Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé en qualité de technico-commercial le 1er septembre 2010.
Il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur d'exploitation.
Licencié pour faute grave le 11 janvier 2013, il a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement.
Il considère son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, aux motifs que les faits invoqués par son employeur, dans la lettre de licenciement, n’étaient pas datés.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 1er décembre 2022, donne raison au salarié.
Selon elle, prive de cause réelle et sérieuse :
- Le licenciement pour lequel la lettre de notification ne comporte aucune précision sur des circonstances de fait permettant de dater les faits ;
- Ajoutant que seul est rapporté un témoignage qui évoque des faits du 10 novembre 2012 concernant l'agacement exprimé par le salarié d'avoir constaté que l'on s'était introduit dans son bureau mais qui ne peut caractériser le harcèlement allégué.
Il s’en déduit selon elle :
- Qu’en l'absence de telles précisions, le grief formulé à ce titre est prescrit, la circonstance avérée que l'ambiance générale de la société soit marquée par une certaine tension, ne suffisant pas à faire échec à la prescription et ce, nonobstant les accusations et les faits rapportés.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel de Rennes, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’appel d’Angers.
Elle indique à cette occasion que :
- Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables ;
- La datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. Il résulte de ce texte que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs. (…)Vu l'article L. 1332-4 du code du travail :
9. Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.
10. Pour condamner l'employeur à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, s'agissant des faits de harcèlement reprochés au salarié, que la lettre de licenciement ne comporte aucune précision sur des circonstances de fait permettant de dater les faits. Il ajoute que seul est rapporté un témoignage qui évoque des faits du 10 novembre 2012 concernant l'agacement exprimé par le salarié d'avoir constaté que l'on s'était introduit dans son bureau mais qui ne peut caractériser le harcèlement allégué. Il en déduit qu'en l'absence de telles précisions, le grief formulé à ce titre est prescrit, la circonstance avérée que l'ambiance générale de la société soit marquée par une certaine tension, ne suffisant pas à faire échec à la prescription et ce, nonobstant les accusations et les faits rapportés.
11. En se déterminant ainsi, sans préciser la date à laquelle l'employeur avait eu connaissance des faits fautifs reprochés au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-24.514 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00848 Non publié au bulletin Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 11 septembre 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 01 décembre 2022