Pas de modification du contrat possible en cas de silence du salarié

Jurisprudence
RH Prud'hommes

Aucune modification du contrat de travail ne peut être réalisée sans l'accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de son silence ou de la poursuite par lui du travail.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité de « technicien équipement et maintenance qualifié ».

Par la suite, son contrat de travail est modifié par son employeur.

Il saisit la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaires et de dommages-intérêts. 

Par arrêt du 21 mars 2017, la cour d'appel de Versailles déboute le salarié de sa demande. 

La Cour de cassation casse et annule, sans surprise, cet arrêt tout en rappelant que : 

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant que le contrat de travail ne peut être modifié qu'avec l'accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de son silence ou de la poursuite par lui du travail ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deuxième, troisième et quatrième moyens :

CASSE ET ANNULE, (…) l'arrêt rendu le 21 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°17-18443

Commentaire de LégiSocial

Rappelons quelques notions importantes concernant la modification d’un contrat de travail.

Rappel du principe du contrat de travail

 Le contrat de travail constitue l’élément essentiel de la relation entre un salarié et son employeur.

Pour qu’un contrat de travail existe, 3 conditions cumulatives doivent être respectées :

  1. Prestation ;
  2. Rémunération ;
  3. Subordination. 

Concrètement, le salarié s’engage à travailler pour le compte de son employeur qui s’engage de son côté à lui fournir du travail.

L’activité du salarié se fait sous la subordination de l’employeur qui s’engage à le rémunérer en contrepartie de la prestation fournie. 

Modification du contrat de travail ou des conditions de travail ?

En règle générale, une fois que les deux parties sont d’accord sur le contenu du contrat de travail, les clauses y figurant ne peuvent plus être révoquées que par leur consentement mutuel, sous réserve cependant, des clauses ayant seulement valeur informative. 

C’est ainsi que nous pouvons rencontrer des situations pour lesquelles :

  • Une modification du contrat de travail existe ;
  • Ou bien seules les conditions d’exécution du travail sont modifiées. 

Il n’existe pas de définition légale de la modification du contrat de travail ou des modifications des conditions de travail.

C’est la jurisprudence par ses différents jugements qui fait « avancer les choses », deux définitions peuvent être données.

Modification du contrat de travail

La modification du contrat de travail consiste à modifier un élément essentiel ou jugé essentiel. 

Lorsque la modification est désirée pour un motif personnel :

  • L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié ;
  • Le salarié est en droit de refuser ;
  • Le refus par le salarié n’est pas une faute pouvant entrainer une sanction disciplinaire. 

Lorsque la modification est envisagée pour un motif économique :

  • La modification est alors motivée dans l’intérêt de l’entreprise ;
  • Elle s’intègre dans le cadre d’un licenciement économique ;
  • L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié. 

Modification du contrat de travail pour motif personnel 

Cela consiste à la modification d’un élément essentiel par nature (salaire) OU d’un élément jugé essentiel par les parties lors de la signature 

Même si aucun formalisme n’est imposé, il est recommandé à l’employeur de notifier sa volonté par lettre recommandée avec avis de réception.

Dans ce cas, la procédure suivante est généralement observée : 

  1. L’employeur avise le salarié de la modification souhaitée du contrat de travail ;
  2. Il doit laisser au salarié un délai « suffisant » (l’administration a considéré qu’un délai de 15 jours était nécessaire pour la modification de la rémunération) (Circulaire DRT 30/07/1993) ;
  3. Si le salarié accepte, un nouveau contrat de travail est établi (ou un avenant au contrat initial) et les deux parties continuent sur la base d’une nouvelle relation contractuelle ;
  4. Si le salarié refuse, l’employeur prend acte du refus et renonce à la modification du contrat de travail ou prononce un licenciement pour motif personnel mais en aucun cas le refus du salarié n’est à prendre en considération. 

Nota : si la modification du contrat de travail a une origine disciplinaire, le respect d’une procédure particulière est obligatoire, à savoir notamment le respect d’un entretien préalable.

Modification du contrat de travail pour motif économique 

Il s’agit alors de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail, dans l’intérêt de l’entreprise. Elle s’intègre dans le cadre d’un licenciement économique.

Le déroulé est alors le suivant : 

  1. L’employeur avise le salarié de la modification souhaitée du contrat de travail ;
  2. Il doit laisser au salarié un délai d’un mois pour se prononcer ;
  3. Si le salarié refuse la modification avant que le délai d’un mois soit expiré, l’employeur doit néanmoins attendre que le délai d’un mois soit achevé pour agir ;
  4. L’employeur prend acte du refus et renonce à la modification du contrat de travail ou prononce un licenciement pour motif économique.

La modification des conditions de travail

Il s’agit pour les juges de simples modifications des conditions de travail.

Cela ne porte pas sur un élément jugé essentiel dans le contrat de travail.

Le refus par le salarié constitue alors une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais pas une faute grave. 

Modification du contrat de travail ou des conditions de travail ?

De nombreux arrêts ont été rendus par la Cour de cassation, en voici quelques exemples : 

Situations

Modification du contrat de travail ou des conditions de travail ?

L’employeur modifie les horaires de travail du salarié : la pause du salarié à la mi-journée dure 2 heures de plus et une plage de 3 heures de travail le samedi matin est instaurée. 

Modification du contrat de travail. 

Arrêt Cour de cassation du 25/04/2007, pourvoi 05-45106

L’employeur affecte une salariée, engagée en qualité d'éducatrice spécialisée, à un poste dans lequel elle doit assurer ponctuellement un travail de nuit.

Modification du contrat de travail. 

Arrêt Cour de cassation 10/05/2007, pourvoi 05-45690 

Nota : la Cour de cassation se situe dans la droite ligne de sa jurisprudence traditionnelle (arrêt Cour de cassation du 7/04/2004, pourvoi 02-41486).

Le passage, même partiel, d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié.

Une banque demande à 2 de ses salariés d’effectuer de nouvelles tâches commerciales en complément de leurs activités habituelles.

Ce changement de fonction se fait à hauteur de 30% de leur temps de travail.

Modification des conditions de travail

Cour de cassation du 12/05/2010, pourvoi 09-41007

Un employeur fait parvenir à son salarié un avenant à son contrat de travail.

Modification du contrat de travail. 

Cour de cassation 6 février 2008, pourvoi 06-42285 

Nota : les juges de la Cour de cassation considèrent que la transmission d’un avenant doit s’analyser en une modification du contrat de travail et non des conditions de travail.

Le contrat de travail d’un directeur commercial prévoit des déplacements professionnels avec son propre véhicule, moyennant le remboursement de ses frais de déplacement.

L’employeur décide de mettre à sa disposition un véhicule de fonction.

Modification du contrat de travail. 

Cour de cassation 15 février 2006 pourvoi n° 04-44736