La tenue de propos dégradants à caractère sexuel justifie un licenciement pour faute grave

Jurisprudence
RH Licenciement

Ayant constaté que le salarié avait tenu à l'encontre d'une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel, rendant impossible son maintien dans l'entreprise, et motivant un licenciement pour faute grave.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 27 avril 2009 en qualité d'agent de fabrication.

Il est pour faute grave par lettre du 18 février 2016, pour avoir tenu des propos dégradants, à caractère sexuel, à l'encontre d'une collègue de travail.
Il conteste son licenciement devant la juridiction prud'homale. 

Dans un premier temps, la cour d’appel de Colmar par arrêt du 26 juin 2018 considère le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant à cette occasion son employeur au paiement de dommages et intérêts. 

Mettant en avant l’ancienneté importante du salarié, 7 ans, le licenciement apparaissait « en l'espèce disproportionné ».

Extrait de l’arrêt :

  1. Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité spéciale de licenciement, de préavis et congés payés sur préavis, l'arrêt énonce que si les propos tenus par le salarié, même sur le ton de la plaisanterie, sont indéniablement dégradants à l'encontre de sa collègue de travail, il convient de relever que l'intéressé avait près de sept ans d'ancienneté et ne présentait aucun antécédent disciplinaire, ce dont il résulte que son licenciement apparaît en l'espèce disproportionné.

Mais ce n’est pas du tout l’avis de Cour de cassation est du même avis, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Colmar.

Pour cela, les juges indiquent : 

  • Qu’il était constaté que le salarié avait tenu à l'encontre d'une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel ;
  • Ce qui était de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise ;
  • La cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, ne saurait dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt :

  1. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait tenu à l'encontre d'une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel, ce qui était de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen, qui est subsidiaire, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Cour de cassation du , pourvoi n°19-11575

Commentaire de LégiSocial

Dans le présent arrêt, la cour d’appel avait invoqué un « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». 

Nous rappelons ici les raisons pour qui permettent d’invoquer cette requalification.

Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le licenciement peut être considéré sans cause réelle et sérieuse :

  • Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
  • Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
  • Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
  • L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.

Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse : cas particuliers

Selon la Cour de cassation, certaines règles de procédure s’apparentent à des « règles de fond ».

C’est ainsi que des licenciements qui semblent être « irréguliers », et pour lesquels les règles de procédure non respectées sont de très grande importance, deviennent réellement des licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Les exemples qui peuvent être proposés sont les suivants :

Le licenciement pour motif disciplinaire est prononcé plus d’un mois après l’entretien préalable

Dans ce cas, c’est l’article L 1332-2 du code du travail qui n’est pas respecté.

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. 

La Cour de cassation s’est également prononcée sur cette situation particulière. 

Cour de cassation du 16/03/1995, pourvoi 90-41213

Cour de cassation du 21/03/2000 pourvoi 98-40345

Notification imprécise du licenciement

Cour de cassation du 29/11/1990 pourvoi 88-44308

Cour de cassation du 17/01/2001, pourvoi 98-46447

Licenciement « verbal »

Cour de cassation du 30/09/1992 pourvoi 88-44080

Licenciement notifié à la mauvaise adresse

Précisons dans ce cas, que l’erreur commise est du fait de l’employeur.

Cour de cassation du 7/07/2004 pourvoi 02-43100

Le non-respect de certaines procédures conventionnelles

Concrètement, sont visées certaines procédures prévues par la convention collective applicable dans l’entreprise.

La Cour de cassation considère alors qu’il ne s’agit pas d’une irrégularité de procédure (dans ce cas, le licenciement serait considéré comme irrégulier) mais bel et bien d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.

Les exemples sont nombreux, nous vous proposons les références suivantes : 

Cour de cassation du 5/03/2010, pourvoi 08-42844 ;

Cour de cassation du 21/10/2008, pourvoi 07-42170 ;

Cour de cassation du 18/05/2011, pourvoi 09-72787 ;

Cour de cassation du 27/03/2013, pourvoi 11-20737.

Le non-respect de l’engagement de l’employeur lors d’un licenciement économique

La Cour de cassation vient de se prononcer à ce sujet, très récemment.

L’affaire concernait un salarié qui avait adhéré à une convention de congé de reconversion après avoir signé un protocole d’accord stipulant qu’un cabinet de reclassement devait proposer au minimum 3 offres d’emploi valables par salarié.

Licencié au terme du congé de conversion, sans avoir eu d’offres d’emploi, le salarié saisit la juridiction prud’homale.

La Cour de cassation considère que le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cour de cassation du 30/09/2013 pourvoi 12-13439

Nota : depuis les ordonnances Macron, l’irrégularité de procédure (sauf exceptions) ne conduit plus à la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais à un licenciement irrégulier. 

Lettre de licenciement signée par une personne étrangère à l’entreprise

Prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, celui pour lequel la lettre de licenciement est signée par une personne étrangère à l’entreprise.

Cour de cassation du 26/04/2006, pourvoi 04-42860