Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée le 6 novembre 2008 en qualité de « Global HR Director », soit directrice des ressources humaines.
La relation de travail est soumise à la convention collective de la métallurgie du 13 mars 1972.
Le 4 avril 2014, après un arrêt de travail continu depuis le 18 novembre 2013, la salariée reprend son travail en mi-temps thérapeutique jusqu'à la rupture du contrat de travail.
Par avenant au contrat de travail du 1er novembre 2017, il a été convenu une rémunération mensuelle brute de 7 000 euros correspondant à 50% d'un salaire à temps plein.
La salariée a été convoquée le 18 octobre 2019 à un entretien préalable en vue d'un licenciement, fixé au 29 octobre 2019, puis licenciée pour faute grave le 4 novembre 2019.
Le 25 novembre 2019, elle saisit la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et de solliciter le paiement de diverses sommes salariales et indemnitaires.
En justice, la salariée obtient :
- La requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- La condamnation de son ancien employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, et d’une indemnité conventionnelle de licenciement, auxquelles s’ajoute le paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le point qui nous intéresse est la détermination du salaire de référence servant de base au calcul de l’indemnité de licenciement.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 26 janvier 2023, retient la méthode suivante permettant de déterminer le salaire de référence :
- La moyenne des 3 ou 12 mois ayant précédé l'arrêt de travail de la salariée ;
- Retenant que la salariée, engagée à compter du 6 novembre 2008, a exercé ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 4 avril 2014 et les exerçait toujours dans ce cadre avant la suspension de son contrat de travail pour maladie en septembre 2019.
Dans le cas présent, et en retenant le calcul réalisé par la cour d'appel de Versailles, le salaire de référence se trouvait fixé à 7.171,53 € brut mensuel.
Mais la salariée décide de se pourvoir en cassation, contestant à cette occasion le calcul réalisé par la cour d’appel.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Dans le cas présent, la Cour de cassation indique que :
Selon les articles L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
- Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
- Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.
Article L1234-9
Version en vigueur depuis le 24 septembre 2017
Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 39
Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance.
Article R1234-4
Version en vigueur depuis le 27 septembre 2017
Modifié par Décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017 - art. 3
Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.Conformément à l'article 4 du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements et mises à la retraite prononcés et aux ruptures conventionnelles conclues postérieurement à sa publication.
Elle ajoute qu’il résulte de la combinaison de ces textes que :
- Lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu'il est licencié ;
- Le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé et que l'assiette de calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé.
En se basant sur les éléments de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, le salaire de référence qui doit être pris en considération, selon la Cour de cassation devrait être le double de celui retenu par la cour d’appel (en référence à l’avenant du 1er novembre 2017, qui convenait d’une rémunération mensuelle brute de 7 000 euros correspondant à 50% d'un salaire à temps plein).
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, et les articles L. 1234-5, L. 1235-3, L. 1234-9 et R. 1234-4 du même code :
17. En application du premier de ces textes, aucune personne ne peut être licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, en raison notamment de son état de santé.
18. Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement notamment de son état de santé, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable et constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un de ces motifs, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
19. Selon l'article L. 1234-5 du code du travail, le salarié, qui n'exécute pas son préavis, a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
20. Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.
21. Selon les articles L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.
22. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu'il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé et que l'assiette de calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé.
23. Pour fixer le salaire de référence à 7 171,53 euros brut mensuel par référence à la moyenne des trois ou douze derniers mois ayant précédé l'arrêt de travail de la salariée, au regard des fiches de paie de celle-ci pour la période de septembre 2018 à août 2019, l'arrêt retient que la salariée, engagée à compter du 6 novembre 2008, a exercé ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 4 avril 2014 et les exerçait toujours dans ce cadre avant la suspension de son contrat de travail pour maladie en septembre 2019.
24. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
25. La cassation des chefs de dispositif ayant déclaré irrecevable la demande nouvelle en appel au titre de l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, fixé le salaire de référence à la somme de 7 150,53 euros brut mensuels et condamné l'employeur au paiement de sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande nouvelle formée en appel par Mme [T] au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, fixe le salaire de référence de
Mme [T] à la somme de 7 150,53 euros brut mensuels et condamne la société (…) à payer à Mme [T] les sommes de 43 023,18 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 42 576 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 4 257,60 euros à titre de congés payés afférents et 71 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 23-13.975 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00634 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 12 juin 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 26 janvier 2023