Contexte de l'affaire
L’affaire concerne un salarié cadre engagé le 1/02/2011 dans une entreprise spécialisée dans la vente et la réparation de véhicules industriels.
Licencié par son entreprise par la suite, il saisit le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateurs.
Ce cadre dispose d’une grande liberté dans son activité, permettant de le considérer comme un cadre dirigeant.
Sa rémunération d’un niveau assez élevé (aux alentours de 7.000,00 €) confirme cette considération.
Le forfait qui a été conclu avec son employeur semble tout à fait conforme aux dispositions de l’article L 3111-2 du Code du travail.
Article L3111-2
Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Le paiement d’heures supplémentaires ne semble pas être possible dans le cas présent.
Sauf que dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, aucun contrat de travail n’a été rédigé et la Convention collective applicable à l’entreprise impose l’indication dans le contrat de travail (ou tout avenant) des modalités d’exercice des responsabilités confiées au salarié, justifiant ainsi l’application d’un forfait sans référence horaire et le non déclenchement d’heures supplémentaires.
C’est ce point que relèvent les juges dans cette affaire.
Sans renier le statut de cadre dirigeant du salarié, le fait de n’avoir indiqué sur aucun contrat de travail (alors que la Convention collective l’exige) d’éléments permettant à l’employeur de se soustraire à l’obligation de paiement d’heures supplémentaires, ces heures sont dues ainsi que tous les repos compensateurs correspondants.
Sur la demande d'heures supplémentaires et repos compensateurs : 1°) sur les heures supplémentaires : Monsieur X... par l'ampleur de ses fonctions, sa grande autonomie, son salaire d'environ 7.000 euros mensuels, le troisième en importance de l'établissement, la signature comptable et ses fonctions d'administrateur, possédait le statut de cadre dirigeant ; que certes en principe et par application de l'article L. 212-15-1 du Code du travail, sa rémunération échappe à la législation sur la durée du travail ; mais la convention collective des services à l'automobile stipule pour le salaire forfaitaire sans référence horaire qui peut être appliqué aux cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions autonomes et qui perçoivent une rémunération comprise dans le dernier quartile des rémunérations pratiquées dans l'entreprise, que les modalités d'exercice des responsabilités, qui impliquent une indépendance et une autonomie particulières justifiant le forfait sans référence horaire, doivent être indiquées dans le contrat de travail ou un avenant à celui-ci ; que cette disposition déroge d'une manière plus favorable au salarié à la disposition légale, s'avère licite et impose un écrit définissant les modalités d'exercice des responsabilités ; qu'à défaut l'employeur ne peut se prévaloir du salaire forfaitaire et de la mise à l'écart de la réglementation de la durée du travail ;
Commentaire de LégiSocial
Conclure une convention de forfait pour un cadre dirigeant devrait automatiquement déclencher chez les employeurs le réflexe de rédiger un contrat de travail précis et spécifique ou du moins un avenant.
C’est ce que l’on peut dégager de cette affaire.
Signalons pour terminer que le chiffrage des heures à payer est assez édifiant comme l’atteste l’extrait du jugement :
que d'ailleurs les bulletins de salaire visent une rémunération de base de 6.082,49 euros pour 151,67 heures augmentées de 17,33 heures supplémentaires rémunérées 695 euros et de divers éléments aboutissant à un salaire total brut de 6.929,94 euros ; que Monsieur X... a droit à la rémunération des heures supplémentaires accomplies au de-là de 169 heures par mois ; que les attestations produites provenant de trois salariés de l'entreprise (un vendeur et deux secrétaires) relatent une présence de Monsieur X... de l'ouverture à 7 heures 30 jusqu'à la fermeture du garage à 19 heures 30 ainsi que le samedi matin ; que la société Y... n'invoque aucun élément contredisant ces témoignages ; qu'ainsi l'horaire hebdomadaire de travail de Monsieur X... s'évalue à 55 heures par semaine soit 16 heures supplémentaires non payées correspondant à 4 heures majorées à 25% et 12 heures à 50% ; qu'en retenant 45 semaines travaillées par an, le supplément de salaire dû pour heures supplémentaires se calcule ainsi : 4 h x 45 semaines x 2,25 ans x 40,1 € x 1,25 = 20.300,60 euros, - 12 h x 45 semaines x 2,25 ans x 40,1 € x 1,50 = 73.082,25 euros ; qu'il revient à Monsieur X... pour les heures supplémentaires la somme de 93.382,25 euros ; 2°) sur le repos compensateur : Selon l'article L. 212-5-1 du Code du travail pour les entreprises de plus de 20 salariés (cas de la société Y) les heures supplémentaires dans le contingent au de-là de 41 heures ouvrent droit à un repos compensateur de 50% et de 100% au de-là du contingent ; que pour l'année 2001, Monsieur X... a effectué 16 heures supplémentaires par semaine soit 720 heures par an avec un contingent de 130 heures ; que le contingent a été atteint dès la 9ème semaine ; que cela aboutit au calcul suivant : pour les 8 premières semaines : 10 h x 8 semaines x 40,1 € x 0,5 = 1.605 euros, - pour les autres semaines (début du travail en février 2001) : 16 h x 33 x 40,10 € = 23.739,20 euros ; que pour l'année 2002, où la durée légale de travail était de 35 heures, le nombre d'heures supplémentaires s'élève à 20 heures par semaine et le contingent conventionnel de 182 heures a été épuisé dès la dixième semaine ; que cela aboutit à l'intérieur du contingent à 14 h x 10 semaines x 40,1 € x 0,5 = 2.807 euros et au de-là du contingent à la somme de 28.070 euros (20 h x 35 semaines x 40,1 €) ; que le total du repos compensateur se chiffre à la somme de 56.221,20 euros »