Dénoncer un usage sans délai de prévenance suffisant conduit à le prolonger

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

La dénonciation d’un engagement unilatéral (usage) qui n’est pas précédé d'un délai de prévenance suffisant, rend inopposable aux salariés ladite dénonciation.

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Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne une entreprise qui a mis en place, par engagement unilatéral du 4 septembre 2008, le versement de primes au bénéfice des salariés travaillant de nuit.

Le 24 octobre 2013, l'employeur informe le comité d'entreprise de la cessation du versement de ces primes puis, le 5 novembre 2013, chaque salarié individuellement.

Huit salariés saisissent la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes. 

La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 6 juin 2018, déboute les salariés de leur demande, estimant que l’employeur avait mis fin à l’usage dans les conditions requises. 

Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, considérant que la dénonciation de l’usage « n'avait pas été précédée d'un délai de prévenance suffisant, ce dont il résultait que la dénonciation était inopposable aux salariés ». 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour juger que l'employeur avait valablement dénoncé l'engagement unilatéral du 4 septembre 2008 et condamner celui-ci au paiement de primes pour la période du 1er novembre 2013 au 31 décembre 2013, les arrêts retiennent que le non-respect d'un délai de prévenance raisonnable ne rend pas la dénonciation d'un engagement unilatéral inopposable aux salariés concernés mais a pour conséquence de repousser la date d'effet de la dénonciation qui sera fixée souverainement par les juges du fond, que les engagements pris le 4 septembre 2008 par l'employeur ont été régulièrement dénoncés et ne s'appliquent plus aux salariés de l'entreprise, que s'agissant toutefois du délai de prévenance, celui-ci ne saurait être considéré comme suffisant, l'engagement ayant été dénoncé le 24 octobre 2013 pour une mise en place le 1er décembre 2013, qu'en conséquence, la cour d'appel fixe la durée de ce délai du 24 octobre au 31 décembre 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la dénonciation de l'engagement unilatéral n'avait pas été précédée d'un délai de prévenance suffisant, ce dont il résultait que la dénonciation était inopposable aux salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 6 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°18-20763

Commentaire de LégiSocial

Afin que nous puissions parler d’usage, il est obligatoire que les 3 conditions suivantes soient cumulativement (c'est-à-dire en même temps) respectées :

1 : FIXITE

  • Fixité dans le montant ou la façon de calculer ou de déterminer l’avantage (exemple : 13ème mois, prime selon l’ancienneté dans l’entreprise, etc.)

2 : GENERALITÉ

  • Applicable pour l’ensemble du personnel ou pour une catégorie (exemple pour les cadres uniquement mais en veillant à justifier la raison pour laquelle seuls certains salariés bénéficient de l’usage, au risque que cette attribution puisse être jugée de discriminatoire)

3 : CONTINUITÉ

  • Pratique répétée (exemple une prime versée pendant 3 mois peut ne pas être considérée comme un usage).
  • Ce qui veut dire aussi, que si l’une (au moins) des 3 conditions n’est pas remplie, nous ne pouvons alors pas parler d’un « usage ».