Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée en qualité d'employée le 1er septembre 1991, et exerce en dernier lieu les fonctions de vendeuse.
La salariée est victime d'un accident du travail le 14 mars 2019.
Reconnue apte le 3 juin 2019, puis à la suite de nouveaux arrêts de travail du 6 septembre au 9 décembre 2019, elle est déclarée apte avec temps partiel et port de charges limité.
L'employeur propose à la salariée un poste à temps partiel qu'elle refuse, l'intéressée n'ayant pas repris le travail.
Les parties signent une convention de rupture qui prend effet le 22 juillet 2020.
La salariée saisit la juridiction prud'homale, réclamant à cette occasion un rappel de salaire, pour la période écoulée entre son refus de passer à temps partiel et la date de rupture de son contrat, suite à la conclusion de la rupture conventionnelle.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Reims, du 19 octobre 2022, déboute la salariée de sa demande de façon partielle.
Elle indique pour cela que :
- Pour limiter les rappels de salaire accordés à la salariée à la seule période du 9 au 16 janvier 2020 et la débouter de ses demandes au titre de la période postérieure ;
- Il n’était pas contesté que la salariée n'avait pas effectivement travaillé sur la période dont elle réclame rémunération ;
- Qu’à partir du moment où l'employeur lui a proposé, le 16 janvier 2020, un avenant au contrat de travail conforme aux préconisations médicales, et tenant compte de ses observations sur la rémunération ;
- Son refus n'apparaît plus justifié et que sa liberté de ne pas contracter ne saurait générer le paiement du salaire à compter du 16 janvier 2020, dès lors qu'elle n'a pas fourni de travail effectif et ne s'est pas tenue à disposition de l'employeur l'après-midi à compter du 2 mars 2020.
En d’autres termes, la cour d’appel considérait présentement que :
- L’employeur avait satisfait aux préconisations de la médecine du travail du travail, en proposant un poste à temps partiel ;
- Et que le refus, par la suite, de la salariée ne saurait lui ouvrir droit à un rappel de salaires.
Mécontente de l’arrêt de la cour d’appel, la salariée décide de se pourvoir en cassation.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation n’approuve pas l’argument de la cour d’appel de Reims, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Nancy.
Selon la Cour de cassation :
- Lorsqu’un salarié refuse la modification de son contrat de travail résultant des préconisations du médecin du travail ;
- Il peut prétendre au maintien de son salaire jusqu'à la rupture du contrat.
Dans cette affaire :
- L’employeur ne pouvait unilatéralement imposer au salarié une durée de travail à temps partiel ;
- Et procéder en conséquence à la diminution de sa rémunération sans son accord.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 et L. 1226-8 du code du travail :
13. Aux termes du premier de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.
14. Selon le second, à l'issue des périodes de suspension définies à l'article L. 1226-7, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, sauf dans les conditions mentionnées à l'article L. 1226-10.
15. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un salarié refuse la modification de son contrat de travail résultant des préconisations du médecin du travail, il peut prétendre au maintien de son salaire jusqu'à la rupture du contrat.
16. Pour limiter les rappels de salaire accordés à la salariée à la seule période du 9 au 16 janvier 2020 et la débouter de ses demandes au titre de la période postérieure, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que la salariée n'a pas effectivement travaillé sur la période dont elle réclame rémunération, qu'à partir du moment où l'employeur lui a proposé, le 16 janvier 2020, un avenant au contrat de travail conforme aux préconisations médicales, et tenant compte de ses observations sur la rémunération, son refus n'apparaît plus justifié et que sa liberté de ne pas contracter ne saurait générer le paiement du salaire à compter du 16 janvier 2020, dès lors qu'elle n'a pas fourni de travail effectif et ne s'est pas tenue à disposition de l'employeur l'après-midi à compter du 2 mars 2020.
17. En statuant ainsi, alors que l'employeur ne peut unilatéralement imposer au salarié une durée de travail à temps partiel et procéder en conséquence à la diminution de sa rémunération sans son accord, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de sa demande de rappel de salaire à compter du 16 janvier 2020 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-23.143 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00643 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 19 juin 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 19 octobre 2022