Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé en qualité de monteur-lunetier, suivant contrat de travail du 1er septembre 1996.
Le 9 octobre 2017, il saisit la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
Figure parmi ces demandes, un rappel d’une prime dite « exceptionnelle » qui :
- N’était pas prévue dans son contrat de travail ;
- Mais avait été versée de 2012 à 2016 pour une valeur assez constante (NDLR : valeur comprise entre 900 € et 1.000 €) ;
- De sorte que ce versement récurrent donnait, selon le salarié, à la prime une valeur « contractuelle ».
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Colmar, par arrêt du 8 novembre 2022, déboute le salarié de sa demande.
Elle estime présentement que :
- Cette prime, non prévue au contrat de travail, ne répond pas aux critères de généralité, de constance et de fixité (NDLR : nous remarquerons que la cour d’appel raisonne dans le cadre d’un usage avec les 3 conditions : généralité, fixité et continuité) ;
- Son montant ayant varié entre 900 et 1.000 euros de 2012 à février 2016, puis ayant diminué à partir de mars 2016 pour atteindre 56,52 euros en 2018.
La cour d’appel ajoute que l'employeur explique que ces variations sont fonction du chiffre d'affaires réalisé par le magasin et des résultats du vendeur et qu'il produit les modes de calcul pour la prime versée au cours de l'année 2018.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Nancy.
Dans un premier temps, elle rappelle les termes de l’article L. 1221-1 du code du travail, selon lequel :
- Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun ;
- Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
Article L1221-1
Version en vigueur depuis le 01 mai 2008
Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
En conséquence, nous pouvons avoir « contractualisation », nonobstant l’absence d’un écrit.
Dans l’affaire présente, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel :
- De ne pas avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la prime versée régulièrement pendant plusieurs années consécutives à concurrence d'une somme variant entre 900 et 1 000 euros ne constituait pas un élément de rémunération contractualisé ;
- En sorte que la réduction en-deçà de ces montants nécessitait l'accord du salarié.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :
5. Aux termes de ce texte, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun et peut être établi selon les formes que les parties décident d'adopter.
6. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la prime mensuelle dite exceptionnelle, l'arrêt retient qu'il résulte de ses écritures que cette prime, non prévue au contrat de travail, ne répond pas aux critères de généralité, de constance et de fixité, son montant ayant varié entre 900 et 1 000 euros de 2012 à février 2016, puis ayant diminué à partir de mars 2016 pour atteindre 56,52 euros en 2018. Il ajoute que l'employeur explique que ces variations sont fonction du chiffre d'affaires réalisé par le magasin et des résultats du vendeur et qu'il produit les modes de calcul pour la prime versée au cours de l'année 2018.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la prime versée régulièrement pendant plusieurs années consécutives à concurrence d'une somme variant entre 900 et 1 000 euros ne constituait pas un élément de rémunération contractualisé en sorte que la réduction en-deçà de ces montants nécessitait l'accord du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [X] en paiement d'une prime dite exceptionnelle, en ce qu'il fixe le salaire de référence à la somme de 2 267,19 euros brut et en ce qu'il limite aux sommes de 4 534,38 euros, outre congés payés afférents, 19 777,45 euros et 35 000 euros les condamnations à paiement de la société (…) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 8 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 23-10.076 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00520 Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 22 mai 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 08 novembre 2022