La Cour de cassation rappelle les principes du licenciement pour faute lourde

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A l’occasion d’un arrêt, la Cour de cassation rappelle les principes fondamentaux d’un licenciement pour faute lourde, à savoir « l’intention de nuire à son employeur ». Nous commentons cet arrêt…

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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé, en qualité de responsable des ressources humaines et du recrutement, le 1er octobre 2009.

La société New Arch a été rachetée, en 2010, par un cabinet de conseil en management et en système d'information.

A l'occasion de ce rachat, le salarié a conclu avec la société un nouveau contrat, en qualité de chargé de recrutement senior, prévoyant une clause d'exclusivité.

Le 18 décembre 2014, le salarié saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'une prime de vacances et de frais de déplacement.

Par la suite, il a contesté devant cette juridiction son licenciement pour faute lourde, notifié par lettre du 26 mai 2015, son employeur lui reprochant d’avoir travaillé pour une société tierce, et d’avoir à cette occasion recruté des salariés en utilisant les moyens et informations fournis par son employeur, et également débauché des salariés employés par ce dernier et enfin détourné des candidatures adressées à son employeur,

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 15 décembre 2021, considère que le licenciement du salarié repose sur une « faute grave » et non « lourde », retenant pour cela :

  • D’une part que le salarié, malgré la clause d'exclusivité prévue par son contrat de travail, travaillé pour le compte d'une société tierce, pour laquelle il procédait au recrutement de salariés dont les profils étaient très proches de ceux appelés à travailler pour son employeur ;
  • D’autre part, que le salarié a participé au débauchage de plusieurs salariés de son employeur ou a tenté d'en débaucher d'autres, en outre, que le salarié a dénigré son employeur et, ensuite, qu'il a utilisé les informations et le système d'information mis à sa disposition par son employeur au bénéfice de la société tierce ou a présenté à cette dernière des candidatures initialement destinées à son employeur.

La cour d’appel en déduit que :

  • S’il est incontestable que les fautes du salarié ont pu nuire à la société ;
  • Celui-ci poursuivait un objectif personnel de sorte que la faute lourde ne peut pas être retenue faute d'intention de nuire, laquelle ne peut se déduire des seules nuisances causées à l'entreprise par le comportement fautif du salarié.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’approuve pas du tout le raisonnement de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. 

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle que :

  • La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Dans l’affaire présente, il était constaté que :

  • Le salarié avait travaillé pour une société tierce, au profit de laquelle il avait recruté des salariés en utilisant les moyens et informations fournis par son employeur, débauché des salariés employés par ce dernier et détourné des candidatures adressées à son employeur ;
  • En sorte que l'intention de nuire était caractérisée ;
  • Justifiant ainsi son licenciement pour « faute lourde » et non « grave » comme le prétendait la cour d’appel.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-1 du code du travail :

6. La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

7. Pour dire que le licenciement du salarié repose sur une faute grave et non sur une faute lourde, l'arrêt retient, d'une part, que le salarié a, malgré la clause d'exclusivité prévue par son contrat de travail, travaillé pour le compte d'une société tierce, la société (…)  pour laquelle il procédait au recrutement de salariés dont les profils étaient très proches de ceux appelés à travailler pour son employeur, d'autre part, que le salarié a participé au débauchage de plusieurs salariés de son employeur ou a tenté d'en débaucher d'autres, en outre, que le salarié a dénigré son employeur et, ensuite, qu'il a utilisé les informations et le système d'information mis à sa disposition par son employeur au bénéfice de la société (…)  ou a présenté à cette dernière des candidatures initialement destinées à son employeur.

8. L'arrêt en déduit que, s'il est incontestable que les fautes du salarié ont pu nuire à la société, celui-ci poursuivait un objectif personnel de sorte que la faute lourde ne peut pas être retenue faute d'intention de nuire, laquelle ne peut se déduire des seules nuisances causées à l'entreprise par le comportement fautif du salarié.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait travaillé pour une société tierce, au profit de laquelle il avait recruté des salariés en utilisant les moyens et informations fournis par son employeur, débauché des salariés employés par ce dernier et détourné des candidatures adressées à son employeur, en sorte que l'intention de nuire était caractérisée, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement justifié par une faute grave et déboute la société (…)   de ses demandes indemnitaires, l'arrêt rendu le 15 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-10.709 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00682 Non publié au bulletin Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 26 juin 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 15 décembre 2021