Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée à compter du 23 juin 2008, par une association pour adultes et jeunes handicapés, en qualité d'éducatrice spécialisée.
Le 10 décembre 2014, le médecin du travail déclare la salariée inapte à son poste en une seule visite à raison d'un danger immédiat.
Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 22 janvier 2015, elle saisit la juridiction prud'homale, estimant que l’employeur a manqué à ses obligations de reclassement.
Par arrêt du 20 mars 2018, la cour d'appel de Grenoble déboute la salariée de sa demande.
Elle estime en effet que :
- L’employeur a satisfait à son obligation de reclassement, ayant proposé à la salariée plusieurs postes qu’elle avait refusés ;
- Et que le fait plusieurs éducateurs spécialisés aient été recrutés en CDD est inopérant dans la mesure où ces différents postes recouvrent les mêmes périodes de temps et n'auraient pu par conséquent être occupés par un seul et même salarié.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire le licenciement fondé, l'arrêt retient que (…) justifie avoir, à la suite de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, effectué des recherches aux fins de reclassement et précisé dans ses demandes la mention du médecin du travail « un reclassement pourrait être envisagé sur un poste tel qu'occupé précédemment à (…) » et proposé à Mme (…) plusieurs postes qu'elle a refusés, que le fait que plusieurs éducateurs spécialisés aient été recrutés en CDD est inopérant dans la mesure où ces différents postes recouvrent les mêmes périodes de temps et n'auraient pu par conséquent être occupés par un seul et même salarié, qu'en outre le poste de l'ITPE de (…) été publié le 18 mai 2015 pour être pourvu le 24 août 2015 alors que Mme (…) avait déjà été licenciée le 22 janvier 2015, que (…) a ainsi satisfait à son obligation de reclassement en tenant compte des capacités précisées par le médecin du travail ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, retenant le fait que :
- Plusieurs postes d'éducateur spécialisé avaient été pourvus par contrat CDD ;
- Sans être proposés à la salariée ;
- Permettant de constater que l’employeur n’avait pas présentement répondu favorablement à son obligation de reclassement.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que plusieurs postes d'éducateur spécialisé avaient été pourvus par contrat à durée déterminée sans être proposés à la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme (…) de ses demandes tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de congés payés sur préavis et de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelles sont les situations pour lesquelles l’employeur peut être dispensé de son obligation de reclassement, nouveau régime issu de la loi travail.
Dispense obligation de reclassement
La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.
Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :
- Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
- Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :
- En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
- Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.
Article L1226-2-1
Créé par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.