En cas de rappel de primes sur plusieurs mois, l’employeur est autorisé à ne faire qu’un seul bulletin de paie

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

Concernant un rappel de primes sur plusieurs mois, l’employeur peut remettre au salarié un seul bulletin de paie rectificatif pour l'ensemble de la période en litige.

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Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne plusieurs salariés d’une même entreprise qui saisissent la juridiction prud'homale de demandes au titre de la prime de vacances, la prime familiale et la prime de durée d'expérience prévues par l'accord national des caisses d'épargne du 19 décembre 1985 sur la classification des emplois et des établissements.

Les salariés aidés par leur syndicat, demandent à ce que l’employeur réalise plusieurs bulletins de paie rectificatifs au titre de ces primes, ces dernières portant sur plusieurs mois. 

Dans un premier temps, la cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 6 décembre 2017, donne raison aux salariés, indiquant à cette occasion que :

  1. La demande des salariés tendant à la réécriture des bulletins de salaire au titre de l'avantage individuel acquis relatif à la structure de la rémunération n'est pas de même nature que celle tendant à un rappel de primes sur plusieurs mois ;
  2. Cas dans lequel effectivement un seul bulletin de salaire peut être émis lors du paiement du rappel. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que pour ordonner à l'employeur de délivrer aux salariés des bulletins de salaire rectifiés, l'arrêt retient que la demande des salariés tendant à la réécriture des bulletins de salaire au titre de l'avantage individuel acquis relatif à la structure de la rémunération n'est pas de même nature que celle tendant à un rappel de primes sur plusieurs mois, cas dans lequel effectivement un seul bulletin de salaire peut être émis lors du paiement du rappel ;

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, au motif que :

  • Concernant un rappel de primes sur plusieurs mois;
  • L'employeur peut remettre au salarié un seul bulletin de paie rectificatif pour l'ensemble de la période en litige.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur peut remettre au salarié un seul bulletin de paie rectificatif pour l'ensemble de la période en litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué par le deuxième moyen relatif aux dommages-intérêts pour résistance abusive à la délivrance de bulletins de salaire conformes ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne au (…) de délivrer à M. K..., Mme S... , Mme C..., M. T... et Mme Q... des bulletins de paie rectifiés à compter du mois de juillet 2005, sous astreinte de 500 euros par mois de retard pour chaque salarié, à l'issue d'un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt, et en ce qu'il condamne le (…) à verser à M. K..., Mme S... , Mme C..., M. T... et Mme Q... la somme de 800 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive à la délivrance de bulletins de salaire conformes, l'arrêt rendu le 6 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux 

Cour de cassation du , pourvoi n°18-11790

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente pour rappeler les conséquences d’un rappel de salaires vis-à-vis des taux de cotisations sociales et de la valeur du plafond de sécurité sociale applicables alors :

Rappels de salaire ordonnés par voie de justice

Ces rappels de rémunérations ordonnés par décision de justice sont assujettis aux plafonds en vigueur lors des périodes d’emploi donnant lieu à ces rappels.

Exemple

  1. En janvier 2020, l’employeur verse en même temps que le salaire du mois, des rappels de salaires (primes) dus au titre des années 2015 et 2014 suite à une décision de justice ;
  2. Le salaire du mois janvier 2020 supporte le plafond du mois de janvier 2020 ;
  3. Les rappels de (primes) supportent les plafonds respectifs en vigueur au titre des années 2015 et 2014.

Rappels de salaires hors décision de justice

Catégorie 1 : les rémunérations rattachées à la paie en cours

  • Ainsi, les rémunérations rattachées à une paie mais dues au titre d'autres périodes sont soumises aux taux et plafonds applicables à la paie avec laquelle elles sont versées.
  • Sont visés : les gratifications, primes ou autres indemnités, qui sont versées à une périodicité particulière du fait de leur nature, dans le cadre d’un accord ou du contrat de travail. 

Exemple 

  • En avril 2020, l’employeur verse le salaire d’avril 2020 et une prime annuelle au titre de 2019 ;
  • Le plafond à retenir est celui en vigueur en avril 2020. 

Catégorie 2 : les rappels de salaires visant à corriger une erreur

  • En revanche, concernant les rappels de salaire venant corriger une erreur relative au calcul de la paie d’une période antérieure et donnant lieu à une correction du bulletin de salaire erroné, ce rappel de salaire est traité comme en matière de décision de justice et est soumis aux cotisations sociales calculées selon les taux et plafond en vigueur lors de la période d’emploi au titre de laquelle ils étaient dus. 

Exemple

  • Un salarié exerce son activité à temps partiel, supposé être de 80% ;
  • Par erreur, il a été rémunéré en décembre 2019 sur la base d’un temps partiel à 50 % ;
  • En février 2020, l’employeur rectifie l’erreur et établit un nouveau bulletin de salaire ;
  • Ce complément de rémunération est soumis au plafond en vigueur en décembre 2019.