Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée en qualité d'infirmière, suivant 3 contrats à durée déterminée :
- Du 18 au 31 mai 2017 ;
- Du 1er juin au 30 juin 2017 ;
- Et du 1er août au 30 août 2017
Ce qui fait une durée totale de 2 mois et 14 jours, sous contrat CDD (NDLR : cette durée est importante pour mieux saisir l’arrêt de la Cour de cassation).
Par la suite, elle est engagée par contrat à durée indéterminée du 4 septembre 2017, ce dernier contrat prévoyant une période d'essai de 2 mois.
L'employeur notifie à la salariée la rupture de la période d'essai le 15 septembre 2017.
Mais cette dernière saisit la juridiction prud’homale, estimant que cette rupture n’était pas une rupture de période d’essai mais un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel d'Aix en Provence, par arrêt du 18 juin 2021, déboute la salariée de sa demande.
Pour cela, la cour d’appel retient que :
- Les 2ème et 3ème contrats CDD sont espacés d'une période intercalaire d'un mois ;
- Que les 3ème et 4ème contrats sont espacés d'une période intercalaire de 3 jours calendaires ;
- Et que cette discontinuité ne caractérise pas une chaîne de contrats pour leur totalité mais seulement pour le contrat du 1er au 30 août 2017 suivi dès le 4 septembre 2017 du contrat à durée indéterminée.
En d’autres termes :
- La cour d’appel ne déduisait ici que la durée du dernier contrat CDD de la période d’essai du contrat CDI ;
- Cette période d’essai se terminant alors le 4 octobre 2017 ;
- Permettant ainsi à l’employeur de rompre la période d’essai le 17 septembre 2017, se trouvant bien dans le délai pour le faire.
Mais la salariée insiste et décide de se pourvoir en cassation.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas le raisonnement de la cour d’appel d'Aix en Provence, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
Pour cela, la Cour de cassation se reporte aux termes de l’article L 1243-11 du code du travail, selon lequel :
- Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée ;
- La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.
Article L1243-11
Version en vigueur depuis le 01 mai 2008
Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.
La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.
Dans l’affaire présente, il était constaté que la salariée avait été engagée par contrats CDD :
- D’abord 18 au 31 mai 2017 ;
- Ensuite du 1er juin au 30 juin 2017 ;
- Et enfin du 1er août au 30 août 2017
- Puis avait conclu un contrat à durée indéterminée le 4 septembre 2017 ;
- Qu’elle avait exercé à cette occasion en qualité d'infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle, ;
- Ce dont il résultait que la même relation de travail s'était poursuivie avec l'employeur depuis le 18 mai 2017 (NDLR : début du 1er contrat CDD) ;
- Et qu'ainsi la durée des 3 contrats de travail à durée déterminée devait être déduite de la période d'essai.
- Le contrat CDI prévoyant une période d’essai de 2 mois ;
- Et la durée totale des contrats CDD faisant une valeur totale de 2 mois et 14 jours ;
- L’employeur n’avait pas procédé à la rupture de la période d’essai, mais à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1243-11 du code du travail :
4. Selon ces dispositions, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.
5. Il en résulte que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit par un contrat à durée indéterminée à la suite d'un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, la durée du ou de ces contrats est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le contrat de travail à durée indéterminée.
6. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les deuxième et troisième contrats sont espacés d'une période intercalaire d'un mois, que les troisième et quatrième contrats sont espacés d'une période intercalaire de trois jours calendaires, et que cette discontinuité ne caractérise pas une chaîne de contrats pour leur totalité mais seulement pour le contrat du 1er au 30 août 2017 suivi dès le 4 septembre 2017 du contrat à durée indéterminée.
7. L'arrêt conclut que seule la durée du contrat à durée déterminée du 1er au 30 août doit être déduite de la période d'essai qui expirait le 4 octobre 2017 et que l'employeur, qui a rompu celle-ci par lettre du 17 septembre 2017, se trouvait encore dans le délai pour le faire.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la salariée avait été engagée par contrats à durée déterminée, d'abord du 18 au 31 mai 2017, ensuite du 1er juin au 30 juin 2017 et enfin du 1er août au 30 août 2017, puis avait conclu un contrat à durée indéterminée le 4 septembre 2017, qu'elle avait exercé à cette occasion en qualité d'infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle, ce dont il résultait que la même relation de travail s'était poursuivie avec l'employeur depuis le 18 mai 2017 et qu'ainsi la durée des trois contrats de travail à durée déterminée devait être déduite de la période d'essai, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 23-10.783 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00645 Publié au bulletin
Solution : Cassation Audience publique du mercredi 19 juin 2024 Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, du 18 juin 2021