Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne une entreprise qui décide début 2013, dans le but de sauvegarder sa compétitivité, la fermeture d’un de ses sites de production qui employait 49 salariés. Après mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi volontaire, elle a licencié quarante salariés affectés sur ce site le 19 juin 2013.
Contestant leur licenciement, 30 salariés saisissent la juridiction prud'homale, estimant que l’employeur n’a pas satisfait à ses obligations en matière de reclassement.
Par arrêt du 20 septembre 2018, la Cour d'appel de Rouen donne raison aux salariés, considérant les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse, pour non-respect de l’obligation de reclassement par l’employeur dans le cadre d’un licenciement économique.
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt.
Selon elle :
- L’employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
- Une lettre de demande de recherche de postes de reclassement, qui comportait un tableau récapitulant par département de l'entreprise, l'emploi occupé par les salariés à reclasser et le nombre de salariés concernés pour chacun de ces emplois, était suffisamment personnalisée.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
10. Pour retenir un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et juger les licenciements des salariés dépourvus de cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent encore que les propositions de reclassement à un poste sont subordonnées à un entretien avec un supérieur hiérarchique à l'issue duquel une offre ferme d'emploi pourra être adressée par le directeur des ressources humaines de l'entité d'accueil, en sorte qu'elles ne sont pas fermes.
11. En statuant ainsi, alors que les lettres de proposition de postes de reclassement précisaient qu'en cas d'intérêt manifesté pour une proposition de poste, le salarié pourrait bénéficier d'une absence rémunérée dans le cadre d'un voyage de reconnaissance pour se rendre sur le potentiel nouveau lieu de travail et avoir un entretien individuel avec le responsable hiérarchique local, ce dont il résultait que l'entretien avec le supérieur hiérarchique n'était qu'une faculté offerte au salarié, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes des lettres de proposition de postes de reclassement, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent les licenciements des salariés dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamnent la société (…) à payer aux salariés une somme à titre de dommages-intérêts à ce titre et à rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités versées aux salariés, les arrêts rendus le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire concernant le licenciement économique, nous en profitons pour rappeler les 4 modifications qui ont été apportées au licenciement économique par les ordonnances dites « Macron » de 2017.
Les 4 modifications apportées au licenciement pour motif économique
Thèmes | Contenus |
Délai de contestation | Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit dans le délai de 12 mois à compter : · De la dernière réunion du CSE ; · Ou de la notification de licenciement, dans le cadre de l’exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement économique. Attention : Ce délai n’est opposable au salarié que s’il a été mentionné dans la lettre de licenciement.
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Périmètre appréciation | 2 situations sont alors à envisager comme suit, selon les termes de l’article L 1233-3 du code du travail, modifié récemment par 2 articles de l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 : Situation 1 : l’entreprise appartient à un groupe Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient alors : · Au niveau du secteur d'activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. Dans ce cas, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, le groupe est alors constitué de cette entreprise ainsi que des entreprises qu’elle contrôle. Si le siège social n’est pas situé sur le territoire français, le groupe est alors constitué des entreprises implantées en France. Enfin, le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. Situation 2 : l’entreprise n’appartient pas à un groupe Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise.
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Obligation reclassement | Sur ce point précis, il convient de se rapprocher de l’article L 1233-4 du code du travail, modifié récemment par l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017. · Efforts de formation et d’adaptation Selon l’article précité, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. · Reclassement et emplois concernés Le reclassement du salarié s'effectue : · Sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ; · Ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. · Communication offres de reclassement Sur ce point précis, l’article L 1233-4 du code du travail indique que : · L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ; · Ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés ; · Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
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Critère ordre licenciements | Cet aspect est abordé dans l’article L 1233-5 du code du travail, modifié récemment par l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 et son article 18. L’employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. Ces critères prennent notamment en compte : 1. Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2. L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3. La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4. Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Nota : l'employeur peut privilégier 1 de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des 4 autres critères. Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emploi.
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