Attribution d’une prime exceptionnelle à des salariés non-grévistes : la Cour de cassation précise

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Paie Prud'hommes

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt éclairant concernant l’attribution d’une prime exceptionnelle à des salariés « non-grévistes » d’une entreprise. Notre actualité vous explique.

Attribution d’une prime exceptionnelle à des salariés non-grévistes : la Cour de cassation précise
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Présentation de l’affaire

La présente affaire propose le contexte suivant : 

  • Suite à la dénonciation de plusieurs accords d'entreprise le 22 novembre 2018, plusieurs salariés de l’entreprise ont exercé leur droit de grève lors d'un mouvement qui s'est déroulé entre le 22 novembre 2018 et le 23 janvier 2019 ;
  • Lors d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale qui s'est tenue le 9 avril 2019, a été annoncé par l'employeur le versement d'une prime exceptionnelle à certains salariés non-grévistes, attribuée « selon une surcharge exceptionnelle de tâches confiées à certains collaborateurs. Cette prime n'est pas liée à un résultat 2018 mais à des efforts supplémentaires durant les quatre derniers mois fournis par certains collaborateurs en dehors de leurs tâches habituelles. » ;
  • S'estimant victimes de discrimination dans l'exercice de leur activité syndicale et de leur droit de grève, les salariés ont assigné, le 6 décembre 2019, la société devant la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement, à chacun des salariés, de certaines sommes à titre de rappel de salaire correspondant à cette prime exceptionnelle et de dommages-intérêts pour manquement par la société à ses obligations d'exécution de bonne foi et loyale du contrat de travail, et au syndicat d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, par décision du 22 septembre 2022, donne raison aux salariés. 

Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’approuve pas le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, renvoyant les parties devant le conseil de prud'hommes de Basse-Terre. 

Elle indique à cette occasion, qu’en application des dispositions de l’article L 2511-1 du code du travail :

  • Ne constitue pas une mesure discriminatoire l'attribution à certains salariés non-grévistes d'une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail. 

Article L2511-1

Version en vigueur depuis le 01 mai 2008

L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.

Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.

Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.

La Cour de cassation ajoute que le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre :

  • N’avait pas recherché, si la prime litigieuse n'avait pas été versée à certains salariés parmi les salariés non-grévistes, ayant accepté une modification temporaire de leur contrat de travail, en raison de l'exécution par eux de tâches ne relevant pas de leurs fonctions;
  • De sorte qu'elles constituaient un surcroît de travail.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2511-1 du code du travail :

10. Il résulte de ce texte que ne constitue pas une mesure discriminatoire l'attribution à certains salariés non grévistes d'une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail.

11. Pour condamner la société à payer à chaque salarié une certaine somme à titre de rappel de salaire correspondant à la prime exceptionnelle, les jugements retiennent que le conseil de prud'hommes avait, avant dire droit, demandé à la société de lui fournir, dans un certain délai, la fiche de poste et le contrat de travail de chaque salarié ayant bénéficié de la prime, ce qu'il n'a pas fait, que le pouvoir de direction permet à l'employeur de modifier unilatéralement les conditions de travail des salariés, que les salariés non-grévistes ont exécuté les tâches demandées conformément aux ordres de l'employeur et que ce dernier leur a donc accordé un avantage salarial de manière discrétionnaire.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si la prime litigieuse n'avait pas été versée à certains salariés parmi les salariés non-grévistes, ayant accepté une modification temporaire de leur contrat de travail, en raison de l'exécution par eux de tâches ne relevant pas de leurs fonctions, de sorte qu'elles constituaient un surcroît de travail, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à ses décisions.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle des pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre les jugements du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 24 juin 2021 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société (…) à payer à (…)pour chacun, la somme de 400 euros au titre de la prime exceptionnelle et la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'ils condamnent la société (…) aux dépens, les jugements rendus le 22 septembre 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Basse-Terre ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-23.321, 22-23.322, 22-23.323, 22-23.324, 22-23.325, 22-23.326, 22-23.327, 22-23.328, 22-23.329, 22-23.330, 22-23.331, 22-23.332, 22-23.333, 22-23.334, 22-23.335, 22-23.336, 22-23.337, 22-23.338, 22-23.339, 22-23.340, 22-23.341, 22-23.342, 22-23.343, 22-23.344, 22-23.345, 22-23.346, 22-23.347, 22-23.348, 22-23.349, 22-23.350, 22-23.351, 22-23.352, 22-23.353

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00393

Non publié au bulletin Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 03 avril 2024

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, du 22 septembre 2022