Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 1er septembre 2007 en qualité de chef de service/directeur commercial/directeur marketing et communication.
Par avenant du 3 mai 2011, il est promu directeur opérationnel.
Le 11 mai 2015, il saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail, mettant en avant le fait que son employeur s'était, à plusieurs reprises, adressé à lui dans des conditions bafouant son droit au respect (« « Je ne peux qu'être atterré par la mauvaise foi dont vous faites preuve en tentant de déplacer votre incompétence sur le terrain des risques psychosociaux », « Bougez-vous le cul, fort et vite » etc.)
Le 28 février 2018, il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La cour d'appel de Paris, par arrêt du 23 octobre 2018, donne raison au salarié, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi en conséquence, indiquant à cette occasion que :
- Ayant retenu que l'employeur s'était, à plusieurs reprises, adressé au salarié dans des conditions bafouant son droit au respect ;
- Il s’en déduisait que le manquement était d'une gravité telle qu'il faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail ;
- Justifiant ainsi la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Extrait de l’arrêt :
(…) que subsidiairement, seul un manquement suffisamment grave de l'employeur, qui empêche la poursuite du contrat de travail, peut justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ; qu'en affirmant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. J... aux torts de la société (…) , que les manquements de cette dernière relatifs aux violation du statut de cadre dirigeant du salarié et aux propos inadaptés qu'il avait subis, était d'une gravité telle qu'ils faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail, sans spécifier en quoi ce comportement était de nature à faire obstacle à la poursuite du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur s'était, à plusieurs reprises, adressé au salarié dans des conditions bafouant son droit au respect, ce dont elle a déduit que le manquement était d'une gravité telle qu'il faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail a, par ces seuls motifs et sans encourir la critique de la quatrième branche, justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Afin de mettre fin aux relations contractuelles qui le lie à son employeur, le salarié dispose de 2 modes de rupture : la prise d’acte et la résiliation judiciaire.
La présente affaire nous permet de rapidement rappeler quelques éléments concernant la résiliation judiciaire.
Définition de la résiliation judiciaire
La demande de résiliation judiciaire du contrat par le salarié, consiste à demander au conseil de prud’hommes de prononcer la rupture du contrat de travail.
Cela implique que le contrat de travail continue de produire ses effets tant que le juge ne s’est pas prononcé.
Le salarié poursuit son activité et l’employeur verse toujours la rémunération à son salarié.
Seul le salarié est habilité à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
La résiliation judiciaire pour un contrat CDD
A la différence de la prise d’acte, la résiliation judiciaire est envisageable pour les contrats CDD, la procédure étant toutefois restreinte.
Elle n’est en fait possible que si le salarié invoque une faute grave de l’employeur ou un cas de force majeure (en conformité avec l’article L 1243-1 du code du travail)
Extrait de l’arrêt :
1 / que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant terme que pour faute grave ou force majeure et le juge, saisi d'une action en résiliation judiciaire, ne peut la prononcer que pour l'une de ces deux causes ;
Cour de cassation du 14/01/2004 pourvoi 01-40489
Article L1243-1
Modifié par LOI n°2014-1545 du 20 décembre 2014 - art. 6
Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
Lorsqu'il est conclu en application du 6° de l'article L. 1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.
Demande de résiliation judiciaire suivie d’une prise d’acte
Si un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat puis prend acte de la rupture de son contrat de travail avant que les juges ne se soient prononcés, la demande de résiliation judiciaire devient sans objet.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ;
Et attendu que la cour d'appel a décidé que les faits reprochés par le salarié étaient fondés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation du 31/10/2006 pourvoi 04-46280