Cet article a été publié il y a 11 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Un récent arrêt de la Cour de cassation, concernant la rupture conventionnelle, marque une étape importante dans ce mode de rupture.
Nous avons déjà évoqué la rupture conventionnelle conclue après des litiges, la cour d’appel s’étant prononcé à ce sujet plusieurs fois et de façons différentes…
Un arrêt de la Cour de cassation à ce sujet, était donc très attendu, objet de notre article.
L’affaire concernée
Une salariée est engagée le 4 septembre 2006, par une société d’avocats, en qualité d'avocate.
Les deux parties concluent, le 17 juin 2009, une convention de rupture du contrat de travail.
Cette convention est homologuée par l'autorité administrative le 6 juillet 2009.
Mais par la suite, la salariée saisit le bâtonnier de l'ordre des avocats de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes.
Existence d’un litige antérieur
Le 9 juin 2009 (15 jours avant la conclusion de la convention de rupture), l’employeur remet en main propre à la salariée un courrier daté du 2 juin 2009, dans lequel des reproches au niveau professionnels sont formulés.
Le même courrier considère qu’il ne serait pas opportun, compte tenu du statut de la salariée (statut d'avocat, collaborateur salarié) d’engager une procédure de licenciement, qui mettrait en avant les erreurs reprochées ainsi que les manquements de la salariée.
Il lui propose donc une mesure « alternative » ayant pour objectif de préserver « des relations confraternelles » ne ternissant pas la poursuite du parcours professionnel de la salariée.
Extrait de l’arrêt :
Aux termes d'un courrier daté du 02 juin 2009, remis en mains propres le 09 juin 2009, l'employeur de Mme X... a formulé à son encontre les reproches suivants au niveau professionnel :
- des difficultés rapidement éprouvées en matière de droit commercial et des sociétés,
- des difficultés d'organisation, d'implication et de bons sens technique malgré un accompagnement pendant plus d'une année sans exigence de rentabilité,
- un nombre de dossiers traités limités avec des difficultés techniques qui n'ont pas exigé de la remplacer pendant son congé de maternité,
- la reprise de ses dossiers lors de son congé de maternité a été délicate en raison notamment d'un classement déplorable et d'une absence de compte-rendu ou notes dans les dossiers,
- le travail sur ses dossiers a permis de vérifier « son manque regrettable d'organisation et une réelle difficulté rédactionnelle dans les avis juridiques et modèles de courriers transmis aux clients »,
- un manque d'implication dans la poursuite de son activité qui pose un problème de relations avec la clientèle qui amène, selon les termes de ce courrier, « à préférer ne pas vous affecter de dossiers autres que basiques pour lesquels un poste de juriste serait amplement suffisant ».
Ce même courrier du 02 juin 2009 se poursuit dans les termes suivants :
« Le manque de confiance dont vous faites l'objet de la part des clients, de vos partenaires et de vos collègues apparaît incompatible avec le maintien de vos fonctions en l'état au sein de la société Y….
Il ne m'apparaît pas néanmoins opportun, compte tenu de la spécificité du statut d'avocat, collaborateur salarié, de mettre en avant vos erreurs et manquements de façon plus précise, ni d'engager une procédure unilatérale, avant d'examiner avec vous la possibilité d'une mesure alternative qui préservera des relations confraternelles et ne ternira pas la poursuite de votre parcours professionnel.
Une rupture amiable me semble être la voie la plus adaptée à notre statut professionnel spécifique.
Je vous invite à m'indiquer si vous êtes susceptible d'engager des discussions dans ce cadre. A défaut de réponse au 15 juin 2009, je considérerai que vous ne souhaitez pas envisager une rupture contractuelle de votre contrat et que notre relation se poursuivra par application stricte des dispositions réglementaires applicables aux avocats salariés. En toute hypothèse, vous voudrez bien veiller, tant qu'une décision n'est pas prise, à améliorer votre gestion des dossiers, veiller aux bonnes relations avec nos clients et laisser des notes sur les rendez-vous qui peuvent vous être confiés ».
L’arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel donne raison à la salariée, estimant que la rupture conventionnelle n’est pas valable, compte tenu du fait que le consentement de la salariée a été extorqué par une pression à choisir la rupture conventionnelle.
L’arrêt de la Cour de cassation
Confirmation de l’arrêt de la cour d’appel
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi.
Elle considère que le consentement de la salariée a été vicié dans l’affaire présente.
Extrait de l’arrêt :
Et attendu qu'après avoir relevé que l'employeur avait menacé la salariée de voir ternir la poursuite de son parcours professionnel en raison des erreurs et manquements de sa part justifiant un licenciement et l'avait incitée, par une pression, à choisir la voie de la rupture conventionnelle, la cour d'appel qui, exerçant son pouvoir souverain d'appréciation, a fait ressortir que le consentement de la salariée avait été vicié, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Litige antérieur
Le point sur lequel le présent arrêt de la Cour de cassation est important, est que le motif de l’existence d’un litige entre l’employeur et la salariée est écarté.
Elle indique ainsi que l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail, n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que, si l'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail,
Conséquences
La nullité de la rupture conventionnelle ne saurait être prononcée, si l’on s’en tient au présent arrêt, en raison d’un litige antérieur.
Il n’en reste pas le moins vrai, que le consentement des deux parties doit être exprimé sans menace, pression ou contrainte qui rendent alors le consentement vicié et la rupture conventionnelle nulle.
Petit rappel des « épisodes précédents »…
Comme nous vous l’indiquions en préambule, la cour d’appel s’est plusieurs fois penché sur la rupture conventionnelle conclue alors qu’un litige antérieur existait.
Nous vous rappelons les arrêts suivants :
Rupture conventionnelle et litiges antérieurs
Dans deux arrêts de mai et juin 2012, 2 cours d’appel avaient considéré comme nulle la rupture conventionnelle conclue alors qu’existaient des litiges antérieurs.
Nous avons consacré une actualité à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Lire aussi : Rupture conventionnelle et litiges antérieurs Actualité
A l’occasion de deux précédents arrêts, la Cour d’appel donne des éclairages très utiles sur la validité d’une rupture conventionnelle lorsque des litiges, antérieurs à la rupture du contrat de ...
CA Reims 16 mai 2012 n° 11-00624
CA Versailles 13 juin 2012 n° 10-05524
Utiliser la rupture conventionnelle même en cas de litige : une cour d’Appel dit oui !
Un arrêt de la cour d’appel, plus ancien (novembre 2011), indiquait au contraire qu’une rupture conventionnelle était admissible, même si un litige opposait les parties antérieurement.
Nous avons consacré une actualité à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Lire aussi : Utiliser la rupture conventionnelle même en cas de litige : une cour d'Appel dit oui ! Actualité
Une nouvelle fois, la rupture conventionnelle est l’objet d’un litige, dont cette fois la Cour d’appel apporte une réponse. L’affaire concernée Une salariée est engagée par une association portant secours ...
ARRET DU 16 Novembre 2011 Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04670
Références
Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du jeudi 23 mai 2013 N° de pourvoi: 12-13865
Publié au bulletin Rejet