Refuser des tâches ne relevant pas de sa qualification professionnelle ne permet pas le licenciement

Jurisprudence
Paie Licenciement

Ayant constaté que la salariée avait refusé de réaliser des travaux ne relevant pas de sa qualification professionnelle, en sorte qu’elle était en droit de refuser d'exécuter cette nouvelle tâche, sans encourir son licenciement pour faute grave.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée à compter du 5 avril 2004 en qualité d'opératrice mini-laboratoire, opérateur vendeur 3ème niveau coefficient 175, de la convention collective nationale de la photographie.
Elle est licenciée pour faute grave par lettre du 9 décembre 2014 pour notamment avoir refusé d'exécuter des prises de vue simples.
Contestant son licenciement, elle saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes d'indemnités de rupture. 

Par arrêt du 21 juin 2018, la cour d'appel d’Angers déboute la salariée de sa demande, considérant que :

  • La demande de l’employeur dans la présente affaire constituait une évolution des tâches qui lui étaient confiées et non d'une modification de son contrat de travail ;
  • La salariée, titulaire du BTS de photographie, avait la compétence d'effectuer des prises de vue ;
  • Et que celles commandées par les clients que la salariée avait refusé de réaliser, étaient des prises de vue simples ;
  • Il s’en déduisait que compte tenu des capacités de celle-ci, l'employeur pouvait lui demander de réaliser de tels travaux à titre accessoire à sa fonction principale ne constituant pas une modification de son contrat de travail, en sorte que le refus de l'intéressée d'effectuer ce travail justifie le grief d'insubordination qui lui est fait.

Extrait de l’arrêt :

Pour débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que dans le cadre de la filière magasin prévue par la convention collective de la photographie, Mme Q... opérateur vendeur de 3ème niveau coefficient 175 peut réaliser « les photos d'identités à l'exception des autres prises de vue » et qu'à son contrat de travail, il est prévu que, de manière générale, celle-ci doit effectuer toutes les tâches qui lui seront confiées par la direction. L'arrêt relève que, par courrier du 25 juillet 2014, l'employeur l'a informée qu'elle serait amenée à son retour de congé le 4 août 2014 à effectuer des prises de vues, tant en intérieur qu'en extérieur et qu'il s'agissait d'une évolution des tâches qui lui sont confiées et non d'une modification de son contrat de travail. L'arrêt ajoute que la salariée est titulaire du brevet de technicien supérieur de photographie, qu'il est de sa compétence d'effectuer des prises de vue et que celles commandées par les clients que la salariée a refusé de réaliser, étaient des prises de vue simples. Il en déduit que compte tenu des capacités de celle-ci, l'employeur pouvait lui demander de réaliser de tels travaux à titre accessoire à sa fonction principale ne constituant pas une modification de son contrat de travail, en sorte que le refus de l'intéressée d'effectuer ce travail justifie le grief d'insubordination qui lui est fait. 

La Cour de cassation ne partage pas le même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Rennes.

A cette occasion, elle indique :

  • Ayant constaté que la salariée, engagée en qualité d'opératrice mini-laboratoire, avait refusé de réaliser des prises de vue simples autres que des photos d'identité ne relevant pas de sa qualification professionnelle d'opérateur vendeur filière magasin mais de celle de la photographie professionnelle,
  • En sorte qu’elle était en droit de refuser d'exécuter cette nouvelle tâche, sans encourir son licenciement pour faute grave.

Extrait de l’arrêt :

  1. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait refusé de réaliser des prises de vue simples autres que des photos d'identité ne relevant pas de sa qualification professionnelle d'opérateur vendeur filière magasin mais de celle de la photographie professionnelle, en sorte que celle-ci était en droit de refuser d'exécuter cette nouvelle tâche, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; 
Cour de cassation du , pourvoi n°18-21700

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire évoque le refus de réaliser un travail, la salariée considérant que la demande de l’employeur constituait une réelle modification du contrat de travail. 

Rappelons à cette occasion la différence qui existe entre :

  • Une modification du contrat de travail ;
  • Un changement des conditions de travail.

Modification du contrat de travail

La modification du contrat de travail consiste à modifier un élément essentiel ou jugé essentiel.  

Lorsque la modification est désirée pour un motif personnel :

  • L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié ;
  • Le salarié est en droit de refuser ;
  • Le refus par le salarié n’est pas une faute pouvant entrainer une sanction disciplinaire. 

Lorsque la modification est envisagée pour un motif économique :

  • La modification est alors motivée dans l’intérêt de l’entreprise ;
  • Elle s’intègre dans le cadre d’un licenciement économique ;
  • L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié. 

La modification des conditions de travail

Il s’agit pour les juges de simples modifications des conditions de travail.

  • Cela ne porte pas sur un élément jugé essentiel dans le contrat de travail.
  • Le refus par le salarié constitue alors une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais pas une faute grave.