Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en 1973, et occupe diverses fonctions représentatives à compter de 1981.
Il saisit la juridiction prud'homale en décembre 2013 aux fins de voir reconnaître l'existence d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière et a demandé en appel la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Dans un premier temps, la cour d'appel de Caen par arrêt du 2 mars 2018, tout en accueillant la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, relève qu’il est âgé de 61 ans et justifie d’une ancienneté de 44 ans, de sorte que l’indemnité qui doit être versée pour violation du statut protecteur, doit être plafonnée en conséquence.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'après avoir accueilli la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur énonce que le salarié, né le [...] , indique, lui même dans ses écritures, qu'il est âgé de 61 ans et a une ancienneté de 44 ans et que l'employeur indique, sans être contredit, qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite, ce qui le ferait sortir des effectifs de l'entreprise ; que compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ;
La Cour de cassation ne partage pas cet avis et confirme que :
- Lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié titulaire d'un mandat de représentant du personnel est prononcée aux torts de l'employeur ;
- La rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;
- De sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois;
- Quand bien même il aurait été susceptible de partir à la retraite avant l'expiration de cette période.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié titulaire d'un mandat de représentant du personnel est prononcée aux torts de l'employeur, la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, de sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois, quand bien même il aurait été susceptible de partir à la retraite avant l'expiration de cette période ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 2 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de l’affaire présente pour rappeler les situations permettant de prononcer la nullité d’un licenciement.
Les cas de nullité
Il existe de nombreux cas pour lesquels le juge peut prononcer la nullité du licenciement :
- Licenciement pour victimes de harcèlement, de discrimination ou personnes ayant relaté ou témoigné de tels agissements (articles L 1132-1 à L 1132-4, L 1152-2 et L 1152-3, L 1153-2 à L 1153-4 du Code du travail) ;
- Violation du principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L 1144-3 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé en méconnaissance du droit de grève (articles L 1132-2 et L 1132-4 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé pendant un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou maladie professionnelle (sauf faute grave sans rapport avec l’arrêt de travail) (articles L 1226-13, L 1226-9 et L 1226-18 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé en méconnaissance de la protection des représentants du personnel, représentants syndicaux (articles L 1132-1 à L 1132-4 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé en méconnaissance de la protection des femmes enceintes (articles L 1225-4 et L 1225-5 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé pour des opinions religieuses, syndicales, situation de famille (articles L 1132-1 à L 1132-4, du Code du travail).
Rappelons que la prise d’acte de rupture du contrat de travail par un salarié protégé produit les effets d’un licenciement nul.
Signalons également que la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur, notamment pour des faits de harcèlement moral produit alors les effets d’un licenciement nul.
Cour de cassation du 20/02/2013 pourvoi 11-26560