Sanction disciplinaire et le délai d’un mois : et en cas d’organisme de discipline ?

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Dans le présent arrêt de la Cour de cassation que notre actualité analyse, il est question du délai dont dispose l’employeur pour prononcer une sanction disciplinaire, dans le cas particulier où existe un « organisme de discipline ».

Sanction disciplinaire et le délai d’un mois : et en cas d’organisme de discipline ?
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Sanction disciplinaire

Avant d’aborder l’affaire faisant l’objet d’un arrêt de la Cour de cassation, faisons un bref rappel des dispositions concernant le prononcé d’une sanction disciplinaire.

En application des dispositions de l’article L 1332-2 du code du travail :

  • Une sanction disciplinaire ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien.

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

Présentation de l’affaire

Une salariée est engagée en qualité d'agent des services commerciaux, à compter du 13 janvier 1989, par une compagnie aérienne.

  • Par lettre du 31 octobre 2017, elle est convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire du second degré pouvant aller jusqu'au licenciement disciplinaire pour faute grave, fixé le 29 novembre suivant;
  • Par lettre du 16 décembre 2016, la salariée est informée de la saisine du conseil de discipline et convoquée devant cette instance le 12 janvier 2017;
  • Par lettre du 28 décembre 2016, l'intéressée a exprimé son opposition à la tenue du conseil de discipline;
  • Licenciée pour faute grave par lettre du 4 janvier 2017, elle saisit la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Elle estime présentement que son licenciement, sanction disciplinaire, a été prononcée plus d’un mois après la tenue de l’entretien préalable.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Basse Terre, par arrêt du 20 mars 2023, donne raison à la salariée estimant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour cela, la cour constate que :

  • L’entretien préalable était fixé au 29 novembre 2016 ;
  • Que la salariée ayant renoncé à la réunion d'un conseil de discipline ;
  • Le licenciement devait intervenir avant le 30 décembre 2016.

Ayant été relevé que son licenciement lui avait été notifié le 4 janvier 2017, soit plus d’un mois après l’entretien préalable, il devait être considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt renvoyant les parties devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.

La Cour de cassation indique à cette occasion que : 

Vu l'article L. 1332-2 du code du travail et les articles 6 et 7 de l'annexe « personnel au sol » du règlement intérieur de la société :

  • La sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable ;
  • Ce dernier délai peut être dépassé lorsque l'employeur est conduit en vertu des règles statutaires ou conventionnelles à recueillir l'avis d'un organisme de discipline dès lors qu'avant l'expiration de ce délai, le salarié a été informé de la décision de l'employeur de saisir cet organisme.

Il en résulte qu'après avis du conseil de discipline ou renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit, l'employeur dispose d'un nouveau délai d'un mois pour sanctionner le salarié.

Dans le cas présent, l’employeur disposait donc d’un délai de 1 mois pour prononcer le licenciement de la salariée, ce délai débutant à la date de renonciation de la salariée au bénéfice de la garantie instituée à son profit.

Le délai d’un mois est ainsi constitué comme suit :

  • Refus de la salariée du Conseil de discipline : le 28 décembre 2016 ;
  • Délai pour sanctionner la salariée : avant le 28 janvier 2017 ;
  • Date notification exacte de la sanction : le 4 janvier 2017 ;
  • Le délai d’un mois est présentement respecté.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-2 du code du travail et les articles 6 et 7 de l'annexe « personnel au sol » du règlement intérieur de la société (…) :

8. D'abord, si selon le premier de ces textes, la sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, ce dernier délai peut être dépassé lorsque l'employeur est conduit en vertu des règles statutaires ou conventionnelles à recueillir l'avis d'un organisme de discipline dès lors qu'avant l'expiration de ce délai, le salarié a été informé de la décision de l'employeur de saisir cet organisme. Il en résulte qu'après avis du conseil de discipline ou renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit, l'employeur dispose d'un nouveau délai d'un mois pour sanctionner le salarié.

9. Ensuite, selon les derniers de ces textes, d'une part, le conseil de discipline est chargé d'examiner les propositions de sanctions du second degré comprenant le licenciement pour faute grave, d'autre part, le salarié à l'encontre duquel est engagé une procédure disciplinaire peut demander que le conseil ne soit pas réuni et, en tout état de cause, le directeur général peut de sa propre initiative demander au chef d'établissement la comparution devant le conseil du salarié, sauf opposition de ce dernier. La décision de sanction est notifiée au salarié dans le délai d'un mois maximum suivant la réunion du conseil de discipline. Il en résulte que la saisine du conseil de discipline a pour effet d'interrompre le délai de l'article L. 1332-2 du code du travail et de le suspendre pendant toute sa durée et que ce n'est qu'à compter de la réunion du conseil de discipline ou de la renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit que celui-ci recommence à courir.

10. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'abord, que l'entretien préalable était fixé au 29 novembre 2016 et que la salariée ayant renoncé à la réunion d'un conseil de discipline, le licenciement devait intervenir avant le 30 décembre 2016. Il relève, ensuite, que son licenciement lui a été notifié le 4 janvier 2017.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait reçu le 16 décembre 2016 une convocation à comparaître devant le conseil de discipline, soit avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable, puis que par lettre du 28 décembre 2016, elle avait exprimé son opposition à la tenue du conseil de discipline, ce dont il résultait que le licenciement avait été notifié dans le mois de cette renonciation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

(…)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la salariée de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral, de dommages-intérêts pour manquement au règlement des personnels au sol et pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 2 mai 2022, rectifié par l'arrêt du 20 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-18.450, 22-19.430 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00416 Publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du jeudi 02 mai 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Basse Terre, du 20 mars 2023