Arrêt insolite rendu par le Conseil d'Etat un 23 décembre ... :
Au cours de la nuit du 28 au 29 juin 2023, lors d'un déplacement de personnels de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises à l'École nationale supérieure des sapeurs-pompiers d'Aix-en-Provence, le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises pénètre nu dans la chambre d'une subordonnée pendant qu'elle dormait en indiquant s'être égaré dans le couloir sans son badge après que la porte de sa propre chambre s'était refermée derrière lui.
Il s'installe dans le fauteuil de cette chambre, seulement couvert d'une serviette que sa collaboratrice lui a tendue, sans chercher à quitter les lieux.
La collaboratrice sort de sa chambre et a dû passer une partie de la nuit hors de celle-ci pour n'y revenir qu'au matin, trouvant son supérieur endormi dans son lit.
Au cours de la journée qui a suivi, le directeur n'a pas cherché à lui présenter des excuses ni ne s'est inquiété de l'impact qu'avaient pu avoir sur elle les événements de la nuit, lui demandant seulement de ne pas ébruiter les faits et sans prendre lui-même l'initiative d'informer sa hiérarchie de ces évènements.
Par décision du 28 mai 2024, le Président de la République a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an assortie d'un sursis de trois mois.
Le directeur général de la sécurité civile saisit alors le juge des référés du Conseil d'Etat en vue de faire suspendre l'exécution de la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions.
Il soutient notamment que :
- L'exécution de la décision contestée a pour effet de le priver de son emploi et de sa rémunération de manière immédiate, de bouleverser gravement ses conditions d'existence, d'attenter gravement à sa carrière et de le placer dans un état de détresse psychique.
- La décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que si son droit de se taire lui a été notifié lors de son audition par le conseil de discipline, il ne l'a pas été à l'occasion de l'enquête administrative qui a été conduite avant l'engagement de la procédure disciplinaire.
- Son intrusion dans la chambre de sa subordonnée, qui résultait de sa myopie et de l'absence de fermeture correcte de la chambre de celle-ci, n'était pas délibérée.
- Le fait que sa collaboratrice ait dû passer la nuit hors de sa chambre procède d'un malentendu.
- La sanction est disproportionnée.
Mais le Conseil d'Etat ne l'entend pas de la même manière et rejette sa requête.
Il rappelle tout d'abord que le droit de se taire ne s'applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l'autorité hiérarchique et par les services d'inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par un agent.
Il considère enfin que c'est à bon droit que la décision attaquée a qualifié de fautif son comportement en le regardant, en l'absence même de toute intention malveillante à l'égard de sa collaboratrice, comme traduisant un grave défaut de discernement ainsi qu'un manquement à son devoir de protection de ses subordonnés, d'exemplarité, de dignité et de loyauté.
La sanction disciplinaire est donc justifiée...
CE, juge des référés, 23 décembre 2024, 499083