Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 3 juin 2002 par une banque pour exercer en dernier lieu les fonctions de formateur.
Il est licencié pour faute grave le 6 juillet 2015.
Son employeur lui reprochant, en outre le fait d’avoir d'installé une balise GPS sur le véhicule d'une autre salariée de l'entreprise, avec laquelle il entretenait une relation amoureuse, afin de la surveiller à son insu et de lui avoir également adressé de nombreux messages intimes
Contestant son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale.
Dans un premier temps, la cour d'appel de Colmar, par arrêt 12 février 2019, donne raison au salarié.
La Cour de cassation confirme l’arrêt et rejette le pourvoi formé par l’employeur :
- Ayant retenu que la balise avait été posée sur le véhicule personnel de la salariée, que l'envoi à celle-ci de courriels au moyen de l'outil professionnel était limité à 2 messages ;
- Et que les faits n'avaient eu aucun retentissement au sein de l'agence ou sur la carrière de l'intéressée ;
- La cour d'appel a pu en déduire que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié ;
- Et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail ;
- En sorte que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, d'une part que les salariés avaient entretenu pendant des mois une relation amoureuse faite de ruptures et de sollicitations réciproques, d'autre part que le courriel de la salariée du 16 octobre 2014 établissait que chacun d'eux avait suggéré de rompre, excluant une demande non équivoque résultant de la seule initiative de l'intéressée, et enfin écarté l'allégation de harcèlement moral.
5. Ayant retenu que la balise avait été posée sur le véhicule personnel de la salariée, que l'envoi à celle-ci de courriels au moyen de l'outil professionnel était limité à deux messages et que les faits n'avaient eu aucun retentissement au sein de l'agence ou sur la carrière de l'intéressée, la cour d'appel a pu en déduire que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, en sorte que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire évoque la requalification d’un licenciement en « licenciement sans cause réelle et sérieuse », l’occasion pour nous de rappeler les circonstances qui permettant cette requalification….
Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le licenciement peut être considéré sans cause réelle et sérieuse :
- Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
- Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
- Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
- L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.
Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse : cas particuliers
Selon la Cour de cassation, certaines règles de procédure s’apparentent à des « règles de fond ».
C’est ainsi que des licenciements qui semblent être « irréguliers », et pour lesquels les règles de procédure non respectées sont de très grande importance, deviennent réellement des licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Les exemples qui peuvent être proposés sont les suivants :
- Le licenciement pour motif disciplinaire est prononcé plus d’un mois après l’entretien préalable
Dans ce cas, c’est l’article L 1332-2 du code du travail qui n’est pas respecté.
Article L1332-2
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48
Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
Cour de cassation du 16/03/1995, pourvoi 90-41213
Cour de cassation du 21/03/2000 pourvoi 98-40345
- Notification imprécise du licenciement
Cour de cassation du 29/11/1990 pourvoi 88-44308
Cour de cassation du 17/01/2001, pourvoi 98-46447
- Licenciement « verbal »
Cour de cassation du 30/09/1992 pourvoi 88-44080
- Licenciement notifié à la mauvaise adresse
Précisons dans ce cas, que l’erreur commise est du fait de l’employeur.
Cour de cassation du 7/07/2004 pourvoi 02-43100
- Le non-respect de certaines procédures conventionnelles
Concrètement, sont visées certaines procédures prévues par la convention collective applicable dans l’entreprise.
La Cour de cassation considère alors qu’il ne s’agit pas d’une irrégularité de procédure (dans ce cas, le licenciement serait considéré comme irrégulier) mais bel et bien d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
Les exemples sont nombreux, nous vous proposons les références suivantes :
Cour de cassation du 5/03/2010, pourvoi 08-42844 ;
Cour de cassation du 21/10/2008, pourvoi 07-42170 ;
Cour de cassation du 18/05/2011, pourvoi 09-72787 ;
Cour de cassation du 27/03/2013, pourvoi 11-20737.
- Lettre de licenciement signée par une personne étrangère à l’entreprise
Prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, celui pour lequel la lettre de licenciement est signée par une personne étrangère à l’entreprise.
Cour de cassation du 26/04/2006, pourvoi 04-42860