Lever la clause de non-concurrence par mail, le contrat prévoyant une lettre recommandée, conduit au paiement de la contrepartie financière

Jurisprudence
Paie Clause non concurrence

Le contrat de travail stipulant la renonciation à la clause de non concurrence par lettre recommandée, le salarié ne pouvait être débouté de sa demande de paiement de la contrepartie financière, l’employeur ayant levé cette clause par un courriel.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée le 11 septembre 2015, en qualité de comptable assistante de direction.

Son contrat de travail contient une clause de non-concurrence prévoyant une contrepartie financière.

La salariée met fin à la période d'essai le 27 octobre 2015.

Le 22 février 2016, l'employeur saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes et la salariée a formé une demande reconventionnelle en paiement d'une somme au titre de la clause de non-concurrence, mettant en avant le fait que le contrat de travail prévoyait la renonciation à la clause de non-concurrence par lettre recommandée avec avis de réception, et que présentement l’employeur avait levé la clause par courriel.

La cour d'appel de Colmar, par arrêt du 25 avril 2019, déboute la salariée de sa demande.

Elle estime :

« qu'il peut être suppléé à la formalité de la lettre recommandée par la preuve que la salariée avait connaissance qu'elle était libérée du respect de la clause ainsi que de sa date, que par courriel du 28 octobre 2015, l'employeur a indiqué à la salariée qu'il levait la clause de non-concurrence, que ce courriel a été envoyé à l'adresse de la salariée au sein de l'entreprise le dernier jour de son activité à 18 heures de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle en ait eu connaissance, que toutefois ce courriel fait état d'une confirmation, ce qui révèle que les parties s'étaient mises d'accord antérieurement, et que la salariée n'a pas réclamé le paiement de la contrepartie avant l'action engagée par son employeur. Il en déduit que ces indices démontrent qu'elle savait que la clause avait été levée ».

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que :

  • Alors qu’il était constaté que le contrat de travail stipulait que la renonciation à la clause de non concurrence devait prendre la forme d'une lettre recommandée avec avis de réception ;
  • Le salarié ne pouvait être débouté de sa demande de paiement de la contrepartie financière, l’employeur ayant levé cette clause par un courriel.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 :
6. Il résulte de ces dispositions que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
7. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, l'arrêt retient qu'il peut être suppléé à la formalité de la lettre recommandée par la preuve que la salariée avait connaissance qu'elle était libérée du respect de la clause ainsi que de sa date, que par courriel du 28 octobre 2015, l'employeur a indiqué à la salariée qu'il levait la clause de non-concurrence, que ce courriel a été envoyé à l'adresse de la salariée au sein de l'entreprise le dernier jour de son activité à 18 heures de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle en ait eu connaissance, que toutefois ce courriel fait état d'une confirmation, ce qui révèle que les parties s'étaient mises d'accord antérieurement, et que la salariée n'a pas réclamé le paiement de la contrepartie avant l'action engagée par son employeur. Il en déduit que ces indices démontrent qu'elle savait que la clause avait été levée.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail stipulait que la renonciation à la clause de non concurrence devait prendre la forme d'une lettre recommandée avec avis de réception, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, seulement en ce qu'il déboute Mme V... de ses demandes en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-18399

Commentaire de LégiSocial

De façon très régulière, la Cour de cassation se penche sur l’application de la clause de non-concurrence et la possibilité pour l’employeur de « lever » cette clause… 

Voici quelques arrêts à ce sujet.

Circonstances

Conséquences-date à retenir

Licenciement du salarié ;

Le contrat de travail n’indique pas de délai pour renoncer à la clause de non-concurrence et la convention collective est « muette » sur le sujet.

L’employeur doit libérer le salarié au plus tard au moment du licenciement. 

Cour de cassation du 13/07/2010, pourvoi n° 09-41626

Le contrat de travail contient une clause indiquant que l’employeur dispose d’un droit de lever la clause pendant l’exécution du contrat de travail.

L’employeur est en droit de libérer le salarié de la clause de non-concurrence durant les relations contractuelles. 

Cour de cassation du 11/03/2015, pourvoi n° 13-22257

Le contrat de travail indique que l’employeur est libre de lever la clause de non-concurrence à tout moment, après le départ du salarié.

La clause est nulle, aux motifs qu’elle ne pouvait laisser le salarié « dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler ». 

Cour de cassation du 2/12/2015, pourvoi n° 14-19029

Rupture conventionnelle ;

La clause indique que l’employeur doit notifier son éventuelle renonciation dans un délai de 15 jours suivant la 1ère présentation de la notification de la rupture du contrat.

Le délai de 15 jours se décompte à compter de la date de rupture indiquée sur la convention de rupture, et non à compter de la date de sa conclusion. 

Cour de cassation du 29/01/2014, pourvoi n° 12-22116

Licenciement économique ;

Le salarié adhère au CSP.

La renonciation à la clause doit intervenir au plus tard à la date de départ effectif du salarié. 

Cour de cassation du 2/03/2017, pourvoi n° 15-15405

Licenciement nul

En raison de la nullité de plein droit du licenciement, l'employeur ne peut se prévaloir de la renonciation exprimée lors de la notification du licenciement, et n’est donc pas libéré de son obligation de payer la contrepartie financière à ce titre. 

Cour de cassation du 3/02/2010, pourvoi n° 08-45105

Licenciement et dispense de préavis par l’employeur

L’employeur, s’il souhaite libérer le salarié de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de départ effectif du salarié, et non à l’expiration de la période de préavis dont le salarié a été dispensé. 

Cour de cassation du 22/06/2011, pourvoi n° 09-68762

L’employeur renonce à la clause de non-concurrence par lettre recommandée avec accusé de réception ;

La lettre est perdue par la poste.

L’employeur est considéré ne pas être responsable de la perte du courrier, et s’est libéré dans les formes légales de la clause de non-concurrence. 

Cour de cassation du 10/07/2013, pourvoi n°12-14080

Démission et demande de dispense de préavis acceptée par l’employeur

L’employeur est en faculté de libérer le salarié de la clause de non-concurrence à la date de départ effectif du salarié. 

Cour de cassation du 13/03/2013 pourvoi n° 11-21150

L’employeur verse la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence en cours d’exécution du contrat

La clause de clause de non-concurrence est nulle et la renonciation par l’employeur doit être rejetée de ce fait. 

Cour de cassation du 15/01/2014 pourvoi n° 12-19472