Quand le DRH n'a pas le pouvoir de sanctionner son supérieur hiérarchique

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Quand le DRH n'a pas le pouvoir de sanctionner son supérieur hiérarchique
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Une lettre de licenciement doit être signée par une personne ayant le pouvoir de le faire.

En principe, c’est l’employeur qui notifie le licenciement.

Toutefois, la notification de licenciement peut être signée par un représentant de l’employeur, c’est-à-dire par une personne ayant mandat pour licencier le personnel.

Exemples :

  • Le directeur du personnel d’une société mère peut licencier les salariés des filiales.
  • Le directeur financier d’une société mère peut licencier un salarié de la société dans laquelle il détient l’intégralité du capital.
  • Le directeur général d’une société mère peut licencier le directeur général d’une filiale.

La jurisprudence considère que la délégation de pouvoirs pour licencier n’est pas obligatoirement écrite et peut découler des fonctions mêmes du délégataire. Tel est le cas par exemple pour un DRH, un responsable d’atelier, un cadre dirigeant, etc...

En revanche, l’employeur ne peut pas mandater une personne étrangère à l’entreprise pour notifier le licenciement. Tel est le cas par exemple d’un expert-comptable ou d’un avocat.

La Cour de cassation a jugé récemment d'une affaire dans laquelle le directeur d'une agence bancaire à Singapour, general manager, avait été licencié par le DRH de l'agence.

Le DRH de l'agence avait été contacté, vers le 28 juillet 2017, par un salarié ayant entendu des rumeurs sur le comportement inapproprié du directeur de la succursale de Singapour lors de la soirée du 7 juillet 2017, pour clarifier ces rumeurs. Une des collaboratrices victimes des faits litigieux n'a signalé ce comportement à la direction générale de la banque que le 15 mai 2018. 

Convoqué par lettre du 28 mai 2018 à un entretien préalable fixé le 11 juin suivant, le directeur d'agence est licencié pour faute le 19 juin 2018 en raison de son comportement inapproprié lors de la soirée.

Il saisit le conseil de prud'hommes en faisant valoir que les faits fautifs étaient prescrits à la date de l’engagement de la procédure disciplinaire, puisque le DRH ne disposait que d'un délai de 2 mois à compter du 28 juillet 2017 pour sanctionner la faute.

L'employeur étant celui qui dispose de l'autorité hiérarchique sur l'auteur des manquements et qui a la qualité pour contrôler le salarié ou surveiller son activité et pas son subordonné, la Cour d'appel a relevé que le DRH ne répondait pas à cette définition puisqu'il n'était ni le représentant local de l'employeur, ni le supérieur hiérarchique du directeur de l'agence de Singapour, pas plus qu'il n'était titulaire de l'autorité de sanction à son encontre et que selon l'organigramme produit, il était hiérarchiquement rattaché au directeur finance & opérations qui reportait lui-même au directeur de la succursale de Singapour, lequel était le représentant légal de la société CIC au sein de cette agence et le supérieur hiérarchique du personnel en place, dont le directeur des ressources humaines qui avait certes, pouvoir de sanction sur les effectifs de la succursale, mais non sur le directeur.

La Cour de cassation a jugé que la Cour d'appel en a exactement déduit que, quelles que fussent son ancienneté, son expérience et son intégration localement, ce cadre ne saurait être considéré comme le représentant de l'employeur à Singapour de sorte que la prescription des faits litigieux avait commencé à courir, non pas à compter du jour où des rumeurs lui avaient été rapportées, mais à compter du signalement adressé, le 15 mai 2018, par l'une des collaboratrices victimes des faits litigieux, à la direction générale du CIC.

Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-12.475