Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 19 février 2001 en qualité de tourneur fraiseur.
Le salarié prend acte le 29 décembre 2012 de la rupture de la relation de travail aux torts de l'employeur, et saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat.
Le salarié reproche présentement à son employeur de ne plus avoir payé les heures supplémentaires, d’avoir substitué à ce paiement le versement de primes exceptionnelles par la suite exclues du calcul de l’indemnité de congés payés selon la méthode du 1/10ème.
Par arrêt du 20 juin 2018, la cour d'appel de Paris, déboute le salarié de sa demande.
Mais tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, rappelant à cette occasion que :
- Il était constaté que l'employeur, à compter de l'année 2008, n'avait plus payé les heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures ;
- Et avait versé en substitution des primes dites exceptionnelles, qui devaient être incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés selon la règle du 1/10ème dès lors qu'elles correspondaient en réalité à du temps de travail effectif ;
- Il s’en déduisait que ces seuls manquements étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et justifiaient la prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel, qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a relevé par motifs propres et adoptés que l'employeur, à compter de l'année 2008, n'avait plus payé les heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures et avait versé en substitution des primes dites exceptionnelles, qui devaient être incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés selon la règle du 1/10e dès lors qu'elles correspondaient en réalité à du temps de travail effectif, a pu en déduire que ces seuls manquements étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Commentaire de LégiSocial
Dans l’affaire présente le salarié « prend acte de la rupture du contrat de travail », l’occasion pour nous de rappeler quelques notions de base à ce sujet.
Notions de principe
La prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié implique que ce dernier invoque des griefs envers son employeur.
Ainsi les griefs invoqués doivent être suffisamment importants pour qu’ils puissent ensuite être reconnus « fondés » par le conseil de prud’hommes.
Les conséquences (qui seront abordées en détail dans les chapitres qui suivent) sont importantes :
- Les griefs sont fondés : la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul ;
- Les griefs ne sont pas fondés : la prise d’acte produit les effets d’une démission.
C’est en quelque sorte une sorte de « pari sur l’avenir » que prend le salarié en rompant le contrat de travail par ce mode.
Les griefs invoqués : quelques exemples concrets
Les griefs sont fondés
De nombreux arrêts ont été rendus par la Cour de cassation, citons quelques griefs reconnus fondés par la Cour de cassation :
- Le salarié qui reproche à l'employeur le non-respect du droit au repos hebdomadaire ;
Cour de cassation 7 octobre 2003, n° 01-44635 D
- Le salarié qui reproche à son employeur de ne pas lui avoir versé les salaires qui lui étaient conventionnellement garantis pendant son arrêt maladie ;
Cour de cassation du 06/07/2004 n° 02-42642 FD
- Le salarié qui reproche à son employeur le non-paiement d’heures supplémentaires ;
Cour de cassation du 25/05/2004 n° 02-43042 FD et 01/12/2004 n° 02-46231 FD
- Le salarié qui voit le contrat de travail modifié malgré son refus de modification.
Cour de cassation du 03/04/2007 n° 05-43008 FD
Extraits « Abécédaire social et paye 2010 » (éditions INDICATOR)
Des prises d’acte de rupture de contrat qui ont été reconnues justifiées :
?Petit commentaire de l’auteur: Lorsque la prise d’acte de rupture du contrat porte sur des griefs que les juges du fond considèrent fondés, la prise d’acte s’analyse alors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ! Les conséquences sont fâcheuses pour l’employeur !
Le salarié qui reproche à l'employeur le non respect du droit au repos hebdomadaire.
Cour de cassation 7 octobre 2003, n° 01-44635 D
Le salarié qui reproche à son employeur de ne pas lui avoir versé les salaires qui lui étaient conventionnellement garantis pendant son arrêt maladie
Cour de cassation du 06/07/2004 n° 02-42642 FD
Le salarié qui reproche à son employeur le non paiement d’heures supplémentaires.
Cour de cassation du 25/05/2004 n° 02-43042 FD et 01/12/2004 n° 02-46231 FD
Le salarié qui voit le contrat de travail malgré son refus de modification.
Cour de cassation du 03/04/2007 n° 05-43008 FD
Les griefs invoqués ne sont pas fondés
- Le salarié qui reproche à l'employeur des retards dans le paiement des salaires alors que ce retard provenait en fait de la présence de jours fériés dans le calendrier et que cela avait décalé le paiement d’une journée ou deux ;
Cour de cassation du 19/01/2005 n° 03-45018
- Le salarié qui reproche le non-paiement d'heures supplémentaires, alors qu’il dispose en outre d’une totale autonomie pour organiser son travail et que la réalité des heures supplémentaires n'a pas été établie ;
Cour de cassation du 17/07/2007 n°06-40630
- Le salarié qui conteste des frais professionnels (contestation qui ne s’appuie sur aucun élément) ainsi que le reproche d’un incident de paiement de salaire (le seul en 30 ans), incident qui avait été résolu avant la prise d’acte de rupture du contrat de travail.
Cour de cassation du 23/05/2007 n° 05-45740