L’absence de souhait de reclassement du salarié inapte, ne dispense pas l’employeur d’effectuer des recherches

Jurisprudence
Paie Inaptitude

L’absence de souhait de reclassement exprimé par le salarié, ne dispense pas l'employeur de procéder à des recherches au sein des entreprises, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation du personnel.

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé à compter du 22 avril 2003, en qualité de boulanger.

Victime d'un accident de trajet le 10 novembre 2010, il est déclaré inapte le 4 avril 2014 à son poste et à tous les postes dans l'entreprise.
Le salarié est licencié le 13 mai 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, mais décide de saisir la juridiction prud'homale pour contester son licenciement. 

La cour d'appel de Colmar, par arrêt du 28 novembre 2017, déboute le salarié de sa demande, relevant « qu'il n'est pas établi, ni du reste soutenu, que le salarié avait fait connaître son souhait d'être reclassé dans des sociétés du groupe ayant une autre activité ».

Cet argument ne satisfait pas la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Nancy. 

Selon la Cour de cassation :

  • L’absence de souhait de reclassement exprimé par le salarié ;
  • Ne dispense pas l'employeur de procéder à des recherches au sein des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
4. Il résulte de ce texte qu'il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
5. Pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi, ni du reste soutenu, que le salarié avait fait connaître son souhait d'être reclassé dans des sociétés du groupe ayant une autre activité que (…), ni d'accepter de travailler à l'étranger, et que le fait que la société n'a pas dirigé de recherches en ce sens, ne remet pas en cause le caractère néanmoins loyal et complet de l'exécution de son obligation.
6. En statuant ainsi, alors que l'absence de souhait exprimé par le salarié ne dispense pas l'employeur de procéder à des recherches au sein des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-12771

Commentaire de LégiSocial

Apportons un focus sur les recherches de reclassement en cas d’inaptitude du salarié, dispositions modifiées grandement au passage par la récente loi travail.

Obligation de reclassement

Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :

  • Article L 1226-2-1 ;
  • Article L 1226-12 ;
  • Article L 1226-20 

Article L1226-2-1

Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

Article L1226-12

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Article L1226-20

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.

Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.

Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.

La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.

Sont ainsi confirmés les points suivants :

  • L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
  • Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle). 

Dispense obligation de reclassement

La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.

Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :

  • Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi. 

Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :

  • En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
  • Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.