L’employeur renonce correctement à la clause de non-concurrence même si la Poste est incapable d’apporter des preuves

Jurisprudence
Paie Clause non concurrence

Un employeur, ayant dénoncé dans les délais, ne peut être condamné à payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, même si la Poste ne peut prouver que le courrier ait été présenté à la salariée ni qu'elle en a été avisée.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée le 1er octobre 2012 est licenciée pour faute grave par lettre du 16 mars 2015.
Avait été insérée au contrat de travail une clause de non-concurrence précisant la possibilité pour la société de délier la salariée de son obligation de non-concurrence, à la condition de l'en informer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au plus tard dans le mois suivant la notification de la rupture.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, la salariée saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir paiement de diverses indemnités de rupture et de la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence, estimant que son employeur ne l’avait pas dénoncé dans les délais requis.

Dans un premier temps, la cour d’appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 14 mars 2019, donne raison à la salariée mettant à cette occasion le fait que :

  1. La société avait adressé à la salariée un courrier recommandé avec accusé de réception l'informant qu'elle se trouvait déliée de son obligation de non-concurrence ;
  2. Mais que les documents de La Poste versés au dossier de la société ne prouvent pas que ledit courrier a été présenté à la salariée ni qu'elle en a été avisée.

Extrait de l’arrêt :

  1. Pour condamner la société à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt retient que le 30 mars 2015, la société a adressé à la salariée un courrier recommandé avec accusé de réception l'informant qu'elle se trouvait déliée de son obligation de non-concurrence, mais que les documents de La Poste versés au dossier de la société ne prouvent pas que ledit courrier a été présenté à la salariée ni qu'elle en a été avisée.

La Cour de cassation n’est pas sensible à cette argumentation, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, ayant constaté que :

  • D’une part que le contrat de travail prévoyait que l'employeur pouvait renoncer à la clause de non-concurrence à condition d'en informer la salariée par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard dans le mois de la notification de la rupture
  • D’autre part que l'employeur avait adressé à la salariée une lettre recommandée le 30 mars 2015, soit dans le délai prévu, la rupture étant intervenue le 16 mars 2015 ;
  • La cour d'appel n’était pas en droit de condamner l’employeur à payer au salarié la contrepartie financière, au motif que les documents de la Poste versés au dossier de la société, ne prouvaient pas que ledit courrier ait été présenté à la salariée ni qu'elle en a été avisée. 

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil :

  1. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
  2. Pour condamner la société à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt retient que le 30 mars 2015, la société a adressé à la salariée un courrier recommandé avec accusé de réception l'informant qu'elle se trouvait déliée de son obligation de non-concurrence, mais que les documents de La Poste versés au dossier de la société ne prouvent pas que ledit courrier a été présenté à la salariée ni qu'elle en a été avisée.
  3. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations d'une part que le contrat de travail prévoyait que l'employeur pouvait renoncer à la clause de non-concurrence à condition d'en informer la salariée par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard dans le mois de la notification de la rupture, d'autre part que l'employeur avait adressé à la salariée une lettre recommandée le 30 mars 2015, soit dans le délai prévu, la rupture étant intervenue le 16 mars 2015, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

  1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411- 3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
  2. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet que la cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il condamne la société (…) à payer à Mme K... la somme de 10 373,62 euros à titre d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt rendu le 14 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-16695

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente pour rappeler les procédures qui peuvent se produire à la rupture d’un contrat de travail au sein duquel a été inséré une clause de non-concurrence :

Que se passe-t-il à la rupture du contrat de travail ?

Cas numéro 1 

L’employeur peut « lever » la clause de non-concurrence lors du départ de son salarié (en pratique, cela se produit assez souvent).

Aucune contrepartie financière n’est alors réglée et le salarié n’est en aucune façon liée par la clause.

Cette renonciation doit nécessairement être prononcée dans le délai prévu par la Convention collective ou le contrat de travail.

Cas numéro 2 

Si l’employeur ne libère pas le salarié de sa clause de non-concurrence, il doit alors régler au salarié les sommes prévues par la clause, au titre de contrepartie financière.

Ces sommes sont considérées comme des salaires, soumises à toutes les cotisations sociales et imposables au titre de l’impôt sur le revenu.

L’employeur doit aussi régler les congés payés correspondant, en pratique beaucoup d’entreprise ajoutent une ligne supplémentaire calculée à 10% de la contrepartie financière en paiement des congés payés dus. 

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