Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 1er février 1988, en qualité d'assistante service ressources humaines. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence.
Le 16 mars 2015, elle est licenciée pour motif personnel, puis les parties signent un protocole transactionnel le 30 mars 2015.
Le 27 juillet 2016, la salariée saisit la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.
Par arrêt du 25 juin 2019, la cour d'appel de Grenoble donne raison à la salariée, la transaction ne comprenant aucune mention « dont il résulterait que les parties au protocole ont entendu régler la question de l'indemnité de non-concurrence due à la salariée ».
Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, et réel revirement de jurisprudence considère que :
- Les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence;
- Sont comprises dans l'objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourVu les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et 2048 et 2049 du même code :
- Il résulte de ces textes que les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence sont comprises dans l'objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail.
- Pour faire droit aux demandes de la salariée, l'arrêt retient que l'employeur ne justifie pas avoir expressément levé la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail tant à l'occasion du licenciement que postérieurement à ce dernier, que la transaction litigieuse ne comprend aucune mention dont il résulterait que les parties au protocole ont entendu régler la question de l'indemnité de non-concurrence due à la salariée, que l'employeur ne peut en conséquence exciper de l'autorité de la chose jugée s'attachant au protocole transactionnel du 30 mars 2015 pour s'opposer à la demande en paiement formée la salariée.
- En statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, les parties reconnaissaient que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, et en particulier de l'article 2052 de ce code, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et déclaraient, sous réserve de la parfaite exécution de l'accord, être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Commentaire de LégiSocial
Ainsi que nous l’indiquons en préambule, cet arrêt constitue un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation ayant eu un autre raisonnement dans plusieurs arrêts précédents.
Arrêt du 1er mars 2000
Dans cet arrêt, la Cour de cassation confirmait l’arrêt de la cour d’appel et indiquait que :
- Mais attendu que les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf disposition expresse contraire, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d'un licenciement ;
- Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la transaction, qui était destinée à mettre fin à un différend opposant les parties sur la rupture du contrat de travail et à régler les conséquences pécuniaires de cette dernière, ne comportait aucune disposition faisant référence à la clause de non-concurrence, a décidé à bon droit que cette dernière n'entrait pas dans le champ d'application de la transaction
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf disposition expresse contraire, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d'un licenciement ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la transaction, qui était destinée à mettre fin à un différend opposant les parties sur la rupture du contrat de travail et à régler les conséquences pécuniaires de cette dernière, ne comportait aucune disposition faisant référence à la clause de non-concurrence, a décidé à bon droit que cette dernière n'entrait pas dans le champ d'application de la transaction ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 97-43.471 Non publié au bulletin Solution : Rejet Audience publique du mercredi 01 mars 2000
Décision attaquée : cour d'appel de Lyon (Chambre sociale) 1997-05-23, du 23 mai 1997
Arrêt du 24 janvier 2007
Dans cet arrêt, nonobstant la réalisation d’une transaction, l’employeur pouvait être condamné à titre d’indemnisation au paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, n’ayant pas délié le salarié de son obligation contractuelle.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que la société (…) fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre d'indemnisation de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, que la transaction aux termes de laquelle un salarié se déclare entièrement rempli de ses droits dans tous les rapports contractuels qui le liaient à son employeur aussi bien au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail éteint définitivement toute contestation et emporte renonciation du salarié à toute action en justice découlant de son contrat de travail et donc de la clause de non-concurrence qui y était stipulée ; que la cour d'appel qui, pour juger que la clause de non-concurrence s'imposait à elle et faire droit à la demande d'indemnités de M. X..., a relevé que la transaction ne faisait pas allusion à une dispense de la clause de non-concurrence quand cette convention précisait pourtant que ce dernier s'était déclaré entièrement rempli de ses droits dans tous les rapports de droit privé qui le liaient à elle au titre de l'exécution comme de la rupture de son contrat de travail et donc, en particulier, de ceux découlant de la clause de non-concurrence qui y était stipulée en cas de rupture, a méconnu l'objet de la transaction et ainsi violé les articles 2048 et 2049 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé qu'à aucun moment l'employeur n'avait délié le salarié de son obligation de non-concurrence et qui a constaté que la transaction ne comportait aucune énonciation relative à celle-ci, a décidé, à bon droit, que la contrepartie pécunaire n'entrait pas dans l'objet de la transaction ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 05-43.868 Non publié au bulletin Solution : Rejet Audience publique du mercredi 24 janvier 2007
Décision attaquée : cour d'appel de Chambéry (chambre sociale) 2005-05-31, du 31 mai 2005
Arrêt du 18 janvier 2012
Au sein de ce précédent arrêt, la Cour de cassation indiquait que :
- Les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail n’étaient pas, sauf dispositions expresses contraires, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d’un licenciement ;
- Ayant été constaté que le protocole transactionnel ne comportait aucune disposition emportant expressément renonciation à la clause de non-concurrence, ce dont il résultait que cette clause n'entrait pas dans l'objet de la transaction.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour rejeter la demande du salarié, l'arrêt retient que la transaction conclue le 29 novembre 2005 vise également la rupture du contrat de travail, et règle, en réalité, le sort dudit contrat dans son intégralité ;
Attendu, cependant, que les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf disposition expresse contraire, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d'un licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le protocole transactionnel ne comportait aucune disposition emportant expressément renonciation à la clause de non-concurrence, ce dont il résultait que cette clause n'entrait pas dans l'objet de la transaction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande au titre de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 26 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 10-14.974 Non publié au bulletin Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 18 janvier 2012 Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 26 janvier 2010
Eteindre tout différent entre les parties
Pour terminer notre commentaire de ce jour, nous remarquerons que la Cour de cassation a pris le soin d’indiquer dans son arrêt que :
- Pour que la transaction puisse englober la clause de non-concurrence ;
- Elle doit indiquer expressément qu’elle a vocation à « mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles ».
De façon détaillée, la Cour de cassation s’exprime ainsi….
« En statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, les parties reconnaissaient que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, et en particulier de l'article 2052 de ce code, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et déclaraient, sous réserve de la parfaite exécution de l'accord, être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »