Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée en qualité d'assistante comptable à compter du 26 juillet 2002.
Une clause de non-concurrence est insérée dans son contrat de travail.
La salariée démissionne le 8 mai 2016.
Estimant que la salariée n'avait pas respecté la clause de non-concurrence, l'employeur saisit la juridiction prud'homale aux fins d’obtenir le paiement de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.
La cour d'appel de Metz, par arrêt du 20 mai 2019, déboute l’employeur de sa demande, estimant présentement que la clause de non-concurrence devait être considérée comme nulle, compte tenu du fait qu’elle prévoyait le versement d’une contrepartie financière minorée en cas de démission de la salariée.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, indiquant que dans le cas présent la clause de non-concurrence n’était pas nulle, mais devait être réputée non écrite.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article L. 1121-1 du code du travail :
5. Aux termes de ce texte, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
6. Pour déclarer nulle la clause de non-concurrence et débouter l'employeur de sa demande d'indemnisation au titre de la clause de non-concurrence et de concurrence déloyale, l'arrêt retient que la clause de non-concurrence n'est pas valable compte tenu de la minoration de la contrepartie financière en cas de démission, et que la circonstance selon laquelle la société a versé les montants non minorés à la salariée ne permet pas d'établir que l'employeur s'est conformé aux stipulations de la convention collective.
7. En statuant ainsi, alors que la clause de non-concurrence n'était pas nulle mais devait être réputée non écrite en ses seules dispositions minorant la contrepartie financière en cas de démission, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il invalide la clause de non-concurrence, condamne Mme H... à rembourser à la société (…) , la somme de 944,43 euros brut au titre de l'indemnisation de la clause de non concurrence d'août 2016 et déboute la société (…)de sa demande de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence et de concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 20 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Dans la présente affaire, 2 avis s’affrontent :
- La cour d’appel qui considère que la clause de non-concurrence prévoyant une minoration de la contrepartie financière en cas de démission du salarié doit être considérée comme nulle;
- Et la Cour de cassation qui considère, pour la même raison, que la clause doit être réputée non-écrite.
Alors pourquoi cette distinction ?
Pour faire simple et rapide, indiquons que :
- Une clause réputée non-écrite est une clause abusive, contraire à la loi, elle doit être considérée comme n’ayant jamais été présente au sein du contrat de travail, et détail important : elle n’est soumise à aucune prescription, rendant possible de faire constater à tout moment le caractère non-écrit de ladite clause ;
- A la différence de la clause nulle, l’action en nullité étant soumise elle à des délais de prescription.
Ajoutons enfin qu’en cas de clause réputée non-écrite, le contrat demeurera valable, sous réserve que ladite clause ne soit pas indispensable à l'existence même du contrat de travail…
Enfin, rappelons qu’une clause de non-concurrence prévoyant une contrepartie financière jugée « dérisoire » ou versée durant l’exécution du contrat de travail, est considérée comme nulle, selon la Cour de cassation au travers de plusieurs arrêts.
- Contrepartie financière jugée « dérisoire »
Cour de cassation du 15/11/2006 n° 04-46721
- Contrepartie financière versée en cours de contrat
Cour de cassation du 17/11/2010 pourvoi M 09-42.389