Pas de remboursement de l’URSSAF si l’employeur évalue l’avantage en nature véhicule au-delà de l’évaluation forfaitaire

Actualité
Paie Avantages en nature

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt éclairant, concernant le cas d’une entreprise qui avait évalué la valeur de l’avantage en nature véhicule au-delà de sa valeur forfaitaire. Notre actualité vous explique.

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Évaluation avantage en nature véhicule : rappels

Avant d’aborder, en détails, l’affaire pour laquelle la Cour de cassation a rendu son arrête, rappelons quelques principes généraux concernant l’évaluation de l’avantage en nature véhicule.

Les informations ci-après proposées sont extraites de notre fiche pratique consacrée à cette thématique : 

Fourniture d’un véhicule de fonction : avantage en nature ?

Les services de l’URSSAF rappelle la notion fondamentale concernant l’avantage en nature véhicule.

Ainsi, lorsque l’employeur fournit un véhicule à son salarié, l’entreprise aura la faculté de considérer qu’il n’y a pas avantage en nature lorsque :

  • Le salarié restitue le véhicule lors de chaque repos hebdomadaire et durant les périodes de congés ;
  • Le salarié dispose de façon permanente d’un véhicule utilitaire, catégorie particulière vérifiable sur la carte grise du véhicule.
  • Le salarié dispose d’une voiture particulière aménagée dans un but professionnel, sous réserve que l’employeur indique dans un écrit (règlement intérieur, circulaire professionnelle, courrier écrit ou électronique, etc.) que le véhicule est utilisé à des fins professionnelles uniquement. 

Extrait de la documentation URSSAF du 24/09/2013

Usage privé du véhicule de fonction

24/09/2013

Véhicule de fonction et usage privé : comment évaluer cet avantage ?

Dans le cadre de son travail, un salarié peut disposer d’un véhicule de fonction acheté ou loué par l’employeur. L’utilisation à titre privé de ce véhicule mis à disposition permanente du salarié constitue un avantage en nature*.
*L’avantage en nature consiste dans la fourniture ou la mise à disposition d’un bien ou service, permettant au salarié de faire l’économie de frais qu’il aurait dû normalement supporter. Il doit être soumis à cotisations.

Il n’y a pas avantage en nature lorsque :

Le salarié restitue le véhicule lors de chaque repos hebdomadaire et durant les périodes de congés. L’obligation de restituer le véhicule doit être mentionnée par l’employeur dans un document écrit (règlement intérieur, circulaire professionnelle, courrier écrit ou électronique, etc.).

Le salarié dispose de façon permanente d’un véhicule utilitaire.

La notion de véhicule utilitaire peut être vérifiée par référence à la «carte grise».
Il pourra également s’agir de voitures particulières aménagées dans un but professionnel. L’employeur doit indiquer dans un écrit (règlement intérieur, circulaire professionnelle, courrier écrit ou électronique, etc.) que le véhicule est utilisé à des fins professionnelles uniquement.

Évaluation de l’avantage en nature : 2 méthodes

Les entreprises peuvent chiffrer la valeur de l’avantage en nature véhicule selon la méthode des dépenses réelles ou selon une méthode forfaitaire.

Les services de l’URSSAF précisent que :

  • L’évaluation peut être faite différemment en fonction de chaque salarié ;
  • L'employeur a la faculté de réviser en fin d'exercice l'option prise en fonction de son choix (forfait ou valeur réelle) pour l'année entière écoulée ;
  • Le choix du mode d’évaluation doit être déterminé lors de l'établissement de la DADS (c'est-à-dire au 31 janvier de l’année N+1) et doit être identique pour l’année entière.

Extrait de la documentation URSSAF du 24/09/2013

Évaluation de l’avantage : dépenses réelles ou forfait

L’avantage en nature véhicule est évalué, au choix de l’employeur, soit sur la base des dépenses réellement engagées, soit sur la base d’un forfait. L’évaluation peut être faite différemment en fonction de chaque salarié.
L'employeur a la faculté de réviser en fin d'exercice l'option prise en fonction de son choix (forfait ou valeur réelle) pour l'année entière écoulée.
Le choix du mode d’évaluation doit être déterminé lors de l'établissement de la DADS (c'est-à-dire au 31 janvier de l’année N+1) et doit être identique pour l’année entière.

Présentation de l’affaire

A la suite d’un contrôle effectuée par l'URSSAF, portant sur les années 2013 à 2015, il a été notifié à l’entreprise une lettre d'observations le 20 novembre 2016, suivie le 16 décembre 2016 d'une mise en demeure. 


La société décide de saisir d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Le contexte est le suivant :

  • Lors du contrôle l’URSSAF, il avait été constaté que l’entreprise avait évalué l’avantage en nature véhicule, sur les années 2014 et 2015, pour des valeurs qui allaient au-delà de l’évaluation forfaitaire fixée par l’arrêté du 10 décembre 2022 ;
  • Les services de l’URSSAF considérant, dans l’affaire présente, que ce mode de calcul reposait sur un accord convenu entre la société et les salariés concernés.

Mais, de son côté, la société considérait qu’elle ouvrait droit au remboursement par l’URSSAF, au titre d’une différence de cotisations, calculées sur la base de la différence entre l’évaluation qui avait été retenue en paie et celle résultant de l’évaluation forfaitaire. 

Arrêt de la cour d’appel

La cour d’appel de Bordeaux, par arrêt du 14 avril 2022, donne raison à la société condamnant l’URSSAF à rembourser la somme de 2.204,51 €. 

Pour cela, la cour d’appel indique que :

  • Il était constaté que les avantages à décompter, tels que calculés par l'inspecteur du recouvrement sont inférieurs à ceux qui ont été effectivement décomptés par l'entreprise cotisante en 2014 et 2015 ;
  • Il s’en déduit qu'il existe une différence en faveur de la société d'un certain montant qui doit lui être remboursée.

Mais l’URSSAF décide de se pourvoir en cassation. 

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.

Elle confirme la position de l’URSSAF, comme suit :

  • Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 3 et 5 de l'arrêté du 10 décembre 2002, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ;
  • Selon le deuxième de ces textes, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises ;
  • Le troisième de ces textes précise que les forfaits prévus au deuxième constituent des évaluations minimales, à défaut de stipulations supérieures arrêtées par convention ou accord collectif, et peuvent être remplacés par des montants supérieurs d'un commun accord entre les travailleurs et leurs employeurs.

Extrait de l’arrêt

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 3 et 5 de l'arrêté du 10 décembre 2002, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Selon le deuxième de ces textes, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

5. Le troisième de ces textes précise que les forfaits prévus au deuxième constituent des évaluations minimales, à défaut de stipulations supérieures arrêtées par convention ou accord collectif, et peuvent être remplacés par des montants supérieurs d'un commun accord entre les travailleurs et leurs employeurs.

6. Pour condamner l'URSSAF à payer à la société une certaine somme, l'arrêt constate que les avantages à décompter pour Mme [H] tels que calculés par l'inspecteur du recouvrement sont inférieurs à ceux qui ont été effectivement décomptés par l'entreprise cotisante en 2014 et 2015. Il en déduit qu'il existe une différence en faveur de la société d'un certain montant qui doit lui être remboursée.

7. En statuant ainsi, alors que la société ne pouvait solliciter un quelconque remboursement à ce titre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement sur le calcul de l'avantage en nature de Mme [H] pour les années 2014 et 2015 et condamne l'URSSAF (…) à rembourser à la société [3] en deniers ou quittance la somme de 2 204,51 euros, l'arrêt rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Références

Cour de cassation - Chambre civile 2 N° de pourvoi : 22-17.842 ECLI:FR:CCASS:2024:C200520 Non publié au bulletin Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 06 juin 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 14 avril 2022