Proposition de loi sur l'amnistie sociale : elle est rejetée par la commission des lois de l'Assemblée nationale

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Proposition de loi sur l'amnistie sociale : elle est rejetée par la commission des lois de l'Assemblée nationale
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Cet article a été publié il y a 11 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Déposée le 28 novembre 2012 au Sénat par plusieurs parlementaires, la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives avait  été adoptée par le Sénat le 27 février 2013, après que la commission des Lois du Sénat l’avait rejetée le 13 février 2013.

Cette fois c’est la commission des lois de l’Assemblée nationale qui dans son rapport du 24 avril 2013 rejette la proposition de loi.

Nous vous proposons dans le présent article quelques éclairages concernant cette proposition de loi, l’occasion aussi de rappeler toutes les lois d’amnisties votées sous la Vème république et ce que pourrait devenir cette proposition de loi. 

La proposition de loi

La proposition de loi intitulée « proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives » a été enregistrée à la Présidence du Sénat le 28 novembre 2012.

Les dépositaires rappellent en préambule les difficultés accrues que rencontrent les Français lors de ces dernières années.

Ce sont les raisons pour lesquelles, selon les signataires de la proposition de loi, beaucoup de personnes se sont engagées dans des mouvements sociaux.

Alors qu’ils défendaient « l’intérêt général », les dépositaires de la présente proposition de loi ont fait l’objet de sanctions pénales, disciplinaires et licenciements.

C’est la raison pour laquelle la proposition de loi est déposée à la Présidence du Sénat. 

Extrait de la proposition de loi : 

Ces dernières années, les difficultés rencontrées par les Français se sont fortement accrues : chômage, précarité, accès au logement, à la santé, inquiétudes sur l’environnement... Beaucoup de nos concitoyens se sont légitimement engagés dans des mouvements sociaux. Ils se sont exprimés pour faire respecter leurs droits fondamentaux, protéger leurs conditions de travail, préserver l’emploi, les services publics, un système de protection sociale efficace et solidaire, leur environnement. Alors qu’ils défendaient l’intérêt général, nombre d’entre eux ont fait l’objet de sanctions pénales, disciplinaires et de licenciements.

L’action collective est pourtant un droit inhérent à toute démocratie.

Ainsi, la Constitution de la Ve République reconnaît au citoyen le droit de défendre ses droits et intérêts ainsi que le droit de participer à la détermination des conditions de travail et à la gestion des entreprises (alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution de 1946).

Trop de sanctions injustes ont été infligées qui ne visaient qu’à éteindre toute velléité de contestation. C’est parfois le simple affichage ou la distribution de tracts qui donnent lieu à des menaces ou assignations judiciaires ! (…) 

CHAPITRE IER

Amnistie des délits commis à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives

Article 1er

L’amnistie prévue par la présente loi bénéficie aux personnes physiques et aux personnes morales.

Sont amnistiées de droit, lorsqu’elles ont été commises avant le 6 mai 2012, les infractions passibles de moins de dix ans d’emprisonnement commises dans les circonstances suivantes :

1° À l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives de salariés, d’agents publics, de professions libérales ou d’exploitants agricoles, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;

2° À l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés à l’éducation, au logement, à la santé, à l’environnement et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics.

Sont exclues de l’amnistie prévue au présent article les infractions commises en matière de législation et de réglementation du travail, par les personnes mentionnées à l’article L. 1441-4 du code du travail ou par la personne morale qu’ils représentent, ainsi que celles commises directement ou par l’intermédiaire d’un préposé doté d’une délégation de pouvoir.(…)

CHAPITRE III

Amnistie des sanctions disciplinaires

Article 4

Sont amnistiés les faits commis à l’occasion des conflits mentionnés à l’article 1, en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu’ils sont susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur, par tout salarié ou agent public à l’exception des personnes visées à l’alinéa 5 du même article.

L’inspection du travail veille à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés. À cet effet, elle s’assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l’amnistie.

Article 5

Sont amnistiés les faits commis à l’occasion des conflits mentionnés à l’article 1, par les étudiants ou élèves des établissements universitaires ou scolaires, ayant donné lieu ou pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires.

L’amnistie implique le droit à réintégration dans l’établissement universitaire ou scolaire auquel le bénéficiaire de l’amnistie appartenait, à moins que la poursuite de ses études ne l’exige pas.

CHAPITRE IV

Réintégration des salariés licenciés

Article 6

Tout salarié ou agent public licencié pour une faute ayant fait l’objet d’une amnistie au titre de l’article 5, est, sauf cas de force majeure, réintégré dans le poste qu’il occupait avant son licenciement ou dans un poste équivalent.

La demande de réintégration est présentée à l’auteur du licenciement dans un délai d’un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit du prononcé de la sanction.

En cas de changement d’employeur en application des articles L. 1224-1 ou L. 1224-3 du code du travail, la réintégration du salarié s’effectue chez l’employeur succédant.

En cas de défaut de réponse de l’employeur à la demande de réintégration, celle-ci est acquise dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

En cas de refus de mise en œuvre effective de la réintégration, le salarié ou l’agent peut saisir, en référé, la juridiction compétente pour la relation de travail qui délivre, en application de la présente loi, un titre exécutoire sous astreinte.

Le salarié réintégré bénéficie pendant douze mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée au délégué syndical prévue aux articles L. 2411-1 à L. 2437-1 du code du travail.

 

Adoption par le Sénat

Déposée à la Présidence du Sénat le 28 novembre 2012, la proposition de loi est adoptée par le Sénat le 27 février 2013, après que la commission des Lois du Sénat l’ait rejetée le 13 février 2013. 

Rejet par la commission des lois de l’Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale rejette l'ensemble des articles de la proposition de loi relative à l'amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives, en raison de l’opposition du Gouvernement.

Même si dans son rapport, la commission des lois de l'Assemblée nationale rappelle que les lois d’amnistie perpétuent une  « tradition républicaine » de pardon et de réconciliation nationale, elle note que la présente proposition de loi adoptée par le Sénat a un champ d’application strictement défini et plus restreint que toutes les lois d’amnistie antérieures.

Malgré ce champ d’application strictement défini et les modifications que le rapporteur propose d’y apporter, la commission des Lois rejette la proposition de loi. 

Extrait du rapport 

Déposée le 28 novembre 2012 au Sénat par Mmes Annie David, Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues, la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives a été adoptée par le Sénat le 27 février 2013, après que la commission des Lois du Sénat l’avait rejetée le 13 février 2013.

Cependant, il peut arriver que, à l’occasion de ces manifestations et activités revendicatives, des infractions soient commises. Si, bien évidemment, la violence ne saurait être un moyen d’expression permanent acceptable dans une société démocratique, il est aussi du devoir des pouvoirs publics de comprendre la souffrance exprimée au travers de ces activités revendicatives, et de savoir pardonner aux personnes qui ont commis, dans de telles circonstances, des infractions d’une gravité modérée.

Tel est précisément l’objet de la présente proposition de loi : accorder le pardon de la société à ceux de nos concitoyens qui, en luttant pour leurs droits fondamentaux dans une période économiquement et socialement troublée, ont pu commettre des infractions de faible gravité.

Connue depuis longtemps dans notre droit, l’amnistie est en effet une « tradition républicaine » de pardon et de réconciliation nationale. S’inscrivant dans cette tradition de l’amnistie, la proposition de loi adoptée par le Sénat a un champ d’application strictement défini et plus restreint que toutes les lois d’amnistie antérieures. Malgré ce champ d’application strictement défini et les modifications que votre rapporteur a proposé d’y apporter, la commission des Lois a rejeté la proposition de loi. 

Et la suite ?

La proposition de loi sur l’amnistie sociale devrait être examinée en séance devant l’Assemblée nationale le 16 mai prochain.

Il ne serait pas étonnant qu’elle soit définitivement abandonnée à cette occasion. 

Amnistie= tradition républicaine

Dans son rapport du 24 avril 2013, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rappelé les 16 lois d’amnistie votées depuis le début de cinquième république.

Nous avons reproduit le tableau élaboré par la commission et vous le vous le proposons comme suit: 

Extrait du rapport:

Le tableau ci-dessous donne la liste des 16 lois d’amnistie intervenues depuis 1958 en indiquant si elles étaient de type présidentiel ou quels événements les avaient motivées.

LISTE DES LOIS D’AMNISTIE VOTÉES DEPUIS LE DÉBUT DE LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE 

Texte concerné

Type d’amnistie ou évènements ayant motivé l’amnistie

Loi du 31 juillet 1959

Présidentielle

Loi du 23 décembre 1964

Algérie

Loi du 17 juin 1966

Infractions contre la sûreté de l’État et infractions en lien avec les événements d’Algérie

Loi du 18 juin 1966

Présidentielle

Loi du 23 mai 1968

Événements survenus dans les universités entre février et mai 1968

Loi du 31 juillet 1968

Algérie et infractions commises pendant l’Occupation nazie

Loi du 30 juin 1969

Présidentielle

Loi du 21 décembre 1972 

Manifestations d’agriculteurs, d’artisans et de commerçants ; conflits du travail

Loi du 16 juillet 1974

Présidentielle

Loi du 4 août 1981

Présidentielle

Loi du 31 décembre 1985

Nouvelle-Calédonie

Loi du 20 juillet 1988

Présidentielle

Loi du 10 juillet 1989

Guadeloupe, Martinique et Corse

Loi du 10 janvier 1990

Nouvelle-Calédonie

Loi du 3 août 1995

Présidentielle

Loi du 6 août 2002

Présidentielle

Références 

PROPOSITION DE LOI portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives,

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 novembre 2012

RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 760), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives,

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 avril 2013.