La fiscalisation annoncée des cotisations patronales prévoyance risque de poser des soucis en paye…

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La fiscalisation annoncée des cotisations patronales prévoyance risque de poser des soucis en paye…
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Cet article a été publié il y a 11 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Nous vous annoncions il y a quelques jours, le contenu actuel du projet de loi de finances 2014, (voir notre actualité à ce sujet en cliquant ici). 

Le projet de loi prévoit notamment la fiscalisation des contributions patronales au titre de la prévoyance, plus précisément sur la partie consacrée au financement des frais de santé.

Cette fiscalisation devrait porter sur les salaires versés en 2013, ce qui ne va pas sans poser des soucis en paye que le présent article se propose de vous présenter. 

Fiscalisation des contributions employeurs régime frais de santé : rappels

Si le projet de loi de finances aboutit dans sa version actuelle, l’article 5 prévoit d’une part la fiscalisation de la participation patronale quand elle a pour objet de financer les frais de santé, et d’autre part, par effet « rebond », la modification des seuils d’exonération actuellement en vigueur. 

Fiscalisation de la participation patronale

La participation employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé serait désormais ajoutée au net imposable du salarié.

Nous devrions donc avoir le régime fiscal suivant, si le projet de loi de finances pour 2014 était adopté conformément au projet de loi : 

Régime fiscal des contributions patronales et salariales au régime de prévoyance collectif et obligatoire

Nature du régime

Part salariale

Part patronale

Régime frais de santé

Déductible sous réserve d’être inférieure au seuil des « excédents de cotisations »

Non déductible

Autre régime de prévoyance

Déductible sous réserve d’être inférieure au seuil des « excédents de cotisations »

Déductible sous réserve d’être inférieure au seuil des « excédents de cotisations »

Concernant le régime de prévoyance à adhésion facultative ou non collectif, rappelons que les contributions patronales et salariales ne sont alors jamais déductibles fiscalement. 

Nouveau seuil pour le traitement des cotisations excédentaires 

Le traitement des cotisations excédentaires de prévoyance serait modifié en ce qui concerne le régime fiscal, les cotisations employeurs frais de santé ne seraient plus prises en compte car fiscalisées, et les seuils seraient modifiés comme suit : 

Seuil actuels

Seuils modifiés

  • 7% du PASS plus 1,50% du salaire annuel ;
  • Somme plafonnée à hauteur de 3% de 8 fois le PASS.
  • 5% du PASS plus 2,00% du salaire annuel ;
  • Somme plafonnée à hauteur de 2% de 8 fois le PASS.

 Extrait du projet de loi de finances 2014  

Article 5 :

Suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé

Le 1° quater de l’article 83 du code général des impôts est ainsi modifié :

1. Au premier alinéa, les mots : « auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire » sont remplacés par les mots « collectifs et obligatoires au sens du sixième alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale » ;

2. Après le premier alinéa, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les cotisations ou primes mentionnées à l’alinéa précédent s’entendent, s’agissant des cotisations à la charge de l’employeur, de celles correspondant à des garanties autres que les frais de santé.

« Les cotisations à la charge de l’employeur correspondant à des garanties frais de santé sont ajoutées à la rémunération prise en compte pour la détermination des bases d’imposition. »

3. Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les cotisations ou les primes mentionnées aux alinéas précédents sont déductibles dans la limite, y compris les versements de l’employeur mentionnés au deuxième alinéa, d’un montant égal à la somme de 5 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et de 2 % de la rémunération annuelle brute, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 2 % de huit fois le montant annuel du plafond précité. En cas d’excédent, celui-ci est ajouté à la rémunération. »

Sur quelles rémunérations ?

Il est important selon nous, de souligner que l’article 1 du projet de loi a pour objectif de concerner l’impôt sur le revenu dû au titre de 2013.

En d’autres termes, les modifications précitées devraient s’appliquer aux rémunérations versées sur l’année 2013. 

Extrait du projet de loi de finances 2014  

Article 1er : Autorisation de percevoir les impôts existants

I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2014 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.

II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique : 1° A l’impôt sur le revenu dû au titre de 2013 et des années suivantes ; 2° A l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2013 ; 3° A compter du 1er janvier 2014 pour les autres dispositions fiscales.

Fiscalisation des contributions employeurs régime frais de santé : les conséquences

Isoler les taux de cotisations

Il n’est pas rare d’avoir en paye, un taux de cotisations employeur ayant pour objectif le financement :

  • Des garanties concernant le remboursement des frais occasionnés par une maladie, un accident du travail, etc. ;
  • Le versement d’un capital décès.

L’entreprise devra alors se rapprocher de son organisme de prévoyance, afin de connaitre la répartition exacte des taux de cotisations frais de santé (désormais totalement non déductibles fiscalement) et des autres couvertures déductibles (sous réserve de ne pas être visées par le traitement des cotisations excédentaires). 

Un net imposable « non sécurisé »

En fonction de la date de publication de la loi de finances au JO, certaines entreprises auront déclaré un net imposable « ancienne version » (il en sera ainsi par exemple des salariés sortis en cours d’année) à leur salarié.

Le nouveau net imposable sera automatiquement modifié en cas de fiscalisation des cotisations patronales finançant les frais de santé. 

Et pour la portabilité ?

Il n’est pas incohérent d’imaginer que cette modification de régime fiscal vise également les cotisations patronales versées dans le cadre de la portabilité. 

Un net imposable « non sécurisé » mais une N4DS qui doit l’être !

La mention du net imposable sur le bulletin de paie est souvent prévue par les logiciels de paie, même si cette mention reste facultative.

Il n’est est pas de même pour l’indication du net fiscal des salariés sur la DADS, plus précisément à la rubrique  S40.G40.00.063.001. 

Extrait du site « e-ventail.fr 

Revenus d'activités nets imposables - S40.G40.00.063.001

Base nette imposable à l'impôt sur le revenu moins les indemnités d'expatriation, d'impatriation et moins les indemnités de préretraite versées par l'employeur. Montant à zéro admis.

Définition Pour la détermination des revenus d'activité nets imposables (sauf indemnités d’expatriation et d’impatriation), procédez de la façon suivante :

A partir de la base brute fiscale :

Déduire :

Les retenues effectuées au titre des cotisations de sécurité sociale, des cotisations aux régimes complémentaires ou supplémentaires de retraite et de prévoyance à adhésion obligatoire, à l'exception de la fraction qui excède le maximum autorisé, des cotisations d'assurance chômage et de la fraction déductible de la CSG ;

Le mois de janvier 2014 risque d’être bien tumultueux à ce niveau, l’employeur devant alors avant le 31 janvier 2014 :

  • Réintégrer la part patronale des cotisations frais de santé ;
  • Traiter les cotisations excédentaires de prévoyance en tenant compte des nouveaux seuils ;
  • Déterminer éventuellement un nouveau net imposable à déclarer à l’administration.

Compte tenu de tous ces éléments, il semble nécessaire d’informer le salarié sur une éventuelle différence entre le « net imposable » du bulletin de paie et celui déclaré à l’administration fiscal, qu’il retrouvera sur sa déclaration pré remplie. 

L’avis du CTIP

Dans un communiqué de presse du 23 septembre 2013, le CTIP s’inquiète du projet gouvernemental de supprimer l’avantage fiscal accordé aux salariés couverts par une complémentaire santé d’entreprise.

Cette mesure selon lui, devrait se traduire par un alourdissement de l’impôt sur le revenu des ménages concernés d’environ un milliard d’euros. 

Extrait du communiqué de presse:

Cette annonce intervient trois mois après la promulgation de la loi de sécurisation de l’emploi qui consacre la généralisation de la complémentaire santé à l’ensemble des salariés et introduit de nouveaux droits pour les chômeurs. La suppression des exonérations ne vise donc pas une « niche fiscale injuste qui ne bénéficierait qu’aux cadres des grandes entreprises », mais concernera bel et bien tous les salariés, employés et ouvriers du secteur privé. Dans le contexte économique actuel, il convient de s’interroger sur l’opportunité d’adopter une mesure qui pèsera sur le pouvoir d’achat de près de 18 millions de salariés et de leurs familles. Cela se traduira concrètement par une hausse de l’impôt sur le revenu de 90 à 150 euros en moyenne pour chaque salarié. Le CTIP tient également à rappeler que les exonérations fiscales et sociales étaient une condition de l’extension de la complémentaire santé à l’ensemble des salariés prévue dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Cette stabilité fiscale et sociale est un enjeu majeur pour les entreprises et les branches professionnelles qui engagent actuellement des négociations pour couvrir leurs salariés. La taxation de ces cotisations salariales et patronales risque d’inciter l’ensemble des acteurs à s’orienter vers des garanties insuffisamment protectrices. Si l’objectif initial était l’amélioration de l’accès à la santé, une telle mesure aboutirait au contraire à son affaiblissement, au risque de renforcer les inégalités.

Références 

Projet de loi de finances 2014, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 25 septembre 2013