Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 17 juin 2013 en qualité d'ingénieur, dont la relation de travail relève de la CCN Syntec.
Il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires sur la base d'une durée du travail de 35 heures hebdomadaires outre congés payés afférents et primes, le syndicat des salariés est intervenu volontairement à l'instance.
Le salarié est licencié le 19 janvier 2017.
De son côté, l’employeur demande le remboursement des jours de RTT accordés, considérant que compte tenu du fait que le salarié n’était pas éligible à la convention de forfait en heures, les jours de RTT qui avaient été accordés à ce titre devaient faire l’objet d’un remboursement.
Dans un premier temps, la cour d’appel de Toulouse déboute l’employeur de sa demande, par arrêt du 29 mars 2018.
Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle considère en effet que :
- Ne saurait être débouté l'employeur de sa demande en remboursement des jours de RTT accordés ;
- Ayant constaté par ailleurs que le salarié n'était pas éligible à la convention de forfait en heures à laquelle il avait été soumis ;
- En sorte que le paiement des jours de RTT accordés en exécution de la convention était devenu indu.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié n'était pas éligible à la convention de forfait en heures à laquelle il avait été soumis, en sorte que le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à verser à M. C... certaines sommes à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires, congés payés et primes de vacances afférents, une indemnité au titre du travail dissimulé et des dommages-intérêts au syndicat des salariés Altran CGT et en ce qu'il déboute la société (…) de sa demande de remboursement de jours de réduction de temps de travail, l'arrêt rendu le 29 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire nous permet de rappeler quelques notions concernant les conventions de forfait annuel en heures, selon les dispositions fixées par la loi travail.
Une forfaitisation du temps de travail
Depuis la loi travail, les articles L 3121-53 à L 3121-55 proposent une nouvelle présentation des conventions de forfait.
C’est ainsi que les articles confirment les points suivants :
- La durée du travail peut être forfaitisée en heures ou en jours ;
- Le forfait en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel ;
- Le forfait en jours est annuel ;
- La forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet de l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit.
Article L3121-53
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
La durée du travail peut être forfaitisée en heures ou en jours dans les conditions prévues aux sous-sections 2 et 3 de la présente section.
Article L3121-54
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Le forfait en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel. Le forfait en jours est annuel.
Article L3121-55
Créé par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
La forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet de l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit.
Mise en place
Quelle que soit la nature de la convention de forfait, heures ou jours, l’article L 3121-63 confirme que la mise en place d’une convention de forfait est réalisé par :
- Un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ;
- Ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Article L3121-63
Créé par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
5 clauses obligatoires
L’article L 3121-64 fixe désormais 5 clauses obligatoires (au lieu de 3 avant la loi travail) comme suit :
- Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;
- La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;
- Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait (dans la limite de 218 jours s’agissant du forfait en jours) ;
- Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
- Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.
Article L3121-64
Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1
I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.