Des faits tirés de la vie privée ne justifient pas un licenciement disciplinaire

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Droit du travail Licenciement

Des faits tirés de la vie privée ne justifient pas un licenciement disciplinaire.

Des faits tirés de la vie privée ne justifient pas un licenciement disciplinaire
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Il est de jurisprudence constante qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, que s’il se rattache à la vie professionnelle, ce qui peut être le cas dans deux hypothèses :

  • Si les faits tirés de la vie privée causent un trouble objectif caractérisé dans le fonctionnement de l’entreprise, au regard de la nature des fonctions du salarié et de la finalité propre de l’entreprise.

Tel est le cas par exemple d’une salariée qui dénigre publiquement son employeur en dehors de son temps de travail (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-10.572).

  • Si les faits tirés de la vie privée se rattachent à sa vie professionnelle car ils constituent un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail.

Tel est le cas par exemple du salarié conduisant son véhicule de fonction en état d’ébriété en rentrant d’un salon professionnel (Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-19.742).

La Cour de cassation vient une nouvelle fois de faire application de ce principe.

Dans cette affaire, une vendeuse employée par la société SFR distribution avait participé à une croisière en Floride organisée par la société pour récompenser les salariés lauréats d'un concours interne à l'entreprise.

A la suite d'un incident survenu lors de cette croisière, elle avait été rapatriée puis licenciée, son employeur lui reprochant d'avoir, au mépris des règles de sécurité applicables à bord du bateau, fumé le narguilé dans sa cabine, en présence d'une autre salariée de l'entreprise enceinte, et obstrué le détecteur de fumée.

Ayant saisi la juridiction prud'homale en vue de voir son licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel avait accueilli favorablement sa demande et condamné l'employeur à lui verser la somme de 18 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur considérait que le manquement aux règles de sécurité commis à l'égard notamment de collègues à l'occasion du séjour se rattachait à la vie professionnelle de la salariée.

Il faisait valoir qu'il avait été informé de ces manquements aux règles de sécurité, mettant en danger les 130 autres salariés présents et l'ensemble des passagers, par le commandant de bord qui avait ordonné le débarquement anticipé de la salariée, la société étant alors contrainte de prendre des mesures d'urgence et à exposer des frais pour loger et rapatrier la salariée et ayant subi une atteinte à son image.

La Cour de cassation ne l'a pas entendu de la même manière et a confirmé l'arrêt d'appel.

Elle juge que, s'agissant d'un voyage touristique quoique payé par l'entreprise à titre de récompense, la salariée ne se trouvait pas au temps du travail lorsqu'elle a commis les agissements dont elle ne conteste d'ailleurs pas la réalité et ne se trouvait donc soumise à aucun lien de subordination et n'était même pas soumise aux règles en vigueur au sein de l'entreprise, puisque les faits s'étaient déroulés en dehors du lieu de travail.

La société ne démontrait pas un trouble caractérisé causé à l'entreprise, dont le fonctionnement était peu influencé par l'opinion des membres de l'équipage qui avaient pu être informés de l'incident, ni par les commentaires qu'avaient pu en faire les passagers et qu'aucune explication n'était donnée sur les éventuels effets de l'usage du narghilé sur la santé de la personne qui partageait la cabine de la salariée, ni même sur une éventuelle opposition de celle-ci à un tel usage.

Il en découlait que les faits reprochés à la salariée relevaient de sa vie personnelle et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail.

Cass. soc., 22 janvier 2025, n° 23-10.888.