents nécessaires au bénéfice du dit régime de retraite.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-20.880 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00339 Non publié au bulletin

Solution : Rejet Audience publique du mercredi 20 mars 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 30 juin 2022