Contexte de l'affaire
Un salarié, exerçant un mandat de délégué syndical, est licencié pour motif économique le 23 mai 2003.
Il saisit la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de son licenciement en invoquant l'absence d'autorisation administrative préalable.
En cours de procédure, à la suite de l'arrêt de cassation du 2 juillet 2014, il formule une demande de réintégration dans l'entreprise le 25 septembre 2014.
Dans un premier temps, la Cour d'appel de Paris déboute le salarié de sa demande, par arrêt du 30 janvier 2018.
Pour cela, elle énonce :
- Que la demande de réintégration formulée par le salarié est tardive faute d'avoir été présentée avant l'expiration de la période de protection ;
- Et qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande de réintégration et sa demande consécutive de rappel de salaire notamment pour la période du 23 mai 2003 au 31 octobre 2017.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de réintégration et de la demande d'indemnisation y afférente, la cour d'appel énonce que la demande de réintégration formulée par le salarié est tardive faute d'avoir été présentée avant l'expiration de la période de protection et qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande de réintégration et sa demande consécutive de rappel de salaire notamment pour la période du 23 mai 2003 au 31 octobre 2017 ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, apportant les précisions suivantes à cette occasion :
- D'abord, qu'aucun délai n'est imparti au salarié protégé pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat de travail a été prononcée en violation du statut protecteur ;
- Et que ce n'est qu'au cas où l'entreprise a disparu, ou en cas d’impossibilité absolue de réintégration, que l'employeur est libéré de son obligation.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant, d'abord, qu'aucun délai n'est imparti au salarié protégé pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat de travail a été prononcée en violation du statut protecteur, et que ce n'est qu'au cas où l'entreprise a disparu, ou en cas d' impossibilité absolue de réintégration, que l'employeur est libéré de son obligation ; (…)
Qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif visés par le second moyen ;PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement notifié le 21 février 2003 au salarié, l'arrêt rendu le 30 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Notre affaire aborde le cas d’un licenciement nul, en raison de la violation du statut protecteur.
Rappelons quelques notions concernant la réintégration du salarié en conséquence…
A la différence du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le droit à la réintégration du salarié dans l’entreprise est ouvert sans condition d’ancienneté ou d’effectif de l’entreprise.
Cette réintégration s’impose à l’employeur.
Salaires dus en cas de réintégration
Lorsque le salarié est réintégré dans l’entreprise, il doit percevoir l’intégralité des salaires « perdus » entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, cependant, que le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'apprécier l'étendue du préjudice nécessairement subi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement d'une somme au titre des salaires dont elle a été privée depuis le jour de la rupture jusqu'à la date de sa réintégration effective, l'arrêt rendu le 6 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée
Cour de cassation du 25/01/2006 pourvoi 03-47517
Salaires dus en cas de réintégration : déduire certaines sommes
Lorsque le salarié est réintégré, il doit il doit percevoir l’intégralité des salaires « perdus » entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise, sont toutefois à déduire les revenus de remplacement et les rémunérations éventuellement perçues.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour rejeter la demande de la société Y… tendant à obtenir la répétition de la part des indemnités versée correspondant au montant des revenus de remplacement perçus entre le licenciement initial et la réintégration effective de l'intéressée, la cour d'appel retient qu'en l'absence de disposition expresse en ce sens, le juge ne peut opérer aucune réduction sur le montant des sommes que l'employeur doit verser au salarié et qui correspond au montant du salaire de l'emploi occupé avant le licenciement, et que la question relative aux indemnités de chômage servies par l'ASSEDIC relève des seuls rapports entre cet organisme et la salariée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice subi par la salariée devait être évalué en tenant compte des revenus qu'elle avait pu percevoir pendant cette période et que ce qui avait été versé au-delà de ce préjudice ouvrait droit à répétition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fait remonter au 19 octobre 1998 le point de départ des intérêts dus sur les indemnités réparant un préjudice né à compter du 22 février 2003 et refusé de déduire de l'indemnisation de la salariée le montant des revenus qu'elle avait pu percevoir entre la date du licenciement initial et celle de la réintégration effective, l'arrêt rendu le 14 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;Cour de cassation du 12/02/2008 pourvoi 07-40413
Salaires dus en cas de réintégration : impossible de déduire certaines sommes
Bien entendu, à toute règle qui existe notre métier prévoit toujours des exceptions, n’est ainsi pas possible la déduction de sommes perçues entre le licenciement et la réintégration, y compris les revenus de remplacement pour les cas suivants :
- Les salariés grévistes
Cour de cassation du 2/02/2006 pourvoi 03-47481
- Les salariés victimes d’une discrimination syndicale
Cour de cassation du 2/06/2010 pourvois 08-43277 08-43369
- Les salariés licenciés en raison de leur état de santé
Cour de cassation du 11/07/2010 pourvoi 10-15905