Le dispositif d’intéressement de projet prévu à l’article L. 3312-6 du code du travail s’inscrit dans le cadre des accords d’intéressement préexistants et permet d’associer autour d’un projet, tant les salariés de filiales différentes d’un même groupe, que des salariés d’un groupe et ses sous-traitants ou partenaires sur un même site. Il permet donc d’intéresser les salariés, non pas aux résultats ou aux performances de l’entreprise qui les emploie, mais à ceux d’un projet auxquels participent plusieurs entreprises.
En 2019, les parlementaires ont élargi le dispositif en permettant aux entreprises de mettre en place un intéressement de projet au profit de tout ou partie de leurs salariés en raison d’un projet interne et non uniquement en raison d’un projet commun avec d’autres entreprises.
Le Ministère du Travail a publié un questions-réponses vise à retranscrire l’article 17 de l’accord national interprofessionnel signé le 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, dont l’objectif est de promouvoir le dispositif de l’intéressement de projet.
Dans les entreprises ou groupes disposant d’un accord d’intéressement et concourant avec d’autres entreprises à une activité caractérisée et coordonnée, un accord peut être conclu pour prévoir que tout ou partie des salariés bénéficie d’un intéressement de projet (art. L. 3312-6 du code du travail ; art. 4 de la Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006).
Quel type de projet peut faire l’objet d’un intéressement de projet ?
Le projet est défini au premier alinéa de l’article L. 3312-6 du code du travail comme une activité caractérisée et coordonnée à laquelle concourent plusieurs entreprises.
Lors des débats parlementaires, les situations évoquées concernaient par exemple la réalisation d’un chantier ou la construction d’une usine ou d’un ouvrage d’art auxquelles participeraient plusieurs sociétés partenaires.
Peuvent également être évoqués les projets industriels réunissant donneurs d’ordres et sous-traitants autour d’un projet commun, tels la conception d’une nouvelle automobile par exemple, ou, dans un tout autre domaine, la réalisation d’un événement culturel.
L’intéressement de projet peut-il être mis en place dans une seule entreprise ?
Oui. Le projet est commun à plusieurs entreprises (premier alinéa de l’article L. 3312-6 du code du travail), mais l’intéressement de projet peut être mis en place dans une seule entreprise (deuxième alinéa de l’article L. 3312-6 du code du travail) si, par exemple, les autres entreprises parties prenantes du projet ne souhaitent pas mettre en place un tel accord.
Dans ce cas, l’accord d’intéressement de projet d’entreprise fera obligatoirement référence au projet commun, mais réservera les bénéfices de l’intéressement aux seuls salariés de l’entreprise.
Quels sont les bénéficiaires de l’intéressement de projet ?
Le champ d’application de l’accord d’intéressement de projet concerne soit la totalité des salariés des entreprises parties prenantes du projet, soit une partie des salariés en question.
Il est possible d’inclure dans le champ d’application la totalité des salariés d’une première entreprise, un établissement d’une seconde, et une unité de travail d’une troisième.
La définition des bénéficiaires de l’intéressement de projet peut-elle être catégorielle ?
Non. Le champ d’application de l’intéressement de projet peut ne concerner qu’une partie des salariés de l’entreprise, mais il doit s’agir de l’ensemble des salariés concourant au projet. Le principe du caractère collectif de l’intéressement s’oppose à la définition d’un champ couvrant une seule catégorie professionnelle de salariés.
L’intéressement peut-il se substituer à un élément du salaire ?
Non. De la même façon qu’un accord d’intéressement « classique », l’accord d’intéressement de projet doit respecter le principe de non-substitution (art. L.3312-6 al. 6 du code du travail).
Ainsi, le délai pendant lequel une prime d’intéressement ne peut se substituer à un élément de rémunération est précisé par l’article L. 3312-4 du code du travail : ce délai est fixé à douze mois entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et la date d’effet de l’accord d’intéressement de projet. La date d’effet de l’accord est le début de la période de calcul de la prime.
Par exemple, pour un élément de rémunération supprimé dont le dernier versement s’effectue le 31 décembre 2022, le principe de non-substitution ne pourra être invoqué dès lors que l’accord d’intéressement de projet prend effet à compter du 1er janvier 2024.
Existe-t-il une condition préalable à la mise en place d’un intéressement de projet ?
Oui. La mise en place de l’intéressement de projet est subordonnée à une condition impérative : que les entreprises parties prenantes de l’accord soient elles-mêmes déjà couvertes par un accord d’intéressement « classique » ; il peut s’agir d’accords d’entreprises indépendants, ou au contraire d’un accord de groupe dont le périmètre est plus vaste que celui de l’intéressement de projet.
Il n’y a pas nécessairement adéquation entre le périmètre de l’accord de projet et celui de l’accord d’intéressement.
De même, il n’est pas nécessaire que l’accord d’intéressement annonce l’accord d’intéressement de projet.
Lorsque les entreprises parties prenantes au projet font partie d’un même groupe l’intéressement de projet doit-il est mis en place par accord de groupe ?
Oui. Sauf dans le cas où l’intéressement de projet est mis en place par une seule entreprise, l’accord d’intéressement de projet est obligatoirement un accord de groupe dont le périmètre correspond aux entreprises parties prenantes du projet. Cet accord de groupe est conclu selon les modalités prévues à l’article L. 3312-5 du code du travail. (art. L.3312-6, al. 2 du code du travail).
Quelles sont les modalités de conclusion d’un accord d’intéressement de projet lorsque les entreprises parties prenantes au projet ne constituent pas un groupe ?
Les modalités de mise en place de l’intéressement n’étant pas applicables aux accords interentreprises, le législateur a renvoyé les modalités de conclusion d’un accord d’intéressement de projet entre entreprises ne constituant pas un groupe aux modalités de mise en place des plans d’épargne interentreprises.
Dans ce cas l’accord d’intéressement de projet peut être conclu avec les délégués syndicaux selon les modalités des articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail, avec les représentants des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, au sein du comité social et économique ou à la majorité des 2/3 des salariés qui participent au projet.
Un intéressement de projet peut-il être mis en place par décision unilatérale de l’employeur ?
Non. L’article L. 3312-6 prévoit que l’intéressement de projet, qu’il soit pris entre entreprises d’un même groupe ou entre entreprises ne constituant pas un groupe, doit être négocié.
Particularité en cas de ratification à la majorité des 2/3 des salariés ou si seulement certains établissements de l’entreprise sont concernés
Dans le cas de la ratification aux deux tiers des salariés, cette forme de conclusion des accords, contrairement aux accords d’intéressement « classiques », s’apprécie, pour l’intéressement de projet, par rapport aux seuls salariés de l’entreprise qui participent au projet.
Dans le cas d’un accord d’intéressement de projet n’incluant dans son champ d’application que certains établissements d’une entreprise, seuls les salariés des établissements couverts par l’accord doivent être consultés (art. L.3312-6, al. 3 du code du travail).
Quels sont les délais de conclusion et de dépôt d’un accord d’intéressement de projet ?
Le régime fiscal et social spécifique de l’intéressement est subordonné au dépôt de l’accord d’intéressement de projet dans les mêmes conditions que les accords d’intéressement « classiques » et la date d’effet des exonérations est la même).
En revanche, l’accord d’intéressement de projet peut prévoir une durée et une période de calcul distincte de celle prévue pour l’accord d’intéressement « classique » et déterminée librement par les parties à l’accord, sans pouvoir excéder cinq ans (art. L.3312-6, al. 5 du code du travail). Cette durée et la période de calcul correspondent normalement à la durée du projet.
L’accord doit donc être signé par toutes les entreprises impliquées par le projet au plus tard le dernier jour de la première moitié de la période de calcul (article L. 3314-4 du code du travail) qui coïncide avec la durée de l’accord.
Par exemple, un accord d’intéressement de projet durant deux ans et six mois doit être signé au plus tard le dernier jour du quinzième mois d’application de l’accord et déposé dans les quinze jours suivant cette date limite.
L’intéressement de projet peut-il prévoir plusieurs périodes de calcul ?
Oui. S’il parait cohérent que l’accord d’intéressement ne retienne qu’une seule période de calcul correspondant à la réalisation du projet, lorsque son processus permet d’isoler différentes phases dans sa réalisation, il est envisageable que plusieurs périodes de calcul, correspondant à ces étapes du projet, se succèdent à l’intérieur de la période d’application de l’intéressement de projet.
Quelles modalités de calcul peut-on envisager pour un intéressement de projet ?
La formule de calcul de l’intéressement de projet doit obéir aux mêmes exigences que tout accord d’intéressement et donc présenter un caractère aléatoire et prévoir une formule de calcul ayant un lien avec les résultats et/ou les performances des entreprises (article L. 3314-2 du code du travail).
Toutefois, un accord d’intéressement basé sur les résultats peut s’avérer difficile à concevoir, voire peu pertinent eu égard au projet. En effet, la somme des résultats de chaque entreprise n’a pas nécessairement de rapport de cause à effet avec le projet (Guide de l’épargne salariale, Dossier n°1, Fiche 7).
L’intéressement à la performance permet de sélectionner plus facilement des critères pertinents pour un projet. Il peut ainsi être envisagé que le montant de l’intéressement soit fonction de l’aboutissement du projet, de ses délais d’achèvement, du niveau de qualité atteint par la réalisation, etc… L’accord peut également retenir des modalités de calcul spécifiques à certaines entités en fonction des taches qui leur sont assignées au sein du projet.
Quelles sont les modalités de répartition de l’intéressement de projet ?
La répartition de l’intéressement de projet suit les mêmes règles que l’intéressement et l’accord peut prévoir des modulations différentes suivant les entreprises (articles L. 3314-5 et suivants du code du travail) : par exemple, les salariés d’une entreprise A pourront voir leur quote-part répartie proportionnellement au salaire, ceux de l’entreprise B proportionnellement au temps de présence, les salariés appartenant aux établissements de l’entreprise C participant à l’accord d’intéressement de projet percevront la même somme suite à une répartition uniforme.
Quels sont les délais de versement de l’intéressement de projet ?
Le versement de l’intéressement, s’il intervient au terme d’une ou de plusieurs périodes de calcul égale(s) ou supérieure(s) à l’année civile, devra s’effectuer au plus tard le dernier jour du cinquième mois suivant la fin de la période.
Si la ou les périodes de calcul sont inférieures à l’année civile, le délai spécifique aux versements infra-annuels doit être retenu : les sommes afférentes à l’intéressement de projet seront versées avant le premier jour du troisième mois suivant la fin de la période de calcul (art. L. 3314-9 du code du travail).
Les plafonds de l’intéressement s’appliquent-ils à l’intéressement de projet ?
Oui. Les primes versées dans le cadre d’un accord d’intéressement de projet doivent être prises en compte dans les plafonds prévus à l’article L. 3314-8 du code du travail.
Ainsi, l’ensemble des sommes versées au titre de l’intéressement, tous types d’intéressement confondus, est plafonné à 20 % du total des salaires bruts perçus par l’ensemble des bénéficiaires, et à 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) calculé sur la durée de l’exercice de l’entreprise pour chaque salarié bénéficiaire.
L’intéressement de projet est-il affecté par défaut sur un plan d’épargne d’entreprise lorsqu’il existe ?
Oui. Comme pour l’intéressement « classique », lorsque le salarié dispose dans son entreprise d’un plan d’épargne entreprise (PEE), d’un plan d’épargne groupe (PEG) ou d’un plan d’épargne interentreprises (PEI), et qu’il ne précise pas s’il souhaite percevoir immédiatement les sommes issues de l’intéressement ou l’investir dans un de ces plans, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (article 150) a imposé un « fléchage par défaut » de l’intéressement vers ces plans.
À défaut d’un choix explicite de la part du bénéficiaire dans un délai de 15 jours maximum à compter de la date à laquelle il est présumé être informé du montant attribué, 100% de l’intéressement est donc affecté sur le PEE, le PEG ou le PEI, dans les conditions prévues par l’accord d’intéressement de projet (articles L.3315-2 et R.3313-12 du code du travail.
Quelles sont les obligations d’information à l’égard des salariés ?
L’accord d’intéressement de projet doit faire l’objet des mêmes modalités d’information des salariés que l’accord d’intéressement « classique ».
Il doit notamment faire l’objet d’un note d’information remise à tous les salariés concernés par le projet et être intégré au livret d’épargne salariale (articles D.3313-8 à D.3313-11 du code du travail).
L’intéressement de projet doit-il faire l’objet d’un suivi ?
Oui. L’accord d’intéressement de projet doit prévoir l’institution d’un comité de suivi tel que décrit dans le Guide de l’épargne salariale. Ce comité est indispensable pour informer les salariés d’entités juridiquement distinctes de l’avancée d’un projet spécifique dont seule la concrétisation, éventuellement par étapes, permet le versement de l’intéressement. Ce comité de suivi, composé de représentants des comités sociaux et économiques ou des salariés eux-mêmes, doit disposer des moyens d’information nécessaires sur les conditions d’application de l’accord. Il peut informer les salariés de l’état d’avancement du projet.
Dans les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, cet accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise - Spécificités (art. L. 3312-6, al. 4 du code du travail ; art. 155, I de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019).
Quelle évolution a apporté la loi PACTE ?
La loi PACTE a élargi le champ d’application du cadre légal en permettant aux entreprises de mettre en place un intéressement de projet au profit de tout ou partie de leurs salariés en raison d’un projet interne et non uniquement en raison d’un projet commun avec d’autres entreprises.
L’intéressement de projet interne doit-il faire l’objet d’un accord complémentaire ?
Non. L’intéressement de projet en raison d’un projet interne à l’entreprise ne fait pas l’objet d’un accord spécifique comme l’intéressement de projet en raison d’un projet commun avec d’autres entreprises.
Cette nouvelle modalité d’intéressement prévue par la loi PACTE s’inscrit à l’intérieur de l’accord d’intéressement « classique », mais la loi n’impose pas que le projet soit défini dès la conclusion de l’accord d’intéressement initial. Rien ne s’oppose à la conclusion d’un avenant ultérieur.
Un avenant intégrant l’intéressement de projet interne à l’accord « classique » peut-il être ratifié par les seuls salariés concernés par le projet ?
Non. Contrairement à l’intéressement de projet en raison d’un projet commun avec d’autres entreprises, l’intéressement de projet interne est intégré à l’accord d’intéressement « classique ». L’avenant doit donc être conclu selon les modalités prévues à l’article L. 3312-5 du code du travail. Notamment, en cas de ratification, il devra être ratifié par la majorité des deux tiers du personnel de l’entreprise.
L’intéressement de projet interne peut-il avoir une durée supérieure à celle de l’intéressement « classique »
Non. L’intéressement de projet étant intégré à l’accord d’intéressement « classique » il ne peut avoir pour conséquence de proroger ce dernier. Si le projet interne de l’entreprise est d’une durée supérieure à l’accord d’intéressement, le processus du projet devra permettre d’isoler différentes phases dans sa réalisation afin qu’au moins l’une d’entre elles soit en concordance avec la durée de l’accord d’intéressement « classique ».
Pendant la durée de l’accord d’intéressement, peut-on conclure plusieurs intéressement de projet interne parallèlement ?
Non. La volonté du législateur est que le projet interne doit être spécifique à l’entreprise et essentiel pour la collectivité de travail comme par exemple la refonte d’un système informatique et ne peut correspondre à son activité normale.
La loi a donc prévu qu’un accord d’intéressement ne peut comporter qu’un seul intéressement de projet interne concomitamment.
Pendant la durée de l’accord d’intéressement, peut-on conclure plusieurs intéressement de projet internes successivement ?
Oui. Les accords d’intéressement pouvant avoir une durée de 5 ans et se renouveler également par tacite reconduction, la loi n’a pas entendu limiter le versement d’un intéressement de projet interne en raison d’un seul et unique projet par accord d’intéressement « classique ».
Une fois son projet terminé, si son accord d’intéressement « classique » est toujours en cours de validité ou s’est renouvelé par tacite reconduction, une entreprise peut parfaitement intégrer à son accord d’intéressement « classique » un nouvel intéressement de projet interne pour un nouveau projet.
L’intéressement de projet interne peut-il avoir une modalité de répartition différente que celle de l’accord d’intéressement « classique » ?
Oui. La loi n’impose pas l’adéquation des modalités de répartition de l’accord d’intéressement « classique » avec celles de l’intéressement de projet.
Toutefois, l’accord d’intéressement « classique » intégrant l’intéressement de projet interne, devra prévoir les modalités de répartition pour chacun des deux types d’intéressement même lorsqu’elles sont identiques, pour la bonne information des salariés.
Ministère du Travail - questions-réponses du 18 avril 2024.
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