Cet article a été publié il y a un an, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Votre salarié revient d’une visite chez le médecin du travail avec un avis d’inaptitude. Comment devez-vous réagir ?
L’inaptitude ne peut être prononcée que par le médecin du travail
Lorsqu’un salarié a été absent au moins 30 jours pour arrêt accident de travail, au moins 60 jours pour arrêt maladie non professionnelle, ou pour maladie professionnelle sans condition de durée, l’employeur est tenu d’organiser une visite de reprise avec le médecin du travail.
Lors de cette visite, le médecin du travail peut prononcer l’inaptitude s’il constate que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste et qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation de poste de travail n’est possible. Il doit toutefois :
- avoir réalisé au moins un examen médical du salarié, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste, ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
- avoir réalisé ou fait réaliser une étude du poste et des conditions de travail dans l’établissement ;
- avoir indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
- avoir procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.
Le médecin du travail doit également recevoir le salarié pour échanger avec lui sur l'avis, les indications et les propositions qu'il pourrait vous adresser.
Il doit éclairer son avis d’inaptitude par des conclusions écrites assorties d’indications relatives au reclassement. Il peut éventuellement proposer l’appui de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en œuvre les indications ou propositions qu'il formule. Il peut enfin formuler des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
S’il l’estime nécessaire pour rassembler certains éléments, le médecin du travail peut réaliser un 2nd examen dans un délai maximum de 15 jours après le premier. La notification de l’avis médical d’inaptitude intervient au plus tard à cette date.
L’employeur dispose d’un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis pour contester l’avis d’inaptitude du médecin du travail. Cass. soc., 02/06/21, n° 19-24.061.
A l’issue de la visite médicale d’inaptitude, l’employeur a un délai d’un mois pour reclasser ou licencier le salarié. A l’issue de ce délai d’un mois, l’employeur devra reprendre le versement du salaire. Il ne peut pas substituer à cette obligation le paiement d’une indemnité de congés payés non pris ni obliger le salarié à prendre ses congés. Cass. soc., 01/03/17, n° 15-28.563.
Il est tenu à cette obligation, même si durant le délai d’un mois, le salarié est à nouveau en arrêt de travail (Cass. soc., 09/06/10 ,n° 09-40.553 ; Cass. soc., 13/03/19, n° 17-26.127). En outre, l’employeur ne peut pas déduire du salaire les éventuelles indemnités journalières de sécurité sociale, cette somme étant considérée comme un montant forfaitaire (Cass. soc., 18/12/12, n° 12-16.460).
Enfin, l’employeur n’est pas dispensé de cette obligation même si le salarié a retrouvé un emploi avant son licenciement (Cass. soc. 4 mars 2020, n° 18-10719).
Articles L 4624-4, R 4624-31 et R 4624-32, R 4624-42 à R 4624-44 du Code du Travail.
L’obligation de recherche de propositions de reclassement
En cas d’inaptitude prononcée par le médecin du travail, l’employeur a l’obligation de rechercher des possibilités de reclassement pour le salarié, même si le médecin du travail a mentionné sur son avis « inapte, aucun reclassement possible ».
Articles L 1226-2 et L 1226-10 du Code du Travail.
La recherche d’un poste de reclassement doit être faite :
- Au sein de l’établissement, de l’entreprise et du groupe auquel l’entreprise appartient le cas échéant (Depuis le 24 septembre 2017, la recherche de reclassement est limitée au territoire national).
- Sur des postes en CDI mais aussi en CDD. soc., 05/03/14, n° 12-24.456.
A noter : Les tâches confiées dans l’entreprise à un ou des stagiaire(s) ne constituent pas un poste disponible pour le reclassement d’un salarié inapte, les stagiaires n’étant pas des salariés de l’entreprise (Cass. soc., 11/05/17, n° 16-12.191).
Les postes pourvus par des intérimaires ne sont des postes de reclassement à proposer au salarié déclaré inapte qu’à la condition d’être « disponibles » (CE, 19/07/22, n° 438076).
L’employeur doit rechercher tous les postes disponibles compatibles avec les préconisations du médecin du travail et correspondant à la formation ou aux compétences du salarié.
Il doit ensuite soumettre le poste de reclassement au médecin du travail pour avis et le proposer par écrit au salarié.
L’employeur doit consulter le CSE sur la recherche de reclassement du salarié avant de proposer le poste au salarié (Cass. soc., 25/03/15, n° 13-28.229).
Le code du travail ne prévoit aucune forme particulière pour convoquer le CSE à cette consultation. Les juges admettent que la convocation soit faite par voie électronique (Cass. soc., 23/05/17, n° 15-24.713).
Si le salarié accepte le poste de reclassement, il convient d’établir un avenant à son contrat de travail.
S’il refuse le poste de reclassement, il convient d’engager la procédure de licenciement.
Si l’employeur n’a trouvé aucun poste de reclassement à l’issue de ses recherches, il devra également engager la procédure de licenciement.
Il existe un cas de dispense de recherche de reclassement : lorsque l'avis du médecin du travail mentionne expressément que le maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Dans ce cas, l’employeur est également dispensé de consulter le CSE (Cass. soc., 8 juin 2022, n° 20-22.500).
L’avis préalable des représentants du personnel doit être recueilli même en cas d’impossibilité de reclassement, c’est-à-dire si aucun poste disponible ne peut être proposé (Cass. soc., 30/09/20, n° 19-16.488).
Par ailleurs, la jurisprudence admet que la consultation des représentants du personnel peut se faire par conférence téléphonique, aucune forme particulière n’étant requise pour recueillir l’avis du CSE (Cass. soc., 30/09/20, n° 19-13.122).
Si l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. Il ne peut licencier le salarié que dans l’une des 3 situations suivantes :
- Il n’y a pas de possibilité de reclassement, autrement dit il n’y a pas d’autre emploi approprié à ses capacités au sein de l’entreprise ni, le cas échéant, au sein du groupe, parmi les entreprises situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ;
- Le salarié a refusé le ou les propositions de reclassement qui lui ont été faites ;
Dans ce cas, la Cour de Cassation considère que l’employeur n’a pas à indiquer les motifs qui s’opposent au reclassement du salarié inapte lorsque celui-ci a refusé les offres qui lui ont été faites. (Cass. soc., 24/03/21, n° 19-21.263)
- Le médecin du travail a indiqué dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
A noter : L’obligation d’indiquer les motifs qui s’opposent au reclassement ne s’applique que s’il n’existe pas d’emplois disponibles ou lorsque le médecin du travail a expressément indiqué qu’il ne fallait pas chercher à reclasser le salarié.
La procédure de licenciement pour inaptitude
La procédure est la même que pour un licenciement pour cause personnelle :
- Envoi d’un courrier au salarié et au médecin du travail les informant de l’impossibilité de reclassement.
- Convocation à l’entretien préalable au licenciement.
- Délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et l’entretien.
- Entretien préalable.
- Délai de 2 jours ouvrables entre l’entretien et la notification du licenciement.
- Notification du licenciement.
Articles L 1226-12 et L 1232-2 à L 1232-6 du Code du Travail.
Attention : comme pour tout licenciement, si le salarié inapte est un salarié protégé, l’autorisation de l’inspection du travail est indispensable pour le licencier.
La lettre de licenciement d’un salarié inapte qui n’a pas pu être reclassé doit expressément mentionner l’impossibilité de reclassement. L’employeur qui licencie un salarié inapte, après avoir cherché à le reclasser sans y parvenir, doit expressément mentionner dans la lettre de licenciement l’impossibilité de reclasser le salarié. Le seul fait d’indiquer que les possibilités de reclassement du salarié ont été examinées et que ce dernier a refusé un poste ne suffit pas. Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-25.757.
Les indemnités à verser au salarié
- En cas de licenciement pour inaptitude non professionnelle :
Le salarié a droit à l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle (la plus favorable des deux).
En revanche, le salarié n’étant pas en mesure d’effectuer son préavis, l’indemnité compensatrice de préavis ne lui est pas due, sauf disposition plus favorable de la convention collective.
- En cas de licenciement pour inaptitude professionnelle :
Le salarié a droit à :
- L’indemnité spéciale de licenciement (indemnité légale doublée) ou conventionnelle (la plus favorable des deux).
- L’indemnité compensatrice de préavis.
Découvrir aussi : Licencier un salarié pour motif personnel Procédure RH
Licenciez un salarié pour motif disciplinaire, non-disciplinaire ou inaptitude physique, un salarié protégé, ou une salariée enceinte, sans commettre d'erreur et dans le respect des règles Informez-vous sur la procédure à suivre pour éviter que le licenciement ne soit qualifié d'abusif Appuyez-vous sur de nombreux modèles de lettres tout au long des démarches Retrouvez toutes les références légales et jurisprudentielles dont vous pourrez avoir besoin