Mails envoyés à des heures tardives : preuve que des heures complémentaires ont été réalisées ?

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La Cour de cassation a rendu un arrêt éclairant concernant une salariée ayant adressé des mails à des heures tardives, prouvant selon elle que des heures complémentaires étaient dues, ce que l’employeur contestait dans l’affaire présente.

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Présentation de l’affaire

Une salariée est engagée en qualité de directrice administrative et financière, le 4 janvier 2016, d'abord selon contrat à durée déterminée, puis par contrat à durée indéterminée et à temps partiel.

Elle est licenciée pour insuffisance professionnelle le 19 avril 2017.

Elle a saisi la juridiction prud'homale le 9 mai 2018 de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Elle réclame notamment le paiement d’un rappel d’heures complémentaires, mettant en avant le fait qu’elle avait adressé des mails à des heures tardives, prouvant en cela la réalité d’heures travaillées au-delà de l’horaire contractuel.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 19 janvier 2022, déboute la salariée de sa demande. 

Elle retient pour cela :

  • La salariée ne rapportait pas la preuve d'avoir effectué des heures complémentaires à la demande de l'employeur et qu'en particulier les envois de courriels à des heures tardives, sans urgence, ne permettaient pas d'étayer la réalité d'un travail continu à la fin de l'horaire théorique ni le weekend.

En outre, la cour d’appel considère ici qu’il s’en conclut que les heures complémentaires et supplémentaires ne se trouvant pas établies, la problématique du travail dissimulé de leur chef est inopérante.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’approuve pas le raisonnement de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée. 

Selon la Cour de cassation :

  • Il était constaté que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre ;
  • Et que dans le cas présent, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

10. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

11. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

12. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

13. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies au cours de la période du 1er janvier 2016 à mars 2017, outre les congés payés afférents, l'arrêt retient que la salariée ne rapporte pas la preuve d'avoir effectué des heures complémentaires à la demande de l'employeur et qu'en particulier les envois de courriels à des heures tardives, sans urgence, ne permettent pas d'étayer la réalité d'un travail continu à la fin de l'horaire théorique ni le weekend. Il conclut que les heures complémentaires et supplémentaires ne se trouvant pas établies, la problématique du travail dissimulé de leur chef est inopérante.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme […] de ses demandes en paiement de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires pour la période du mois de janvier 2016 au 21 mai 2017, d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Références 

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-22.506 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00255 Non publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 28 février 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 19 janvier 2022

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