Une prime versée en contrepartie de l’activité du salarié est due en cas de départ en cours d’année

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Paie Prud'hommes

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt éclairant concernant le paiement d’une prime habituellement versée au salarié en contrepartie de son activité, dont la rupture du contrat se produit en cours d’année.

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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé en qualité de consultant SAP, statut cadre, par la société d’informatique, par un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 5 janvier 2009 et prévoyant une rémunération annuelle de 66.001 €, outre une rémunération variable.

Par requête reçue au greffe le 17 novembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à ordonner la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement nul et, subsidiairement, d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts et à titre de rappel de primes d'objectifs.

Le 6 mai 2021, le salarié a informé l'employeur de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à effet du 31 juillet 2021.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Paris, du 16 novembre 2022, déboute le salarié de sa demande concernant le rappel de prime d’objectifs, retenant l’absence du salarié dans l'entreprise au 31 décembre 2021, de sorte que selon la cour d’appel « il ne lui est rien dû ».

Mécontent de cet arrêt, le salarié décide de se pourvoir en cassation.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis l’arrêt de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La Cour de cassation indique en préambule que :

  • Lorsqu'une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité ;
  • Elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice. 

Dans cette affaire, il était constaté que :

  • Le salarié avait quitté l'entreprise le 31 juillet 2021 ;
  • Ce dont la cour d’appel aurait dû déduire que la prime annuelle sur objectif de l'année 2021 était due en proportion du temps de présence du salarié au cours de cet exercice.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que les critiques sont irrecevables, puisque nouvelles et mélangées de fait et de droit.

7. Cependant, le salarié soutenait devant la cour d'appel qu'il devait percevoir l'intégralité de ses primes sur objectifs jusqu'à son départ en 2021.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1134, devenu 1103, du code civil :

9. Lorsqu'une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice.

10. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de prime sur objectifs pour l'année 2021, l'arrêt retient que, compte-tenu de l'absence du salarié dans l'entreprise au 31 décembre 2021, il ne lui est rien dû.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait quitté l'entreprise le 31 juillet 2021, ce dont elle aurait dû déduire que la prime annuelle sur objectif de l'année 2021 était due en proportion du temps de présence du salarié au cours de cet exercice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt en ce qu'il limite le rappel de primes d'objectifs à une certaine somme pour les années 2014 à 2020 inclus n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens, justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à 42 000 euros au titre des primes d'objectifs de 2014 à 2020 inclus la somme que la société (…) est condamnée à payer à M. [J], l'arrêt rendu le 16 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 23-10.634 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00706 Non publié au bulletin Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 26 juin 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 16 novembre 2022