Le bénéfice d’une pension de retraite suppose que le contrat de travail est rompu

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Paie Retraite

Dans l’affaire que nous commentons aujourd’hui, la Cour de cassation se prononce sur le droit de bénéficier d’une pension de retraite. C’est une situation assez inédite qui est traitée et que nous vous expliquons.

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Présentation de l’affaire

Après avoir ouvert les droits à retraite d’un assuré, à effet du 1er juillet 2016, la caisse de mutualité sociale agricole du Nord Pas-de-Calais notifie à cet assuré, le 26 octobre 2016, un indu d'un montant de 4.676,55 euros correspondant aux prestations vieillesse versées du 1er juillet au 30 septembre 2016, motif pris que le contrat de travail de l'assuré n'était pas rompu à la date du 1er juillet 2016.

L'assuré saisit d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. 

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel d'Amiens, par arrêt du 6 décembre 2021, donne raison à l’assuré.

Elle indique pour cela que :

  • La caisse produit un courrier de l'employeur lui indiquant que l'assuré ne lui avait fait part de son intention de rompre son contrat de travail que le 5 septembre 2016.

Mais relève que :

  • La preuve de la rupture de la relation professionnelle résulte suffisamment de la demande de liquidation de ses droits à retraite déposée par l'assuré et de l'absence de rémunération versée par l'employeur à la date de liquidation de ses droits. 

Ajoutant que :

  • Le contenu de l'attestation sur l'honneur établie par l'assuré, mentionnant la date de cessation de toute activité, ne peut être remis en cause unilatéralement par la caisse, l'intéressé ayant été déclaré inapte par le médecin du travail le 27 janvier 2015.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’est pas sensible au raisonnement de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant à cette occasion les parties devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord, dans l’affaire présente, que

  • Vu l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au litige ;
  • Le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre d'un régime de retraite de base légalement obligatoire, et dont l'entrée en jouissance intervient à compter de l'âge de cinquante-cinq ans, fixé par l'article R. 161-18, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité.

Dans l’affaire présente :

  1. Même privé de rémunération et déclaré inapte par la médecine du travail ;
  2. Le présent assuré ne pouvait prétendre au bénéfice d’une pension de retraite, son contrat de travail n’ayant pas été rompu.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au litige :

5. Selon ce texte, le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre d'un régime de retraite de base légalement obligatoire, et dont l'entrée en jouissance intervient à compter de l'âge de cinquante-cinq ans, fixé par l'article R. 161-18, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité.
6. Il en résulte que ne peut prétendre au bénéfice d'une telle pension l'assuré, même privé de rémunération et déclaré inapte par le médecin du travail, dont le contrat de travail, qui n'a pas été rompu, est suspendu.
7. Pour débouter la caisse de sa demande de remboursement d'indu, l'arrêt constate que la caisse produit un courrier de l'employeur lui indiquant que l'assuré ne lui avait fait part de son intention de rompre son contrat de travail que le 5 septembre 2016. Il relève que la preuve de la rupture de la relation professionnelle résulte suffisamment de la demande de liquidation de ses droits à retraite déposée par l'assuré et de l'absence de rémunération versée par l'employeur à la date de liquidation de ses droits. Il ajoute que le contenu de l'attestation sur l'honneur établie par l'assuré, mentionnant la date de cessation de toute activité, ne peut être remis en cause unilatéralement par la caisse, l'intéressé ayant été déclaré inapte par le médecin du travail le 27 janvier 2015.
8. En statuant ainsi, par des motifs impropres, alors qu'il ressortait de ses constatations que le contrat de travail liant l'employeur à l'assuré n'était pas rompu à la date à laquelle celui-ci avait sollicité la liquidation de ses droits à pension, de sorte qu'il ne pouvait obtenir, à cette date, le service de la pension, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la caisse de mutualité sociale agricole du Nord Pas-de-Calais de sa demande tendant à la caducité de l'appel, ainsi que de ses demandes de rejet des pièces produites à l'audience et d'irrecevabilité des demandes de délais et de frais irrépétibles formulées par M. [D], l'arrêt rendu le 6 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Références

Cour de cassation - Chambre civile 2 N° de pourvoi : 22-14.500 ECLI:FR:CCASS:2024:C200527 Non publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du jeudi 06 juin 2024 Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 06 décembre 2021